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Série d'entretiens sur France Culture (audio et transcription) : 4/ "Le miraculé de la République"


Quatrième épisode de l'émission "A Voix nue" avec Jean-Pierre Chevènement, une série d’entretiens produite par Gérard Courtois et réalisée par Marie Plaçais. Diffusée du lundi 23 au vendredi 27 mars sur France Culture de 20h à 20h30 et publiée en intégralité sur franceculture.fr.


Présentation de l'épisode par France Culture : "Jean-Pierre Chevènement revient au premier plan en 1988 (à la défense) puis en 1997, à l’intérieur dans le gouvernement de gauche plurielle. Un an plus tard, il réchappe miraculeusement d’un accident opératoire. Le dossier corse mettra un terme à son partenariat avec Lionel Jospin."

Transcription intégrale.

Gérard Courtois : Jean-Pierre Chevènement bonjour, nous avons interrompu hier notre conversation en janvier 1991, au moment de la première crise du Golfe, de cette guerre menée par les Américains et les Occidentaux, dont la France, contre l’Irak de Saddam Hussein qui avait envahi le Koweït. Vous êtes alors ministre de la Défense et vous démissionnez pour dénoncer cette logique de guerre. Ce n’est pas banal pour un ministre de la Défense… Pourquoi ce choix ?

Jean-Pierre Chevènement : Je pense qu’on ne peut pas séparer ce qui se passe avec l’Irak au Moyen-Orient d’un renversement beaucoup plus profond du rapport de forces à l’échelle du monde. L’implosion de l’URSS va intervenir en 1991 mais j’en devine les prodromes quand je me rends en Union soviétique comme ministre de la Défense. Je suis reçu à l’académie Vorochilov, je parle devant 400 élèves-officiers [1] mais Vorochilov est traîné dans la boue dans la presse russe pour avoir été à l’origine des premières défaites de l’armée soviétique. De même quand je suis reçu à Mourmansk pour une visite à la flotte du Nord, j’apprends que l’amiral qui me reçoit vient d’être battu aux premières élections législatives par un enseigne de vaisseau… ça fait désordre. Donc on sent bien que l’URSS vacille, tremble sur ses bases. On n’imagine pas encore qu’elle puisse disparaître.

Peu de mois après, à peine les lampions de Valmy s’étaient éteints, en septembre 1989 – nous devions associer l’armée à la commémoration du bicentenaire – à peine ces lampions étaient-ils éteints que j’apprends que la frontière entre la Hongrie et l’Autriche est ouverte… Elle est ouverte sur ordre du gouvernement gorbatchévien de Budapest ; le flot des réfugiés Est-allemands gagne donc la Hongrie, puis l’Autriche, puis l’Allemagne…

Gérard Courtois : … et en quoi tout cela pèse sur l’affaire du Golfe ?

Jean-Pierre Chevènement : Parce que l'affaire du Golfe c’est l’envers de la crise qui se déroule en Europe. L’affaissement de l’Union soviétique se traduit par un profond bouleversement du rapport de forces. L’Irak est un pays protégé par l’Union soviétique. Tant que l’Union soviétique est solide, l’Irak peut se permettre un certain nombre de choses. D’ailleurs, elle a agi pour le compte de toute la communauté internationale contre l’Iran khomeyniste, de 1981 à 1988. On voit venir l’islamisme politique. Disons que tout cela a des liens entre tous les pays du Moyen-Orient. Donc les choses vont s’aigrir avec le Koweït. Je suis à l’époque en vacances. Je pense qu’il faut privilégier une solution diplomatique dans un cadre interarabe. François Mitterrand évoque une logique de guerre. Il est résolu à la guerre si guerre il doit y avoir. Il n’y a guère que Pierre Joxe, dans ce conseil de défense, qui vienne un peu à ma rescousse pour dire que nous devons quand même privilégier une solution politique, parce que nos intérêts ne sont pas les mêmes que ceux des Américains au Moyen-Orient, mais les choses ne se calment pas, tous les autres ministres font profil bas, y compris le Premier ministre. Mais je me sens très isolé …

Gérard Courtois : On touche au fond de l’affaire … Ce qui vous heurte dans cette affaire c’est que la France se mette à la remorque des Américains.

