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Débat avec Jean-Michel Blanquer : "La République peut-elle survivre à l'épreuve de la peur?"


Jean-Pierre Chevènement débattait, ce jeudi 28 janvier 2021, avec le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports Jean-Michel Blanquer. Un débat animé par la journaliste Natacha Polony et co-organisé par Marianne TV, les conférences Condorcet et la Fondation Res Publica.


  • NATACHA POLONY : Bonjour à tous et bienvenue pour ce débat organisé par les Conférences Condorcet et la Fondation Res Publica, en partenariat avec Marianne TV. Ce débat sera le premier d’une longue série, entre le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, et Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’Education nationale, de la Défense, de l’Industrie et de l’Intérieur. Le thème qui aujourd’hui vous rassemble et que vous avez choisi pour commencer cette série est un thème que, évidemment, l’actualité nous dicte : « La République peut-elle survivre à l’épreuve de la peur ? »

La dangerosité du monde n’a pas attendu le coronavirus : la perception d’un monde de plus en plus dangereux était déjà présente. Toutefois, elle est largement amplifiée aujourd’hui. Nous vivons dans une forme de peur qui a même frôlé l’état de sidération au moment du premier confinement et nous pouvons en mesurer les dégâts sur le lien démocratique et sur le consentement à la loi. Nous allons aborder tous ces points, même si la peur peut prendre d’autres formes que celle de la peur immédiate pour sa propre vie telle que l’épidémie peut la provoquer. Nous allons donc nous poser toutes ces questions : y a-t-il des formes de peur qui pourraient être fécondes et d’autres qui attaqueraient le pacte républicain ? Que dire de l’inquiétude face à la possibilité même de vivre sur une planète qui soit habitable ? Est-ce que toutes les peurs sont à mettre sur le même plan ? C’est tout cela que nous allons essayer d’explorer en rappelant tout simplement ce qui constitue l’essence de la République et qui nous permet donc de vivre dans un régime qui soit celui qui rassemble des citoyens pour qu’ils décident ensemble du bien commun. La première question que je vais vous poser est assez simple : quelle est la forme que prend la peur lors de cette pandémie et en quoi cela peut-il vous inquiéter quant à la réponse que la République peut apporter ? Monsieur Blanquer, vous avez géré cette crise, ne serait-ce que dans l’Education nationale, l’endroit où les enfants sont les premiers concernés et où évidemment les parents expriment cette peur. Comment s’est-elle jouée et comment la voyez-vous petit à petit s’infiltrer ? Quelle est la réponse que le Gouvernement peut apporter ?

