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Jean-Pierre Chevènement raconte la chute du Mur de Berlin


Berlin La chute du Mur, racontée par un témoin de l'époque, Entretien au Journal Le Pays, samedi 7 novembre 2009.


Jean-Pierre Chevènement raconte la chute du Mur de Berlin
Jean-Pierre Chevènement était ministre de la Défense en 1989. Le jour de la chute du Mur de Berlin, il a dit-il, « tout de suite mesuré les conséquences immenses de cet événement. »

Le sénateur (MRC) du Territoire de Belfort, Jean-Pierre Chevènement, était ministre de la Défense il y a vingt ans. Retour sur les mois qui ont précédé et qui ont suivi la chute du Mur de Berlin.

Le Pays : Quels souvenirs gardez-vous du 9 novembre 1989 ?
Jean-Pierre Chevènement :
Je n'ai pas vraiment été surpris car je suivais attentivement depuis le mois de septembre l'exode des ressortissants d'Allemagne de l'Est à travers la frontière de la Hongrie et de l'Autriche. J'ai tout de suite mesuré les conséquences immenses de cet événement et je me suis dit : « Les difficultés commencent... » En effet, quelle allait être la réaction de Moscou ? Tout était possible, y compris une intervention militaire pouvant déboucher sur la guerre.

Qu'est-ce qui vous fait craindre à ce moment-là que la situation dégénère en conflit mondial ? Le statut de l'Allemagne comme membre de l'Otan était en balance. Est-ce que les Soviétiques allaient accepter l'extension de l'Otan ? L'Allemagne n'allait-elle pas, au contraire, échanger sa réunification contre une neutralisation ? Je connaissais bien le ministre de la Défense soviétique, le maréchal Yasov que j'avais d'ailleurs invité à Belfort quelques mois plus tôt. C'était un conservateur mais je le considérais comme loyal à Gorbatchev. Il s'est cependant laissé entraîner ultérieurement dans le putsch d'août 1991. Finalement, Gorbatchev a accepté que l'Allemagne reste dans l'Otan et que celle-ci s'étende aux landers de l'Est à condition que les troupes américaines n'y stationnent pas. Kohl et Gorbatchev qui se connaissaient ont fini par s'entendre. L'Allemagne a versé 12 milliards de dollars pour obtenir une évacuation accélérée de l'Armée soviétique. Un accord international est intervenu en 1990.

Quelques mois plus tôt, en avril 1989, vous étiez en URSS, le basculement à venir était-il perceptible ?
Oui et non. J'ai fait une conférence à l'académie militaire de Moscou devant 400 officiers. L'ordre régnait, impeccable. Mais quand j'ai été reçu à Mourmansk par la flotte de la Mer Blanche, j'ai appris que l'amiral venait d'être battu aux élections décidées par Gorbatchev par un vulgaire enseigne de vaisseau. Ça branlait dans le manche et on sentait dans l'état-major soviétique les tensions entre le ministre de la Défense Yasov, le conseiller militaire de Gorbatchev, Akhromeiev -- qui s'est pendu après l'échec du putsch -- et le chef d'état-major des Armées, le général Moisseiev, un officier que Gorbatchev était allé chercher au fond du tableau d'avancement. Ces différents officiers ont choisi des partis différents à l'occasion du putsch. Akhromeiev a laissé un mot derrière lui : « Je ne veux pas survivre à tout ce pour quoi j'ai vécu. » Yasov a été mis en prison et Moisseiev est resté chef d'état-major. L'armée n'a pas bougé. J'ai demandé aux officiers soviétiques qui étaient à Paris ce qui était arrivé à Yasov. Ils m'ont répondu : « Grand-père avait dit oui. Il est comme les crocodiles, il ne marche qu'en avant, il ne sait pas reculer. »

Vous êtes-vous rendu à Berlin dans les jours qui ont suivi la chute du Mur ?
Je m'y suis rendu dans les mois qui ont suivi. J'ai visité les forces françaises au quartier Napoléon pour les remercier d'avoir défendu la liberté de Berlin pendant quarante ans, depuis 1949, date du blocus, jusqu'à la chute du Mur.