Jean-Pierre Chevènement : Alors, ça me heurte, mais ce qui me heurte c’est, que connaissant un petit peu le monde de l’islam… Je vous rappelle que j’ai été officier en Algérie jadis, que je me suis toujours intéressé à ce qui se passait dans les pays musulmans, donc je suis plutôt pour une solution pacifique. Donc je fais une lettre manuscrite à François Mitterrand en lui demandant de me relever de mes fonctions. Je commets une erreur : je lui laisse le choix de la date. Et le lendemain, il me dit : « Écoutez, je vais entreprendre une médiation avec les Soviétiques, les Algériens, donnez-moi un peu de temps ». Et il me le répète encore au mois de janvier. Donc, je suis à un moment cerné parce que l’opinion s’est retournée, on a fait croire que toute la responsabilité venait de Saddam. A l’époque, je reçois la visite du ministre américain de la Défense, Dick Cheney, qui me demande de lui expliquer pourquoi la paix est préférable à la guerre. Je lui dis : « C’est très simple, si vous voulez faire le jeu de l’Iran, vous faites la guerre. Si vous voulez faire le jeu de l’islamisme fondamentaliste radical, y compris en pays sunnite… » – parce que je voulais dire tout à l’heure que je suivais de près aussi ce qui se passait en Afghanistan, c’est-à-dire les Moudjahidines afghans contre les Soviétiques, mais abondamment subventionnés et soutenus par les Pakistanais, les Saoudiens et les Américains – donc je lui dis : « Si vous voulez aussi faire le jeu de l’islamisme radical, vous n’avez qu’à y aller, et faire comme dit Madame Thatcher, briser l’échine de l’Irak ». Il me dit : « C’est très intéressant. Je vais rapporter tout cela à Washington ». En réalité, tout ça finit à la poubelle. Au mois de janvier, je suis un peu coincé, mais François Mitterrand fait répondre justement par l’amiral Lanxade aux questions d’Anne Sinclair dans une émission qui s’appelle…

Gérard Courtois : … 7/7…

Jean-Pierre Chevènement : … 7/7. Alors là je considère qu’il y a un pas qui a été franchi. Je demande à voir François Mitterrand qui me reçoit après un conseil de défense, comme il s’en tenait tous les jours, je lui dis : « Écoutez, il y a des bornes qui sont franchies, ça manque de dignité et par respect pour mes fonctions, je pense qu’on peut maintenant tirer les conclusions de la lettre de démission que je vous ai envoyée le 7 décembre ». Je pense qu’il est encore temps. J’ai fait un ordre du jour aux forces armées pour leur faire comprendre la logique politique de mon comportement. Je ne suis pas un militaire, je n’ai pas à obéir aux ordres, je suis un homme politique qui est responsable devant le peuple français et devant ma conscience, par conséquent je leur explique cela, ils le comprennent ou il ne le comprennent pas… ils le comprendront peu à peu, plus tard, quand il y aura Al Qaïda, puis Daech, mais sur le moment c’est quand même un moment très difficile pour moi. Je démissionne donc, je ne suis plus rien, je regagne Belfort.

Gérard Courtois : Oui… Ce qui n’est pas « plus rien » puisque, parlons-en puisque vous l’évoquez, c’est votre fief depuis très longtemps : vous avez été élu pendant 40 ans à Belfort comme député, comme maire, comme sénateur à la fin jusqu’en 2014. Au fond c’était le point fixe Belfort ?

Jean-Pierre Chevènement : C’était ma ville natale, mais quand je choisis d’aller à Belfort en 1973, plutôt qu’à Hyères où on m’a proposé également de venir me faire élire, je vous rappelle c’était au lendemain de la signature du programme commun, j’ai préféré Belfort en vertu d’un a priori sociologique : ses grandes usines, Alsthom, Bull, Sochaux tout près.