JEAN-MICHEL BLANQUER : D’abord, comme vous l’avez dit, la peur peut être le facteur de phénomènes très négatifs. Elle peut aussi avoir une dimension féconde et je pense qu’il faudra explorer cette dimension. Mais comme le dit le vieil adage, la peur peut être mauvaise conseillère et donc il peut y avoir, lorsque la peur collective surgit, des phénomènes d’emballement, des phénomènes d’accentuation de l’immédiateté de notre monde alors même que les enjeux deviennent beaucoup plus importants. Ce n’est pas la première fois que l’humanité est confrontée à une pandémie, et encore moins la première fois qu’elle est confrontée à la peur. Si on lit L’histoire de la peur en Occident de Jean Delumeau, on voit au contraire que la peur était la compagne de tout le monde, tout le temps, du XIVème au XVIIIème siècle. Ce qui n’est pas inintéressant comme point de comparaison puisque la fameuse peste de 1348 a décimé l’Europe et en même temps marqué une césure dans l’histoire européenne, dont ont surgi diverses choses ensuite. Donc la peur n’a rien de nouveau. Ce qui est peut-être nouveau, c’est le fait d’avoir assez peu peur dans les décennies précédentes, et l’on pourrait avoir une lecture de notre moment comme étant un moment qui met fin à une période de relative sérénité, période où la démocratie semblait avancer d’un pas certain. Mais en même temps, on peut penser que la peur est simplement une épreuve que nous avons à dépasser pour nous renforcer davantage. Par conséquent, quand une épreuve comme celle ci surgit, on doit allier à la fois la réflexion historique, qui est nécessaire, et la réflexion très concrète pour répondre aux problèmes qui se posent. C’est pourquoi il me semble qu’il y a une forme de méthode par rapport à l‘épidémie en l’occurrence, et à un phénomène de peur en général, qui est déjà de garder une certaine sérénité et une certaine mise en perspective historique et puis un certain choix dans les références que l’on a, pour prendre des décisions. Je vais vous donner un seul exemple qui est encore dans l’actualité, c’est un sujet pour lequel les scientifiques, chacun l’a bien vu, n’ont pas de certitudes absolues, et où la science avance à tâtons, mais elle avance, et nous reparlerons probablement de l’idée de progrès dans notre débat. On voit les scientifiques s’exprimer de manière assez anarchique et fragmentée dans les médias, et ça a pu un peu troubler tout le monde, les décideurs comme l’opinion publique. Car l’on peut avoir le sentiment d’entendre une chose et son contraire dans la même journée et donc de perdre des points de repère, ce qui accentue la peur. Assez vite dans l’épidémie, c’est-à-dire à partir du mois de mars, face au fait que des gens disaient un peu tout et son contraire, j’ai considéré qu’il fallait se donner des points de repères fixes sur un tel sujet. Un peu comme, lorsque dans une tempête, on se dit que l’on s’arrime à un rocher ou à une étoile. Il y a donc eu la création du Conseil scientifique. Il y a aussi la Haute autorité de santé publique (HAS), il y a la société française de pédiatrie que je regarde avec beaucoup d’attention. Cela me fait trois phares dans la tempête, et je ne sors pas de ces repères, pour ensuite prendre des décisions, ou contribuer à la décision, qui est parfois du ressort du président de la République, sur une base un peu stable. Car si je devais me fier chaque matin à la dernière déclaration de la dernière personne en blouse blanche, je serais en train de faire du zig-zag en permanence. Par conséquent, se donner des balises, des points de repères, premièrement par l’histoire et deuxièmement par des repères que l’on se choisit, car ils nous semblent les plus fiables possibles dans la tempête, me paraît être la méthode à suivre dans ce type de situations.


  • NATACHA POLONY : Monsieur Chevènement, la façon dont Jean-Michel Blanquer vient de nous parler de la décision politique dans ce genre de situation nous raconte comment la peur des individus rencontre la question de l’intérêt collectif. Et tout le problème de la République est justement d’organiser cet arbitrage entre l’individuel et le collectif. Comment voyez-vous une réponse qui soit acceptable par des citoyens travaillés par la peur ?

    JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT : Pour moi, la République doit surmonter la peur. Il y a incompatibilité entre la peur, pourtant sentiment bien naturel, et la République, qui est une exigence. il y a là une tension. Nous ne sommes pas en désaccord. La peur joue un rôle très important dans l’histoire. Jean-Michel Blanquer n’a pas rappelé la Grande Peur, qui est à l’origine de la Révolution, ou encore le « parti de la trouille » qui avait triomphé, selon le mot du général de Gaulle, aux élections de 1968. Pour venir à des choses plus immédiates, on est frappé de ce qu’il y avait une peur diffuse dans la société, qui était la peur des fractures et du déclassement, qui s’est traduite par exemple avec la crise des gilets jaunes. C’était avant la pandémie de coronavirus. On voyait bien que, les attentats islamistes se multipliant, il y avait une fragilité de la société française par rapport à cette menace qu’est l’Islam radical. Mais ce qui me frappe aujourd’hui, c’est que toutes ces menaces à l’horizon, aisément perceptibles, semblent avoir disparues. Elles sont occultées par la grande préoccupation que représente la Covid pour la majorité de nos citoyens. La Covid, nous ne savons pas exactement ce que c’est. Il s'agit d'une sale bête sans doute, bien qu'elle n’appartienne pas au règne des protozoaires. C’est une bête assez maligne, compliquée, capable de muter et de revêtir des formes nouvelles, de prendre à contre pied ceux qui sont en charge des responsabilités du pays. Il a donc une forme d’inconnue dans cette pandémie, qui fausse toutes les prévisions. Elle rend très difficile la prévision, à court ou moyen terme. Je suis frappé de voir que les prévisions macroéconomiques doivent être révisées d’un mois sur l’autre. On le voit dans le cas de la France, qui fera une meilleure croissance que ce qui était prévu, mais rien n’est certain. Il y a par conséquent un facteur d’imprévisibilité extrêmement important et nos concitoyens sont fondés à demander aux gens qui sont aux responsabilités où ils vont et s’ils savent où ils vont. Mais en même temps, ils ne peuvent pas leur demander de dire ce qu’ils ne savent pas. On a beaucoup glosé sur le fait que le Président Macron avait dit que les masques ne servaient à rien. Ensuite, nous avons dit : « Ils servent à quelque chose. » Puis aujourd’hui, nous en sommes venus à dire : « Ces masques en tissu ne servent à rien. » Il y a donc une parole changeante car les analyses elles-mêmes changent. Donc je ne veux pas critiquer abusivement les responsables, ils font certainement ce qu’ils peuvent.

    Si l’on regarde la gestion de la crise en Europe, nous ne sommes pas les plus mauvais, mais nous ne sommes pas les meilleurs. Nous sommes dans la zone des pays qui s’en sortent le moins mal. On peut comprendre l’inquiétude de nos concitoyens, surtout des plus fragiles, ceux qui font partie des couches pauvres de la population. Il est évident qu’il y a une dimension d’angoisse sociale supplémentaire et qu’il faut la prendre en compte. Le Gouvernement a mis en place des mesures qui se sont révélées assez efficace : l’indemnisation du chômage partiel, la garantie des prêts aux entreprises par l’Etat, des plans sectoriels de différentes natures, etc. Ainsi, le chômage augmente mais dans des proportions qui restent contenues. Maintenant, on ne sait pas de quoi demain est fait, et je voudrais dire que nous sommes dans un contexte idéologique qui fait une très large place à la peur. Ce n’est pas récent, c’est un phénomène qui, à mon sens, résulte des horreurs de la Seconde Guerre mondiale et de la prise de conscience de la précarité du monde. Celle-ci est généralement datée du club de Rome dans les années 1960 – 1972, puisque 1972 est la date de la parution du rapport Meadows (Les limites de la croissance). Soit dit en passant, les prévisions du rapport Meadows se sont révélées fausses. La croissance a bien sûr ralenti en Europe, même nettement à cause de facteurs géopolitiques aisément explicables. Elle a un peu ralenti aux Etats-Unis, mais n’a pas du tout ralenti en Asie et en Chine. Si vous prenez la croissance mondiale, le rapport Meadows ne marque pas du tout une césure entre une période qui aurait été heureuse et une période piteuse, cela s’applique uniquement à l’Europe (Trente Glorieuses et Quarante Piteuses). Par conséquent, on peut se tromper, mais la réflexion conduit à penser, lorsqu’on fait une analyse philosophique des concepts, que ces derniers ont été forgés par des intellectuels allemands au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand ils ont découvert les horreurs des camps d’extermination. Ils se sont alors demandés comment éviter un déraillement aussi funeste à l’Allemagne. Ils ont donc inventé quelque chose d’autre : le principe de précaution. C’est Hans Jonas qui, dans un livre Le principe de responsabilité, forge cette idée du principe de précaution : on vérifie vraiment où l’on pose le pied avant de prendre quelque initiative que ce soit. Hans Jonas invente même une expression : « l’heuristique de la peur », c’est-à-dire comment la peur peut devenir un instrument de recherche pour deviner les périls qui nous guettent. Bien sûr, il y a d’autres penseurs allemands qui raisonnent autrement, par exemple Hannah Arendt va faire appel au concept de totalitarisme pour, d’une certaine manière, dédouaner l’Allemagne, puisque le totalitarisme appartient à tout le monde. Et puis vous avez Gunther Anders, qui va définir un terrorisme écologique. Comme il pense que le monde est gouverné par des élites totalement irresponsables, il envisage les moyens les plus extrêmes. Ces idées vont donner naissance aux Verts, en Allemagne d’abord (Die Grünen), et cette idée de la catastrophe à l’horizon de l’histoire va nourrir des peurs et des inquiétudes qui ne vont pas seulement donner l’écologie et l’heuristique de la peur, mais peuvent donner la collapsologie, c’est-à-dire la théorie du collapse, et même, si on poussait encore plus loin, le survivalisme : l’idée qu’il faudrait survivre à la catastrophe inévitable, l’idée donc qu’il faudrait faire des provisions, creuser un trou puis attendre. C’est évidemment une description que je ne donne que pour égayer nos auditeurs.

