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La gauche doit se réapproprier la France


Tribune de Jean-Pierre Chevènement, sénateur du Territoire de Belfort, président du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC), publiée dans Marianne, samedi 25 octobre 2008. La crise, telle qu'elle se développe, consacre le double retour de la puissance publique et du fait national.


La gauche doit se réapproprier la France
Ce qui est extraordinaire dans la crise actuelle c’est l’empressement des pyromanes à jouer les pompiers. Une égale amnésie touche M. Sarkozy, sa majorité et la plupart des dirigeants de la gauche. La droite oublie le culte qu’elle vouait à Reagan dans les années quatre-vingt, les privatisations, les niches fiscales multipliées, l’OMC crée sous M. Balladur en 1994 et qui a éradiqué nos dernières protections tarifaires. Quant au PS, il a oublié le culte du franc fort, puis de l’euro fort, le MATIF et la désintermédiation bancaire. Oserai-je rappeler que c’est sous la gauche que la part des salaires dans le revenu national brut a décroché de dix points ? Faut-il oublier que le principe de la concurrence libre et non faussée a été posé par l’Acte Unique négocié en 1985 et voté en 1987 par le PS et par la droite ? C’est au 1er janvier 1990 que la liberté des capitaux a été instaurée, déséquilibrant de manière irréversible le rapport entre le capital et le travail. Faut-il encore évoquer l’irresponsabilité de la Banque Centrale européenne consacrée par le traité de Maastricht en 1992 ? Assez de balivernes donc ! La « solution » n’est pas « social-démocrate », n’en déplaise à mon ami Jean-Marc Ayrault. Elle est tout simplement républicaine.

Bien sûr, la responsabilité principale de la globalisation et de la crise est dans les pays anglo-saxons, et particulièrement aux Etats-Unis, mais comment oublier que la droite française a surenchéri et que le PS a fait mieux qu’accompagner ?

Je ne dis pas tout cela pour remuer le couteau dans la plaie : l’histoire n’a d’intérêt que pour éclairer l’avenir. Une profonde rupture est nécessaire avec cette période des « trente piteuses » qui a entraîné notre pays dans un déclin apparemment irréversible, en Europe et dans le monde.

Au moins la crise, telle qu’elle se développe, comporte-t-elle des leçons évidentes et elle ouvre un espace nouveau à une gauche digne de ce nom. C’est le retour à la fois de la puissance publique et du fait national. Seuls, en effet, les Etats nationaux ont la légitimité pour agir par gros temps. La Commission européenne comme la Banque Centrale ont été condamnées à suivre ou à se renier. Les règles européennes (concurrence libre et non faussée, prohibition des aides d’Etat) ont été mises en congé au nom de « circonstances exceptionnelles ». Les critères de Maastricht (dette et déficits) ont été explosés Ce sont les Etats-Unis qui ont donné les premiers l’exemple avec le plan Paulson, puis l’Europe a suivi par un enchaînement de décisions nationales progressivement coordonnées : G4 le 4/10, puis dans les jours suivants Eurogroupe à quinze, auquel s’est jointe la Grande-Bretagne, puis enfin Union Européenne à vingt-sept. C’est donc une Europe de cercles concentriques qui s’est mise en mouvement avec des réponses différentes d’un pays à l’autre.

Dès maintenant la désuétude des traités européens apparaît en pleine lumière. Un cycle est clos. Une période est morte, celle où le mythe d’une Europe fédérale a servi à démobiliser la nation. La France a un rôle à jouer pour dynamiser l’Europe, une Europe des peuples, une Europe des nations et donc des Etats, une Europe à géométrie variable et s’assumant comme telle.

De toute façon, le défi de la crise impose une réponse qui aille bien au-delà de l’Europe, une réponse internationale. On évoque un nouveau Bretton Woods mais il est difficile de revenir à des parités stables sans corriger les déséquilibres économiques majeurs qui existent entre les Etats-Unis et le reste du monde. L’épargne des ménages américains est inférieure à 1 % de leurs revenus. Leur endettement est de 133 %. L’endettement global de tous les acteurs économiques américains est de 316 % du PIB. Le déficit commercial des Etats-Unis est de 700 Milliards de dollars, 6 % du PIB ! Tout cela ne se corrigera pas en un jour. C’est le mode de vie dispendieux et énergétivore des Etats-Unis qui devra être remis en cause. Surtout, les Etats-Unis ne peuvent plus continuer à dominer seuls le reste du monde. Une redistribution de la puissance est redevenue inévitable, à travers notamment la réforme des institutions internationales.

Sans doute un plan de relance coordonné à l’échelle mondiale pourra-t-il limiter la tentation d’un retour au protectionnisme aux Etats-Unis. Il faudra que les pays excédentaires en matière d’épargne et de commerce extérieur (Chine, Japon, Allemagne) acceptent de jouer un rôle de locomotive dans cette relance. C’est dire combien sera difficile le cycle des négociations internationales qui va s’engager à la fin de l’année.