Gérard Courtois : Une vraie région industrielle …

Jean-Pierre Chevènement : Une vraie région industrielle. J’ai pensé que ça m’irait. J’ai été élu. J’ai tissé une relation de confiance avec beaucoup de gens auxquels je reste profondément reconnaissant de tout ce qu’ils m’ont apporté. J’ai vraiment eu le sentiment d’être l’élu des alsthomiens, des bullistes, et j’ai tissé une relation qui ne s’est dénouée que très tardivement puisque j’aurai été élu au total 41 ans du Territoire de Belfort. Donc Belfort a été quand même pour moi un lieu d’accomplissement. Je m’y suis profondément attaché. J’ai eu l’occasion de montrer ce que, avec la longévité, on pouvait faire : j’ai fait venir le TGV mais ça m’a pris 25 ans ; j’y ai implanté une université de technologie mais c’est un travail sur 20 ans ; j’ai fusionné l’hôpital de Belfort et de Montbéliard, mais il a fallu 15 à 20 ans pour que ça se concrétise. Tout cela ça demande beaucoup de temps.

Gérard Courtois : Donc vous avez cette base de repli, on est en 1991-1992, il n’y a pas que la crise du Golfe, il y a aussi la préparation du traité de Maastricht. De manière fort logique, compte tenu de votre prise de position en 1983, au moment, vous venez de le rappeler, des choix de François Mitterrand, vous voterez d’ailleurs « Non » au référendum sur le traité de Maastricht, mais, on peut y revenir, il me semble que le moment-clé pour vous à ce moment-là ce sont ces deux refus, le refus sur le Golfe, le refus sur Maastricht, et au fond le départ du PS.

Jean-Pierre Chevènement : J’avais déjà été très inquiété par les événements en Europe : la réunification de l’Allemagne, la perspective de l’élargissement à l’Est, tout cela nous confectionnait une Europe qui n’était plus du tout la nôtre. Ce n'était plus une Europe franco-centrée, c’était une Europe germano-centrée. J’étais quand même capable de le comprendre. François Mitterrand le comprenait aussi. Et ses appréhensions, je les partageais. Mais je dois dire qu’il n’a commis aucune faute, il ne s’est pas opposé à la réunification de l’Allemagne. Il a compris que ce serait gravement attenter à l’avenir des relations franco-allemandes que de prendre une position si négative que celle de Madame Thatcher. Donc il a dit : « Je suis pour, à condition que ça se fasse démocratiquement et pacifiquement ».

Gérard Courtois : Avec le recul, il ne fallait pas faire l’euro ? Il ne fallait pas enclencher le processus qui a conduit à la création de l’euro ?

Jean-Pierre Chevènement : Je pense que, effectivement on a mis la charrue avant les bœufs. On ne fait pas une unité monétaire s’il n’y a pas une unité politique profonde, sinon on se met à la merci, ce qui est arrivé, de l’ordo-libéralisme allemand, c’est-à-dire des règles plus ou moins sérieuses, et à mes yeux souvent absurdes, que sont les règles imposées par l’Allemagne en matière de déficit budgétaire et de ratio d’endettement.

Gérard Courtois : C’est le moment où vous quittez le Parti socialiste. Est-ce que vous êtes au fond condamné à la marginalité ?

Jean-Pierre Chevènement : Écoutez, j'avais essayé de peser du dedans à travers le CERES, qui avait quand même représenté plus du quart du Parti socialiste et qui avait un vrai pouvoir d’orientation, et en même temps, sur beaucoup de sujets j’avais imprimé ma marque, donc si je ne pouvais plus agir de l’intérieur il fallait agir de l’extérieur, donc faire le pari du suffrage universel. C’est la création du Mouvement des citoyens, un sigle qui m’avait été suggéré par mon ami Régis Debray : MDC, Mouvement des Citoyens. Et, en donnant la main aux gaullistes de gauche, qui étaient quand même assez nombreux, qui venaient vers nous à ce moment-là, nous pouvions espérer créer une dynamique. Ca venait aussi après le traité de Maastricht, le référendum c’était 51/49 %, donc est-ce que nous allions pouvoir convertir le « Non » de gauche en un vote pour le Mouvement des citoyens ? Alors, la réponse a été, malheureusement, non.

Gérard Courtois : Aux européennes de 1994 ? Vous faites 2,5 % de vos listes …

Jean-Pierre Chevènement : Aux européennes de 1994, les sondages me donnent 5 %  mais je fais, à l’arrivée, 2,5 %.

Gérard Courtois : Et, au moment où approche l’élection présidentielle de 1995, Delors qui s’est longtemps fait désirer a fini par renoncer, Jospin s’interroge, consulte, et vous êtes l’un des premiers à lui conseiller d’y aller.

