Verbatim express :
Sur le sens des commémorations de la Première Guerre mondiale
Sur le sens des commémorations de la Première Guerre mondiale
- Les gens qui se sont permis de siffler le président de la République, le 11 novembre, ont simplement oublié que c'est le jour où on commémore le sacrifice des soldats, pour que la France reste une nation libre.
- On oublie souvent que cette guerre de 1914 n'est que le début d'une guerre de trente ans, qui se termine en 1945. Elle a été déclenchée par des dirigeants inconscients, ceux du 2nd Reich allemand.
- L'originalité de mon livre, c'est de comparer deux mondialisations libérales, celle d'avant 1914, sous hégémonie britannique, et celle américaine, qui suit 1945. On voit que ces mondialisations entraînent des modifications profondes dans la hiérarchie des puissances.
- Aujourd'hui, on a tendance à gommer tout cela, à oublier l'histoire, et je trouve qu'il est assez lamentable de commémorer un événement en en oubliant le sens profond. La France a été agressé, il faut le dire, par l'Allemagne, et cette guerre de 14-18 a été pour la France une guerre de défense nationale.
- Bien entendu, la guerre de 14 a ouvert une boîte de Pandore, a atteint des proportions que ses initiateurs n'imaginaient pas du tout. Il y aura ensuite une surenchère, la Seconde Guerre mondiale.
- Même en tenant compte de tous ces éléments complexes, nous devons penser au courage de ces soldats qui ont tenu dans les tranchées, pendant si longtemps, pour que vive la France.
Sur la montée de la Chine
- Dès maintenant, la montée de l'Asie est impressionnante. Dans quelques années, la Chine aura atteint le PNB des États-Unis. Ces derniers s'avisent que la deuxième mondialisation libérale se termine par un résultat qu'ils n'avaient pas prévu.
- La montée de la Chine peut poser des problèmes géopolitiques, auxquels il faut être attentifs. Quand je rencontre les dirigeants de la Chine, je leur conseille la prudence.
Propositions pour l'Europe
- La dimension européenne est bonne, et je ne suis pas du tout contre l'Europe. Mais je pense que le mode d'emploi qui a été choisi est mauvais.
- La manière dont on a voulu faire l'Europe, contre les nations, en les marginalisant, est une erreur. L'Europe n'est pas une nation. Elle est faite d'une trentaine de peuples.
- La monnaie unique juxtapose des économies qui sont très hétérogènes. Ça ne marche pas, et ça ne peut pas marcher, parce qu'on ne tient pas compte des réalités, des aspirations des peuples, de la démocratie, qui s'exprime dans le cadre national.
- Il faut revoir le mode de fonctionnement de l'Europe, refaire une Europe des nations.
- La crise européenne ne dépend pas de moi. Elle viendra d'elle-même, du fait de l'incohérence du dessein initial.
- Il faudra remplacer la monnaie unique par une monnaie commune, pour permettre des ajustements moins douloureux que ceux auxquels sont soumis les pays du sud, qui pour certains ont un chômage des jeunes qui dépasse la moitié de leur population.
- Une politique budgétaire commune aurait des limites absolument évidentes. La France tire toujours une langue de plusieurs kilomètres pour essayer de réduire le déficit, du fait des moindres rentrées fiscales.
- L'ajustement monétaire est de bon sens, en gardant un toit européen commun, la monnaie commune. Cela éviterait à l'Europe de rester dans la stagnation prolongée.
Pour une Europe capable d'exister
- Il n'y a pas de raison que dans le XXIe siècle, dominé par les États-Unis et par la Chine, l'Europe ne soit pas capable d'exister.
- L'Europe est déjà très largement sortie de l'histoire. Elle n'a aucun poids dans les affaires diplomatiques. Elle pèse encore 30% du commerce international, mais politiquement, c'est zéro, non pas seulement à cause des deux guerres mondiales, mais parce qu'on lui a donné des institutions débilitantes, qui marginalisent la volonté politique.
- Si on veut que l'Europe retrouve une tête politique, il faut que ses principales nations se mettent d'accord sur quelques grandes politiques, l'énergie, l'industrie, la défense, la politique extérieure.
- On est dans une Europe à plusieurs vitesses, mais on l'a admis depuis longtemps. Regardez le chèque britannique, les pays qui ne sont pas l'euro... mais pourquoi s'en offusquer ? C'est tout à fait normal : les pays sont différents, ne sont pas tous au même niveau, leurs aspirations ne vont pas toutes dans le même sens.
Sur l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans Schengen
- Il faut mettre un sursis à l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen, le temps de régler certaines questions. Il faut le temps de voir comment les Roms sont intégrés en Roumanie, qu'est ce que ce pays fait de l'argent de l'UE qui lui est donné pour cela.
A propos de la proposition de Jacques Sapir de nommer Jean-Pierre Chevènement Premier ministre
- J'ai été surpris, mais, très franchement, si c'était pour vraiment changer de politique, et pour donner à nos partenaires européens le sentiment que la France pourrait avoir une autre politique que l'actuelle, c'est à dire une politique qui à mon avis est une politique sans chances, comme aurait dit Pierre-Mendès France, si vraiment il fallait le faire, mais dans une perspective de Salut Public, je pourrais considérer cette proposition. Je ne dis pas que je l'accepterai, car on ne peut accepter cela évidemment que si on a les coudées franches.
Débat sur la fiscalité
- Je ne crois pas que la remise à plat de la fiscalité permettrait d'apaiser le climat en France, mais c'est une bonne idée quand même. Cela permet de bousculer des bulles médiatiques qui n'avaient pas grand sens et de rappeler la promesse de François Hollande de fusionner la CSG avec l'impôt sur le revenu.
- Mais cela comporterait des conséquences importantes pour les gens qui ont des revenus moyens ou supérieurs. Ça ne manquerait pas de faire crier, peut-être pas dans les maisonnées, mais dans les châteaux, peut être même dans les maisons de maître, et même dans des maisons plus modestes. Disons que les classes moyennes pourraient se sentir également impactées.
- J'ai bien gardé à l'esprit que tout cela se ferait à prélèvements constants.
Questions complémentaires finales sur l'Europe
- Je suis contre les règles de Maastricht sur les 3% de déficit et sur les limites à l'endettement public. Est-ce si grave de laisser filer le déficit, dans une période où la conjoncture est tellement plate ?
- Vous savez, c'est toute la politique économique qui est à revoir.
- Nous avons une monnaie surévaluée qui nous étouffe. Nous avons une croissance tout à fait insuffisante. En renouant avec cette dernière, l'argent rentrerait de nouveau dans les caisses. Même si nous avions un tout petit peu d'inflation, ce ne serait pas dramatique.
- La France a des atouts, et d'abord le courage de son peuple, qui est un peu morose aujourd'hui – il faut dire qu'il n'entend que des nouvelles moroses ! - mais il y a quand même quelques atouts qu'il faut savoir jouer, et il faut surtout de la volonté politique.
- Je n'ai pas peur des effets supposés inflationnistes d'une sortie de la monnaie unique. Je pense qu'il y a des facteurs déflationnistes très puissants, notamment la pression des pays à très bas coûts, donc je pense que le risque d'inflation est tout à fait exagéré. Le danger aujourd'hui, c'est plutôt la déflation, la dépression, le chômage, la mauvaise utilisation de nos capacités.
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