Carnet de Jean-Pierre Chevènement

L’euro est un choix erroné et la France doit sortir de la logique des marchés financiers


L'interview que j'ai donnée au Figaro a fait l'objet d'une coupe qui déforme le sens de mon message. Voici ci-dessous le passage dont mon interview du 9 juillet a été amputée.


Le Figaro : Partagez-vous l’avis d’Arnaud Montebourg sur la démondialisation ?
Jean-Pierre Chevènement:
La France et l’Europe sont allées trop loin dans la voie d’une complète dérégulation. La décompartimentation de tous les marchés a ouvert la voie à une économie-casino à l’échelle mondiale. Tout est désormais matière à spéculation : actifs financiers, devises, matières premières, titres d’assurances même : savez-vous que les « produits dérivés » atteignent un montant égal à plusieurs fois le PNB mondial ? Le système est devenu fou. On l’a provisoirement rapetassé aux frais du contribuable, après la crise de 2008-2009, mais tout est reparti comme avant : superprofits bancaires, bonus et parachutes dorés. Il faut reréglementer les mouvements de capitaux, remettre de la viscosité dans le système.

Maintenant la spéculation se déchaine contre les pays les plus faibles de l’euro. On découvre avec retard que le choix de la monnaie unique a été une monumentale erreur. Peut-on faire confiance à ceux qui nous ont mis dans cette impasse pour nous en sortir ?

M. Sarkozy justifie ses « réformes » par le maintien du « triple A » qu’accordent à la France les Agences de notation : comment mieux reconnaître l’emprise des marchés financiers sur notre politique ? Standard and Poors a remplacé la souveraineté populaire ! Quant au PS, son programme, dont le coût est estimé entre 25 et 125 milliards d’euros, risque de fonctionner comme un leurre, car le PS est lui-même rongé intérieurement par l’obsession de la dette.

Or, on ne gouverne pas un grand peuple avec le triple A pour horizon. La France a besoin d’un grand projet national, à l’échelle de l’Europe et du monde. Le mot « démondialisation » a l’inconvénient de faire croire qu’un retour à la situation antérieure est possible. Non ! Il faut inventer ! sortir de la domination des marchés financiers. Revoir les règles du jeu de l’euro. Ouvrir à la BCE de nouvelles missions : soutenir la croissance et l’emploi, agir sur le cours surévalué de l’euro, racheter les titres de dette pour casser la spéculation. Le défaut de la Grèce est inéluctable car la récession creuse le déficit et la dette. Le FMI et l’Europe n’ont pas d’autre but que de faire rentrer les créanciers, c’est-à-dire les banques, dans leurs fonds. Si on ne convainc pas l’Allemagne de changer les règles de l’euro, nous serons inévitablement conduits à reprendre notre liberté monétaire. Il vaudrait mieux que ce soit à l’intérieur d’un SME bis et sous le toit européen d’un euro devenu monnaie commune. Il faut offrir à la France un projet de réindustrialisation, ouvrir aux particuliers la possibilité de souscrire à la dette publique. La France a, avec l’Allemagne et le Japon, l’épargne la plus abondante du monde. Bref, il faut offrir un avenir à la jeunesse !



Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Mardi 12 Juillet 2011 à 17:58 | Lu 4709 fois



1.Posté par Patrick BOULÉ le 16/07/2011 07:25
Pour avoir un " grand projet pour la France ", il faudrait peut-être d'abord regarder en arrière et revenir à plus d'Etat et moins de dénationalisations : banques , secteurs énergétiques etc..., une forme actualisée de politique de plans . Et finalement faire un peu comme pendant les trente glorieuses .

Je verrais assez bien un Chevènement président et un Montebourg entrer dans son gouvernement .
Encore faudrait-il que Montebourg ne soit pas pieds et mains liées par un PS toujours dans le brouillard .

2.Posté par E R le 25/07/2011 14:45
Ceux qui prônent l'austérité pour sortir de l'impasse actuelle refusent de tenir compte de la nature macroéconomique du problème. D'accord sur cette déclaration de principe, mais en rechercher la solution dans l'élargissement du mandat de la BCE, c'est peut-être négliger l'échec de la «grande modération» : une politique de crédit souple visant à maintenir l'économie sur un parcours de croissance porteur, mais source d'une l'inflation des prix d'actifs qui s'est payée par la crise de 2008.

C'est aussi ignorer la faille majeure de l'euro. Le ciblage d'un taux d'inflation au moyen d'un taux directeur valant uniformément au sein de la zone euro, c'est comme climatiser un immeuble avec un thermostat posé en son milieu : la face ensoleillée et la face à l'ombre ne peuvent être simultanément à température confortable. Aux Etats-Unis ce problème est corrigé par un système de couverture sociale fédérale. Ce dernier stabilise les variations de croissance entre états : les recettes des meilleurs (cotisations), en matière de croissance, financent les besoins (assurance chômage) des moins bons. L'absence de mécanisme d'assurance, dans la zone euro, est d'autant plus douloureux que la mobilité du travail y est aussi plus faible.

Ce qui précède est consacré dans la théorie des zones monétaires optimales. Connue des universitaires bien avant la création de l'euro, les politiques et les banquiers centraux choisirent de l'ignorer, jusqu'à récemment. L'auteur de ce blog devra, pour convaincre, explicitement prendre en compte ces arguments dans son projet d'Europe des nations.


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