Jean-Pierre Chevènement : Oui j’avais gardé une relation avec Jospin … Nous n’étions pas d’accord sur tout, loin de là, mais pour moi ça ne comptait pas, donc j’ai apporté mon soutien à Jospin avant même que le Parti socialiste l’ait désigné puisqu’il y avait, vous le savez, un choix à faire entre Emmanuelli qui était le Premier secrétaire et Jospin.

Gérard Courtois : Et vous lui apportez votre soutien en 1995, mais vous lui apportez encore plus votre soutien, si je puis dire, en 1997, quand la gauche plurielle remporte, un peu à la surprise générale, les élections législatives après la dissolution décidée par Jacques Chirac, et vous vous retrouvez ministre de l’Intérieur.

Jean-Pierre Chevènement : Je ne croyais pas beaucoup à la gauche plurielle. D’ailleurs nous n'avons passé un accord avec le Parti socialiste que tout à fait après la dissolution, enfin tout ça a marché.

Gérard Courtois : Ça n’était pas l’union de la gauche, revisitée ?

Jean-Pierre Chevènement : Il y avait encore le Parti communiste mais il y avait quand même dans la gauche plurielle cette, à mon avis, très mauvaise idée qui consistait à faire une alliance avec les écologistes dont l’idéologie est de substituer au progrès la catastrophe à l’horizon de l’Histoire : c’est l’heuristique de la peur, c’est l’idée que nous sommes menacés par tout ce que nous savons en matière d’environnement et que par conséquent ça implique une attitude extrêmement coercitive sur le plan du mode de vie, donc ce n’était pas vraiment notre philosophie. Par exemple en matière nucléaire, je ne partage absolument pas les choix qui ont été faits par non seulement les Verts mais le Parti socialiste à leur suite, plutôt à la suite de l’Allemagne, après que Madame Merkel ait fait son tournant énergétique, c’est-à-dire la suppression de 17 tranches nucléaires… ça me paraissait absolument aberrant, on se tirait une balle dans le pied. Donc, je n’étais pas tellement favorable à cette idée de gauche plurielle.

Gérard Courtois : Néanmoins vous vous embarquez sur le bateau…

Jean-Pierre Chevènement : Ben voilà, une fois que la dissolution est intervenue, il fallait bien s’aligner avec le Parti socialiste …

Gérard Courtois : Comme d’habitude, dans ce genre de situation, vous prenez les dossiers à bras le corps. Alors il y en a beaucoup de dossiers quand on est ministre de l’Intérieur : il y a la sécurité, il y a l’immigration, vous avez la responsabilité des cultes donc de l’islam, les problèmes d’intercommunalité, de décentralisation, etc., la Corse. Mais je voudrais qu’on s’arrête au moins sur deux d’entre eux parce qu’ils sont encore d’une très grande actualité. Le premier c’est la situation des banlieues : vous employez à l’époque une expression qui passe un petit peu inaperçue, me semble-t-il, mais qui sera reprise ensuite en disant que la République au fond est menacée par l’apartheid social dont les banlieues seraient ou sont victimes. Au fond la situation ne s’est pas améliorée. Est-ce que, et c’est un euphémisme, ou pourquoi la République ne parvient pas à relever ce défi au fond ?

Jean-Pierre Chevènement : Disons que ce défi monte à l’horizon depuis longtemps, depuis la marche dite « marche des beurs » qui était la marche de l’égalité, en 1981, les violences urbaines à Vaulx-en-Velin, Vénissieux, etc., puis les choses vont aller en progressant, donc je suis confronté à ces violences urbaines, je suis obligé de les comprendre, je vois une chose évidente, que tout le monde peut voir et que j’avais déjà vue, c’est qu’il y a une ségrégation spatiale, c’est que, effectivement, il y a une concentration de la jeunesse défavorisée, et particulièrement de la jeunesse immigrée, dans un certain nombre de quartiers que fuient les populations qui y habitaient précédemment, qui vont devenir la France périphérique, la France décrite par Christophe Guilluy.