  • NATACHA POLONY : C’est une description d’une partie du survivalisme. L’idée n’est pas forcément d’attendre dans un trou mais peut-être aussi de s’organiser et d’inventer d’autres formes d’organisation.

    JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT : Je ne suis pas spécialiste du survivalisme. Je suis tout à fait désireux de m’instruire en vous écoutant. Ce que je voulais dire, c’est que le fond de l’air n’est plus au progrès ni à l’optimisme. Le fond de l’air est à la catastrophe. La pandémie de coronavirus est la sixième pandémie depuis la grippe espagnole, qui a fait moins de mort que cette dernière jusqu’à présent. C’est, selon certains experts en biodiversité, la 6ème extinction, mais qu’est-ce que cela veut dire ? Puisqu’il existe, il me semble, une certaine confusion sur le nombre des espèces répertoriées.

  • NATACHA POLONY : Il est documenté qu’une part des espèces est en train de disparaître, notamment lorsque 80 % des spécimens d’oiseaux ont disparu en trente ans en France. C’est un peu inquiétant…

    JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT : Je ne défends pas cette thèse. Je soulève simplement le fait qu’il existe des controverses. De même, le réchauffement climatique est incontestable. On l’observe dans les deux derniers siècles, soit depuis le début de la révolution industrielle. Toutefois, on a tendance à éliminer d’autres paramètres, comme les paramètres astronomiques par exemple, c’est-à-dire le fait que la Terre était, il y a 10 000 ans plus près du soleil dans l’hémisphère Nord pendant l’été. Cela faisait qu’il y avait une mousson sur le Sahara qui n’existe plus aujourd’hui. Il y a donc d’autres facteurs que l’émission de gaz à effet de serre. Il y a beaucoup de choses que l’on énumère sans établir un lien exact de causalité, mais la corrélation est évidente entre le réchauffement climatique, l’émission de gaz à effet de serre, l’épuisement de la biodiversité, le fait qu’il y ait des pandémies sans doute liées à la déforestation ou à la modification de la coexistence des espèces entre elles, etc. Tout cela semble très possible mais ce n’est jamais très clairement démontré. Cela participe à une inquiétude qui est dans l’air du temps et qu’il faut combattre par l’esprit scientifique. Je voudrais conclure ainsi : seules la rigueur scientifique et l’analyse précise des causes peuvent nous permettre de surmonter certaines peurs injustifiées et peut-être de garder l’œil sur des peurs qui, elles, malheureusement, peuvent être justifiées. Il est évident qu’il y a des réservoirs à virus innombrables et que l’avenir est à la recherche dans le domaine pharmaceutique (mise au point des vaccins), et de ce point de vue là, on ne saurait rester sur l’échec de Sanofi. Il faut que le Gouvernement s’en préoccupe, parce que la bonne réponse est au niveau de la science. L’humanité n’en est pas à sa première crise. Elle en a connu beaucoup et les a en général surmontées en faisant confiance à l’homme et sa raison.