Dans cette grande crise, il faut que la voix de la France se fasse entendre. La gauche devrait avoir à cœur de faire en sorte que ce ne soit pas seulement celle de M. Sarkozy mais également la sienne. Encore faut-il pour cela qu’elle se réapproprie la France !


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Vendredi 24 Octobre 2008 à 16:00 | Lu 9823 fois


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101.Posté par BA le 09/11/2008 19:27
Quand les fabriquants d'automobiles gagnent de l'argent, ils passent leur temps à cracher sur l'Etat.

Quand les fabriquants d'automobiles gagnent de l'argent, ils sont pour le libéralisme économique.

Quand les fabriquants d'automobiles gagnent de l'argent, ils sont pour que l'Etat fasse payer moins d'impôts aux contribuables.

Mais quand les fabriquants d'automobiles perdent de l'argent, ils vont implorer l'aide de l'Etat, comme des mendiants.

" Pitié, monsieur l'Etat, pitié, aidez-nous ! Prêtez-nous des dizaines de milliards ! " pleurnichent les fabriquants d'automobiles.

Dernier exemple en date :

GENERAL MOTORS APPELLE À L'AIDE L'ETAT AMÉRICAIN POUR ÉVITER LA FAILLITE.

General Motors (GM) pourrait être à court de liquidités dès le premier semestre 2009. Le spectre de la faillite du numéro un américain de l'automobile était latent depuis plusieurs mois. Ce scénario noir est aujourd'hui plus qu'une simple hypothèse.

Lors de la publication de ses résultats du troisième trimestre, vendredi 7 novembre, GM a multiplié les mauvaises nouvelles : des pertes abyssales, 2,5 milliards de dollars (1,96 milliard d'euros) en net et 4,2 milliards de dollars sur le plan opérationnel. Quant au chiffre d'affaires, il est en recul de 13 % à 37,9 milliards de dollars.

Mais le plus inquiétant à court terme, c'est le niveau de trésorerie dont GM dispose. " Les liquidités estimées pour le reste de 2008 approcheront le minimum requis pour faire fonctionner l'entreprise. Pour les deux premiers trimestres de 2009, même avec les mesures de restructuration prévues, les liquidités tomberont largement au-dessous de ce niveau ", a indiqué GM.

En réalité, le premier constructeur américain brûle plus de 1 milliard de dollars de liquidités chaque mois. Entre juin et septembre, elles sont tombées de 21 milliards à 16,2 milliards de dollars.

" En tenant ce discours, GM est allé droit au but en implorant une aide ", a déclaré à l'agence Bloomberg Pete Hastings, analyste chez Morgan Keegan.

Le futur président américain, Barack Obama, conscient de l'urgence de la situation a annoncé, vendredi, lors de sa première conférence de presse à Chicago : "J'ai décidé que l'équipe de transition va devoir travailler sur de nouvelles mesures pour aider l'industrie automobile à s'adapter" à la chute de la demande.

Les constructeurs américains plaident pour une aide de 25 milliards de dollars de prêts directs sans conditions, s'ajoutant à l'enveloppe de 25 milliards de dollars approuvée en septembre 2008, mais destinée uniquement aux développements de nouvelles technologies.

http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/11/08/general-motors-appelle-a-l-aide-l-etat-americain-pour-eviter-la-faillite_1116463_1101386.html#ens_id=1100912

Les banquiers, c'est pareil.

Tous ces partisans du libéralisme économique sont des tartuffes.

102.Posté par domino78 le 09/11/2008 20:01
@ BA

C'est le principe de la privatisation des bénéfices et de la socialisation des pertes.

Et si en prime, on peut culpabiliser le monde du travail et réduire les acquis sociaux, c'est tout bénéfice pour les possédants capitalistes et grands patrons.

A ce jeu là, N. Sarkozy excelle.

103.Posté par jean le 11/11/2008 03:25
franchement c'est un site trés bien merci

104.Posté par Claire Strime le 12/11/2008 09:21
B.Hamon s'apprête à se représenter comme député européen sur une liste qui comprendra des partisans du traité de Lisbonne (ignominieusement imposé au mépris du suffrage universel dans les conditions que l'on sait).
Dans ces conditions être le chef de file d'une aile gauche du PS en 2009 n' a pas du tout la même signification que de l'être en 1971 ou 1975.
La première fois ce fut une tragédie, la seconde une farce.
C'est ce qu'a compris le "vieux crabe" (selon Dray sur son blog) que je qualifierai plutôt de vieux renard Mélenchon, qui a tout a fait raison de faire ce coup de poignard au jeune loup Hamon.
Un ex-rocardien qui n'a même pas fait l'ENA, chef de file d'une aile gauche??? Vraiment n'importe quoi!

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