Gérard Courtois : … et la France des gilets jaunes…

Jean-Pierre Chevènement : La France des gilets jaunes. Donc, je vois cette France qui est en voie d’éclatement avec les « Rebe », les « Céfrancs », les « bobos » dont on commence à parler, et j’ai inventé la « gauche américaine », mais c’étaient les « bobos » que je voulais décrire et puis il y a, je dirais, les déserts ruraux, les paysans qui ne vont pas bien, et puis au-dessus de tout ça il y a les « élites mondialisées ». J’emploie l’expression, qui est de Zygmunt Bauman, mais je l’emploie dans un livre que j’ai écrit comme ministre de l’Intérieur, qui s’appelle La République contre les bien-pensants, chez Plon, et je dis ce que je pense de cette situation. Je crois qu’il est absolument nécessaire d’agir et je le fais par plusieurs canaux : d’abord, il y a cette loi sur l’intercommunalité qui permet d’établir une solidarité intercommunale, avec mutualisation de la taxe professionnelle unique, et puis qui permet la mise en œuvre de politiques de restructuration urbaine donc qui dote en quelque sorte notre armature de collectivités territoriales de moyens efficaces pour remodeler le paysage urbain. Mais il faut faire beaucoup plus que cela et je crée des Codac [Commission d'accès à la citoyenneté] à mon retour du Val de Grâce et…

Gérard Courtois : Le Val de Grâce, tout le monde ne se souvient pas forcément de ce qui vous y est arrivé ?

Jean-Pierre Chevènement : Voilà, j’ai eu un accident thérapeutique, je devais subir une opération extrêmement bénigne de la vésicule biliaire et une piqûre de curare a immobilisé mon cœur pendant cinquante-cinq minutes, donc ça m’a en fait immobilisé techniquement comme ministre de l’Intérieur pendant trois à quatre mois…

Gérard Courtois : Vous en parlez comme d’un épisode anecdotique… Vous êtes quand même huit jours dans le coma, tout le monde se demande si vous vous en sortirez.

Jean-Pierre Chevènement : Oui, mais moi je ne me le demande pas puisque je suis dans le coma… Il y a un mois, parce qu’en réalité on va me prolonger dans le coma, c’est un coma entretenu sous morphine pour éviter que mes organes qui avaient claqué ne me fassent trop souffrir… Donc pendant trois semaines je suis dans le coma, et quand je sors du coma, je ne sais plus très bien où je suis… Heureusement, je vois Schröder qui gagne les élections, donc ça me rappelle que nous sommes fin septembre, parce que je savais déjà que les élections allemandes étaient fin septembre, c’est ça qui me permet de me raccrocher et de savoir pourquoi je suis là d’ailleurs… Je ne comprends pas ce qui a pu se passer.

Gérard Courtois : Comment sort-on d’un tel épisode extraordinaire ? On se sent vulnérable ou on se sent invulnérable ? Quand on en réchappe si je puis dire.

Jean-Pierre Chevènement : Moi je m’en suis senti plutôt invulnérable parce que j’ai tout de suite demandé à être libéré de mes liens, c’étaient les tuyaux sur lesquels j’étais branché, j’étais un ministre de l’Intérieur très tuyauté. Il y avait 9 tuyaux, et comme je me suis heurté au refus du médecin, j’ai entrepris d’enlever le tube à oxygène. Donc on m’a attaché et j’ai eu des conversations difficiles avec le chef du service qui me disait : « Ici, c’est moi le Préfet de police », et je lui répondais, sur une ardoise parce que je ne pouvais pas parler : « Non, le Préfet de police c’est moi qui le nomme »…

Gérard Courtois : Vous n’aviez pas totalement perdu le Nord quand même…

Jean-Pierre Chevènement : Finalement… Quand même j’ai fait une petite rechute, mais ensuite je suis reparti, je dirais que je suis remonté à une vitesse exponentielle. Je reviens au ministère de l’Intérieur et aux choses sérieuses. La première chose que je fais, c’est une note à l’attention de Lionel Jospin qui s’appelle « Note sur la sécurité », mais en réalité qui est un vrai programme de gouvernement. Je lui explique ce qu’il faut faire en matière de sécurité, persévérer, aller plus loin, prendre les moyens de notre politique. Je lui propose une loi de programmation pour la modernisation de la police et surtout d’intégrer cette politique dans un schéma de politique plus large de refondation républicaine. Évidemment, ça impliquerait que tout le gouvernement suive. Ça ne va pas se passer comme ça. Mais, pendant quelques semaines, et même pendant les trois premiers mois de 1999, j’aurai le sentiment que j’ai créé avec Lionel Jospin un môle suffisamment solide pour que nous puissions remonter le courant.