  • NATACHA POLONY : Il y a énormément de choses dans ce que vient de dire Jean-Pierre Chevènement. Il me semble que peut-être nous pourrions partir de ses derniers propos sur la question du rapport à la raison. Car le projet de l’école républicaine, c’est justement de s’appuyer sur la raison pour que les citoyens décident ensemble de ce qu’ils vont faire, c’est-à-dire du bien commun. C’est la meilleure manière, sans doute, de combattre la peur. Puis je vous laisserai répondre aux nombreux points soulevés par Jean-Pierre Chevènement, sur le rapport au progrès, sur la façon dont les gouvernants peuvent accepter de gérer cette peur, et surtout sur le rapport entre le long terme et le court terme.

    JEAN-MICHEL BLANQUER : Comme vous le savez, je suis en accord profond avec les dernières phrases de Jean-Pierre Chevènement. Cette crise met en lumière l’importance du raisonnement qu’il vient de faire, puisque nous avons besoin de la raison, de la science et de nous fier au progrès, afin de nous projeter dans le futur d’une manière progressiste, c’est-à-dire d’une manière qui peut permettre de penser un avenir meilleur. Rappelons-nous qu’Hans Jonas écrivait en contrepoint des utopistes de son époque et de la pensée marxiste de son temps. Il a voulu détruire cette idée, considérée comme dangereuse, de progrès. Nous devons retrouver la notion de progrès alors même que beaucoup de forces intellectuelles, politiques et sociales ont cherché, depuis plusieurs décennies, à la rendre obsolète. Il y a comme une sorte de ringardisation du progrès, d’oubli même de l’importance de cette idée. D’abord parce que le XXème siècle a été un siècle de crise du progrès, avec la Shoah et les deux guerres mondiales qui ont semblé invalider le projet des Lumières. Mais je pense que nous sommes de ce fait partis vers une pensée critique qui, à son tour, devient contre productive parce qu’à force de critiquer le progrès on finit par, d’une certaine façon, être en support de différentes régressions. J’ai tendance à penser qu’il y a une forme d’auto-réalisation des choses, c’est-à-dire qu’à partir du moment où l’on développe des pensées critiques du progrès, on finit par créer de la régression dans la réalité des choses. Si l’on prend la situation actuelle, on voit bien que la science est salvatrice. Nous avons une capacité d’inventer un vaccin en des temps records et on voit bien qu’en effet, il faut prendre garde au fait que des compétences peuvent s’abaisser dans certains domaines. A cet égard, notre fierté dans le domaine de la biologie en France en a pris un coup et je pense qu’il faut maintenant investir dans les compétences, dans ces domaines comme dans d’autres. Cela passe par l’éducation et la recherche. Donc cette crise va peut-être remettre en selle la notion de progrès en remettant en selle deux choses fondamentales. D’une part le fait que la science peut nous aider vis-à-vis des enjeux écologiques, car ceux-ci sont réels et des solutions existent (je pense aux énergies renouvelables). D’autres part, les circonstances révèlent l’importance de l’Ecole. Si les enfants sont déscolarisés, c’est l’avenir qui est obéré, tant l’avenir personnel que collectif. Des premières études commencent à le montrer. Au moment où je vous parle, les Allemands ferment leurs écoles et nous, nous les maintenons ouvertes. La fermeture des écoles est en train de faire des dégâts sociaux et des dégâts à long terme, y compris sur la société, l’économie et la vie collective, probablement avec des conséquences géopolitiques importantes. Ainsi, dans un tel contexte, il est important de rappeler l’importance de l’Ecole, car elle est au fondement de tout le reste. Là encore, nous pouvons voir la face positive d’un événement négatif. Je considère qu’en 2020, la France a redécouvert son appétit, son désir et son goût pour l’Ecole. C’est une particularité française : nous sommes un pays qui, au XXème siècle, a acquis une sorte de goût pour l’Ecole bien particulier, constitutif de la consolidation de la République et qui fait que l’Ecole est au milieu du village d’une manière bien particulière dans notre inconscient et conscient collectif. C’est aussi quelque chose qui s’est un petit peu oublié, ou effiloché, au fil du temps. Les circonstances de crise que nous traversons révèlent toujours des choses. On a vu, au long de l’année 2020, le désir d’Ecole renaître : c’est pour moi quelque chose de positif. Il est né d’ailleurs comme souvent du fait de la privation, du 15 mars au 11 mai. Chacun a alors compris qu’être professeur était un métier, que l’Ecole était fondamentale, et donc nous avons vu revenir avec un certain enthousiasme les élèves comme les adultes vers l’Ecole. C’est ce qui fait qu’au mois de septembre dernier, nous n’avons pas eu de décrochage scolaire. Nous sommes un pays qui, en 2020, a eu moins de décrochage scolaire qu’en 2019. C’est contre-intuitif, mais c’est la réalité.

