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"Le récit national a été brisé"


Entretien de Jean-Pierre Chevènement pour La Vie, le 3 février 2015. Propos recueillis par Pascale Tournier et Henrik Lindell.


"Le récit national a été brisé"
La Vie : Depuis les attentats à Paris, on reparle plus que jamais des valeurs républicaines, du besoin de sécurité et de la cohésion nationale. Aviez-vous raison avant tout le monde ?
Jean-Pierre Chevènement : J'ai toujours mis l'accent, dans les fonctions que j’ai exercées, sur le civisme, la cohésion sociale et nationale qui vont de pair. Les positions que j’ai prises sur l'école, la sécurité, une politique européenne engendrant une croissance continue du chômage, la montée des communautarismes, anticipaient de deux ou trois décennies...

Les attentats révèlent-ils un manque de cohésion nationale ?
Ces attentats sont le fait de gens qui sont nés et ont été élevés en France, mais qui ne se sentent pas Français. Bien sûr, il y a une résonance entre, d’une part, les plaies de la société française comme le chômage des jeunes et la délinquance, et, d'autre part, les conflits du Proche et Moyen-Orient. Mais cela n’excuse rien. Quand on voit le parcours d'Amedy Coulibaly, on découvre qu'il avait un BEP maintenance de l'audiovisuel, qu'il travaillait et qu'il avait un salaire de plus de 2000 euros par mois. Il ne faisait pas partie des jeunes les plus déshérités, loin de là. Il y a donc une dimension idéologique prépondérante.

Le service civique est-il une réponse ?
En partie. J’ai regretté la suppression du service national par Jacques Chirac en 1996. Je vous rappelle que ce service comportait plusieurs volets : le service militaire (qui représentait à peine la moitié du service national) et différentes formes de service dans les hôpitaux, la lutte contre les incendies et d'autres missions d'intérêt général. Selon moi, on aurait dû les développer. Les besoins ne manquent pas.

Et aujourd'hui ?
Je suis favorable au rétablissement d’un service national obligatoire de deux à trois mois, avec un volet militaire pour ceux qui souhaiteraient ensuite souscrire à un volontariat, « service long », ou un engagement de cinq ans. Pour acquérir les rudiments, deux à trois mois suffisent. Ce peut être utile pour l’avenir...

Mais comment résoudre cette équation, alors qu'on est dans une logique de réduction des déficits ?
C’est impossible dans la logique actuelle. Et la prise de conscience par les Européens des dangers de l’islamisme radical est insuffisante. Parmi les réponses qu'a pu apporter récemment le gouvernement figure notamment le renforcement du statut des professeurs... Sur l'école, Najat Vallaud-Belkacem a trouvé le ton juste pour parler de l'autorité des maîtres. La plupart des ministres de l'Éducation nationale n’ont pas accordé à l'éducation civique et à l'Histoire la place qu’elles méritaient. Plus généralement, l'école a suivi une pente laxiste, au prétexte de « pédagogisme ». Or la clé, c'est l'école et particulièrement la formation et l’autorité des maîtres. Il lui revient de remédier à cette sécession morale et civique qui existe chez certains jeunes par rapport à la République et à la France.

« Sécession », que voulez-vous dire ?
Ignorance mais aussi rupture. Il faut revenir à la transmission des connaissances et des valeurs et notamment à l'enseignement de l'Histoire de France. Nous sommes passés de l’infatuation à la repentance. C’est excessif. Comment intégrer à la France des jeunes venus d’ailleurs quand notre pays passe son temps à se dénigrer ? Quid de la lutte contre les inégalités dans les quartiers défavorisés ? J’ai été maire pendant plus de vingt ans. La politique de la ville est nécessaire mais elle ne suffit pas. Le problème est social et aussi culturel : il faut casser l’omerta – la loi du silence – qui pèse sur certains quartiers, et pour cela faire prévaloir le civisme sur le communautarisme.

Vous dites parfois que les religions jouent un rôle d’élévation morale.
Oui. Elles ont contribué à l’éducation et à l’élévation morale de l’humanité. C’est incontestable. C’est vrai du christianisme mais aussi de l’Islam. Celui-ci a apporté une haute idée de l’égalité entre les hommes. L’islam est la deuxième religion de France. En 1999, j’ai voulu favoriser un islam de France compatible avec la République, avec des lieux de culte dignes. Ce qui laisse à désirer, c’est la formation des imams, leur connaissance du français et de la société française.

Pour la gauche au pouvoir aujourd'hui, l'idée de la nation n'est pas toujours promue. Comment la définiriez-vous ?
Quand je mets en avant la nation, il s'agit bien évidemment de la nation politique, de la communauté des citoyens. Elle s’oppose à la nation de souche, ethnico-culturelle, qui avait été théorisée en Allemagne au XIXe siècle. Les Allemands eux-mêmes en sont revenus, puisqu’ils ont instauré le droit du sol en 1999. La nation républicaine, c’était déjà le thème illustré par Renan en 1889. Elle est fondée sur la volonté et sur l’adhésion. Elle transcende les différences ethniques et religieuses et s’oppose aux communautarismes. L’opinion publique française, après la Première Guerre mondiale, s’est tournée vers les grandes idéologies transnationales : vers Moscou et le bolchévisme ; vers Rome et le fascisme ; puis vers Berlin et le nazisme. Certains ont pensé que l’avenir était là et non plus dans la nation française. Le récit national a été brisé. En France, malgré l’effort de Charles de Gaulle pendant les années 50 et 60, le balancier est reparti dans le sens d'une idéologie transnationale : une Europe qui au lieu de se bâtir dans le prolongement des nations entend se substituer à elles. Je propose de ramener le balancier à un niveau plus juste. Nous avons besoin d’une histoire de notre pays qui ne soit pas un sujet de honte ou d’opprobre, mais qui ressuscite une certaine estime de soi sans laquelle aucun peuple ne peut avancer.

La victoire de Syriza en Grèce, la saluez-vous ?
Oui, bien sûr, mais je mets en garde contre les illusions qu'elle peut comporter. S'il s'agit seulement d'obtenir un rabais de sa dette pour la Grèce, on fera fausse route. Cette victoire doit permettre de poser le problème de l'Europe dans son ensemble, et donc celui de la monnaie unique. Si elle permet de remettre en cause des politiques d'austérité en introduisant de la flexibilité dans le système trop rigide de l’euro monnaie unique, elle aura vraiment fait avancer les choses.

Source : LA VIE


le Mardi 3 Février 2015 à 19:08 | Lu 4675 fois



1.Posté par Olivier BRANDENBURG le 03/02/2015 19:39
Votre "récit national" est une montagne de mensonges!Reprenez-vous,plus personne n'y croit que des archaïques dénoncés par valls!

2.Posté par France RÉPUBLIQUE le 06/02/2015 19:40
Cher JPC, vous êtes l'un des garants de la permanence de ce récit national : contre la bêtise identitaire du FN, la veulerie mondialiste des Dominants, et les idiots utiles qui leur servent de portevoix dans les Médias.

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