Gérard Courtois : Un vrai partenariat…

Jean-Pierre Chevènement : Un vrai partenariat. Mais le Premier ministre va être amené par des moyens plus ou moins obliques à trancher finalement dans un autre sens que celui que je préconise.

Gérard Courtois : Et notamment sur un dossier qui va devenir très vite une pomme de discorde très urticante : c’est la Corse.

Jean-Pierre Chevènement : Il y a l’incident de la paillote qui va créer une rupture profonde.

Gérard Courtois : La paillote, il faut expliquer…

Jean-Pierre Chevènement : Alors la paillote c’est quelques planches sur une plage proche d’Ajaccio. Il y a des gens qui ont construit des petits restaurants de plein air, illégaux, sans permission, mais c’est trois ou quatre planches, et puis voilà, des tables…

Gérard Courtois : Des endroits prisés…

Jean-Pierre Chevènement : Mais ce sont des endroits très prisés et finalement une paillote est incendiée, Je ne sais pas du tout par qui. Il se révélera plus tard que c’est les gendarmes, sur la suggestion du préfet, qui ont commis cet acte totalement stupide.

Gérard Courtois : Au-delà des péripéties, quel est au fond le vrai ressort de ce psychodrame corse qui va conduire à votre séparation, si je puis dire, d’avec Lionel Jospin ?

Jean-Pierre Chevènement : Eh bien je dirais qu'Olivier Schrameck, le directeur de cabinet de Lionel Jospin, est immédiatement mis en cause par l’opposition qui dépose une motion de censure. En réalité, à ce moment-là, Olivier Schrameck pense que la politique de rétablissement de l’État de droit, qui était notre politique affirmée, qui était conforme à la déclaration de Lionel Jospin au moment de son investiture, cette politique a été en quelque sorte discréditée par le comportement de Bonnet et du colonel Mazère et que il faut en changer, c’est-à-dire qu’il faut ouvrir vers les élus et vers les nationalistes. Et moi je ne suis pas d’accord. Je pense qu'on peut mettre Bonnet hors cadre, on peut remplacer, je dirais, les responsables de cet incident finalement mineur : c’est des gendarmes de Saint-Tropez qui se brûlent en foutant le feu à trois planches illégales. Ça ne vaut pas la peine qu’on change de politique, donc moi je tiens à ce qu’on maintienne cette politique mais très rapidement je sentirai que des contacts sont pris avec l’autre bord. Mais je reçois un jour une convocation à une réunion où Jospin pose la question : « Est-ce qu’il faut bouger quand même sur la Corse ?» Et je dis : « Pourquoi bouger, qu’est-ce que ça veut dire bouger ? » Et trois jours après je reçois un coup de fil de Lionel Jospin qui me dit qu’il fera une déclaration l’après-midi à l’Assemblée nationale pour déclarer ouvert le processus de Matignon, de discussion avec les élus, notamment nationalistes. Donc sur le moment j’aurais pu démissionner mais j’ai préféré essayer de contrôler le processus de l’intérieur. Mais, en même temps, je dis très clairement que ma ligne rouge c’est qu’on ne peut pas transférer de compétences législatives, comme je l’ai entendu dire à l’Assemblée de Corse. Il y a une réunion de ministres que Jospin convoque le 5 juillet. Tous les ministres disent : « En effet on ne peut pas transférer le pouvoir législatif, ça n’a pas de sens ». Même Jack Lang, qui est professeur de droit, dit : « Non, on ne peut pas transférer le pouvoir législatif ». Donc Jospin, très sportif comme toujours, dit : « Bon, eh bien je me range à cet avis ». Donc, je pars en voyage pour fêter le trentième anniversaire de mon mariage avec ma femme. Nous partons dans le Grand Nord, au Cap Nord, et là-bas, je reçois un coup de fil de Jean-Paul Proust qui me dit : « Schrameck, Olivier Schrameck vient de découvrir une jurisprudence du Conseil constitutionnel », à mon avis il l’avait faite, « qui prévoit l’expérimentation de délégations de pouvoirs, même qui ne sont pas prévues par la loi, bref quelque chose d’inconstitutionnel mais cautionné par le Conseil constitutionnel, et qu’à partir de là on peut imaginer une délégation du pouvoir législatif à titre expérimental, mais provisoire ». Alors je dis : « Non, je ne défendrai jamais ça devant le Parlement. Dites à Lionel Jospin que si c’est ça, moi je démissionne ». Et je rentre. Lionel Jospin fait un nouveau conseil des ministres. Il dit : « Mais moi, si vous n’êtes pas d’accord avec moi, je repasse la Seine ». Donc, tous sont d’accord avec lui. Je suis tout seul… Donc, en sortant je dis à l’un de ses adjoints, un des directeurs adjoints de cabinet, Jouyet, je lui dis : « Bon, ben voilà, je vais faire ma lettre. » Et il essaye de me retenir … mais je lui dis : « Non, je pense qu’on est allés trop loin ». Il y a le crash du Concorde qui retarde ma démission en fait, et puis Lionel Jospin qui me demande d’attendre le retour des vacances. Donc j’accepte et ma démission ne deviendra effective que le 30 août, mais elle était la conséquence logique de ce désaccord, qui était un désaccord qui allait au-delà de la Corse parce que je ne me ferai pas bien comprendre si je ne disais pas que l’idée de déléguer le pouvoir de faire la loi aux régions, aux départements, comme il en est encore question aujourd’hui, pour moi est une hérésie du point de vue de la République, c’est la fin du principe d’égalité, l’égalité des citoyens devant la loi.