À l'époque, de nombreux observateurs ont estimé que François Mitterrand avait tenté de freiner la réunification allemande.
C'est totalement inexact. J'étais avec François Mitterrand le 23 octobre 1989 à Bonn : il a dit publiquement que la France ne s'opposerait pas à la réunification de l'Allemagne. Qu'elle lui paraissait naturelle, dans l'ordre des choses, à condition qu'elle se fasse de manière pacifique et démocratique. Il est vrai qu'il a insisté pour que l'Allemagne reconnaisse la frontière Oder Neisse avec la Pologne. Kohl en était très mécontent mais c'était le bon sens. François Mitterrand avait évidemment raison.

Propos recueillis par Céline Mazeau


Rédigé par Chevenement.fr le Lundi 9 Novembre 2009 à 10:40 | Lu 12248 fois



1.Posté par Emmanuel Gilquin le 09/11/2009 11:39
Il est très important que votre texte soit traduit en allemand, et en anglais, sur votre blog.

Amicalement vôtre,
depuis 39ans,
et la rue de la liberté à Saint -Denis..

Emmanuel Gilquin.

2.Posté par Orange le 09/11/2009 16:27

Chute du Mur, 20 ans déjà ! Et si ' La fin de l'Histoire ' était le début de la ' Grande Cata ' ?

Cette question trouvée sur le portail suisse Pnyx.com rappelle opportunément, vingt ans plus tard, le grand débat engendré par le célèbre article 'La fin du monde' de Francis Fukuyama, publié dans le numéro d'été 1989 de la revue 'National Interset' et reproduit par la revue 'Commentaire' dans l'édition d'automne de la même année.

2009 : comment les événements que la planète vit depuis un an doivent-ils être mis en perspective vis à vis de la fin de guerre froide ? Pour voir le détail du débat provoqué par cet article de Fukuyama, aller : http://www.pnyx.com/fr_fr/sondage/410


La question qui se pose aujourd'hui n'est-elle pas :

En 2008, dans l'immense clash planétaire du système financier, la dynamique engendrée depuis 1989 s'est-elle révélée une impasse ? 20 ans plus tard, 'l'Histoire' doit-elle finalement se réinventer ?

Ou au contraire, cette dynamique engendrée en 1989 reste-t'elle valide et la crise de 2008 n'est-elle qu'un 'incident de parcours' qui ne modifie pas le 'cap' engagé après la chute du mur ?

3.Posté par henri34 le 09/11/2009 18:08
Il est évident qu'à cette période les ministres de la défense des 2 blocs et leurs troupes étaient sur des charbons ardents.Otan et pacte de varsovie(300000soldats soviétiques en RDA) étaient dans cette zone à portée d'arbaléte.Le moindre incident(manif devant une caserne soviétique,gardefrontiére à la gachette facile) et la moindre provocation pouvaient rapidement faire monter une drôle de mayonnaise.Tout le monde a su raison garder.
Quand je regarde les images de cette période ce qui me frappe est que tous les décideurs et acteurs sont blancs et finalement ont tous les mêmes repéres culturels:substrat judéo chrétien,siécle des lumiéres,lutte des classes,rock,jeans.......
Platon,Léonard de Vinci,Shakespeare,Goethe,Hugo,Tolstoï et autres participent d'un enseignement et d'une culture commune et trans nationale et trans idéologique.
Depuis 1989 ce ne sont plus les Blancs qui décident du sort du monde.Il faut compter avc des références comme Confucius,Bouddha et Mahomet chez les acteurs de la mondialisation.
Pendant que les dirigeants de notre vieille Europe se racontent l'histoire ce soir à Berlin,Obama président noir reçoit aujourd'hui Netanyahou et s'envole demain pour le Japon, la Chine et la Corée.
Le centre stratégique,économique et peut-être culturel de notre planéte n'est plus le même.Notre vieille civilisation s'adaptera-t-elle à ce décalage horaire?

4.Posté par Yoann LE MOEL le 09/11/2009 22:22

Merci !