Gérard Courtois : La République est un bloc …

Jean-Pierre Chevènement : La République est un bloc. Alors il y a cela mais il y a par ailleurs d’autres dissentiments qui se sont révélés sur la politique économique. Puis il y a l’Europe où Chirac est allé devant le Bundestag expliquer qu’il acceptait l’idée d’une constitution européenne qu’avait proposée Joshka Fischer dans un discours à l’Université Humboldt de Berlin. Alors il revient. Comme il n’a pas pu faire ça sans l’accord de Lionel Jospin, je l’interpelle en plein Conseil des ministres. Je lui dis : « Monsieur le Président de la République, les peuples entre eux passent des traités, ils ne font pas une constitution. Alors qu’est-ce que signifie une constitution pour l’Europe ? » Chirac est embarrassé parce que, au fond, il n’est pas vraiment enthousiaste. Il me dit : « Oh ben c’est pour dire qui fait quoi, c’est une espèce de règlement intérieur. » Il noie le poisson. Et je vois Jospin qui me regarde courroucé vraiment parce qu’il a donné son accord, donc il aimerait que je me sente engagé par l’accord qu’il a donné à mon insu. Donc il y a des moments de tensions, mais à ce moment-là je n’ai pas encore décidé de quitter le gouvernement. Je vais hasarder ce qui est une hypothèse parce que je n’ai pas de preuve… mais c’est Olivier Schrameck qui l’a décidé en faisant en sorte qu’on revienne sur l’idée qu’il n’y aurait pas de délégation de pouvoir législatif.

Gérard Courtois : Pour provoquer votre démission…

Jean-Pierre Chevènement : Oui pour provoquer ma démission.

Gérard Courtois : Toujours est-il que vous voilà à nouveau renvoyé à l’été 2000 à une marginalité ombrageuse, paré d’un double statut, celui de miraculé de la République et celui de défenseur intraitable de la même République. De là à sauter le pas d’une candidature présidentielle, c’est ce qui va se produire dans les mois qui suivent mais nous en parlerons demain. A demain donc.

Jean-Pierre Chevènement : A demain.

[1] Ce discours figure dans le recueil Passion de la France (Robert Laffont, collection Bouquins, 2019), Partie VIII, Chapitre I, B)

La série en intégralité à retrouver ici.


Rédigé par Chevenement.fr le Lundi 4 Mai 2020 à 07:00 | Lu 1674 fois



1.Posté par Affectif RETOUR le 01/03/2023 04:23
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