Enseigne de Vaisseau de 1ère cl
Yoann Le Moel

5.Posté par Claire Strime le 13/11/2009 09:25
"Gorbatchev a accepté que l'Allemagne reste dans l'Otan et que celle-ci s'étende aux landers de l'Est " (JPC)

Même, je prends l'exemple dans un autre domaine, Domenech n'en est pas arrivé là! M.Gorbatchev a certainement des explications à donner, encore aujourd'hui, aux peuples qui composaient alors l'Union Soviétique, et dont les liens sont centenaires si ce n'est plurimillénaires. Beria, qui en 1953 avait compris l'aspiration à 1 Allemagne unie, n'allait pas jusque là et insistait pour une Allemagne neutre militairement (à la manière de l'Autriche).

J'étais alors sur les plages brésiliennes, puis en Argentine-où, preuve qu'il s'agissait d'un évènement mondial, l'offensive prolibérale et antisocialiste a redoublé, laissant sans espoir une série de mouvements sociaux. 1 coup de poignard dans le dos du prolétariat mondial (et ce sont les peuples du tiers monde qui ont le plus payé la note dans la décennie qui a suivi).
Quand je suis revenu en France, en novembre 1990, j'ai demandé comment en France on avait réagi. L'explication la plus sérieuse m'a semblé être: on n'a rien compris.

(enfin s'il faut traduire ce texte, comme c'est 1 évènement mondial, ça intéresserait surement les locuteurs en espagnol, japonais, mandarin, cantonais...)

6.Posté par henri34 le 13/11/2009 14:13
@Claire Strime
"Les liens centenaires et multimillenaires des peuples de l'Urss" sont discutables.Lettonie, Lituanie et Estonie n'ont jamais été reconnues par la France comme des républiques socialistes de l'Urss et Paris les qualifiait de territoires occupés.On oublie que dés 1987 des troubles ont eu lieu dans les pays baltes et il y a eu des morts.Il me semble que suivant la tradition tsariste l'Urss a poursuivi une politique de colonisation vers l'Est aprés des atermoiements au début de la direction léniniste.A l'époque de l'entre deux guerres les baltes étaient d'ailleurs indépendants.La colonisation ne se fait pas obligatoirement en franchissant les mers.Tout comme Hitler ,Staline avait besoin d'un "espace vital".L'accord germano-soviétique de 1939 est fondé sur ce postulat.

7.Posté par Claire Strime le 13/11/2009 18:45
Au printemps 1991, la majorité des Soviétiques et 12 républiques sur 15 avaient voté "pour une URSS renouvelée". Quelques mois plus tard Gorbatchev et Eltsine ont bafoué ce vote populaire. Et ce furent guerres entre Arménie et Azerbaïdjan, volonté des nationalistes géorgiens de rayer l'Abkhazie de la carte, guerre entre "islamo-démocrates" et communistes au Tadjikistan, sécession de la Transnistrie, etc...Perte de 50% du PIB, motée des mafias et du crime.
Lourde responsbilité politique et historique pour ceux qui ont bafoué le vote du printemps 1991!
La Finlande et les pays baltes ont longtemps été sous le joug allemand et suédois. L'occupation tsariste permit à la Finlande une plus grande autonomie et un développement économique et culturel inconnu sous le joug suédois. De nombreux peuples finno-ougriens vivent en Russie depuis des temps immémoriaux. Les langues slaves et baltes proviennent d'1 même rameau des langues indo-européennes, le slavo-balte, le lituanien étant probablement très proche de l'indo-européen commun (PIE)...
Et les pays baltes n'avaient jamais été indépendants avant 1918.

8.Posté par Pascal Olivier le 14/11/2009 22:56
Pour célébrer le retour de la Russie après les sombres années qui ont suivi la chute du mur de Berlin et en espérant le retour de la France, voici quelques vers de Voltaire sur la guerre russo-turque de 1768 :

La Minerve du Nord vous enflamme et vous guide ;
Combattez, triomphez sous sa puissante égide.
Gallitzin vous commande, et Byzance en frémit ;
Le Danube est ému, la Tauride est tremblante ;
Le sérail s’épouvante,
L’univers applaudit.

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