  • NATACHA POLONY : Quand on dit décrochage scolaire, on veut dire des enfants qui ne reviennent plus à l’Ecole. Après, il y a la question du niveau et des compétences acquises.

    JEAN-MICHEL BLANQUER : Effectivement, ce sont deux choses différentes. Il peut y avoir une baisse du niveau liée au confinement, et nous l’avons d’ailleurs constatée puisque nous avons dorénavant les évaluations de début d’année qui nous permettent de le mesurer. Nous avons vu par exemple l’effet négatif sur ceux qui étaient en cours préparatoires l’an dernier. Pour ce qui est du CM2, l’ensemble du corps enseignant a fait en sorte que les dégâts ne soient pas trop forts en fin d’école primaire. Le fait est que ce désir d’Ecole, si essentiel pour notre pays, a été en quelque sorte revivifié. Dans le contexte actuel, où la France est l’un des pays qui réussit à avoir le plus de jours d’Ecole pour ses enfants, nous sommes en quelque sorte en train de nous distinguer positivement. Je suis toujours étonné de voir dans le débat public des gens, même très récemment, dire : « C’est bizarre, les autres ont les écoles fermées, pourquoi nous ne faisons pas de même ? » au lieu de se dire « C'est formidable que nos écoles soient ouvertes. » Nous avons réussi quelque chose : aujourd’hui la France n’a pas plus de contaminations que ses voisins, notamment que l’Allemagne, et pourtant nos écoles sont ouvertes. Bien sûr, c’est quelque chose que nous suivons au jour le jour, puisqu’il faut évidemment parfois prendre des mesures de fermeture quand cela est nécessaire, mais l’importance de l’Ecole, la centralité de celle-ci, fait qu’elle joue un rôle décisif pour chaque enfant, et qu’elle est le chemin républicain par excellence : celui qui permet de garantir l’égalité des chances et de bâtir l’avenir collectif. Cet affectio societatis pour l’Ecole s’est, à mes yeux, renforcé en 2020, et nous devons en faire un tremplin pour les temps qui viennent. En d’autres termes, le scénario positif qui peut être dessiné est celui d’une prise de conscience des enjeux, ce qui signifie une préférence pour le long terme contre l’immédiateté, ce qui n’a rien d’une préférence naturelle, et on le voit dans les décisions à prendre actuellement, par exemple avec l’investissement dans la recherche. Mais également une prise de conscience de la centralité de l’éducation dans nos sociétés et donc c’est ce qui semble possible actuellement. Toutefois, nous demeurons dans une situation fragile, tant biologique que sociale, et nous devons rester très humbles par rapport à ce qui va se présenter dans les semaines à venir. Mais nous voyons clairement que nous sommes à la croisée des chemins entre un scénario de résilience, de rebond, et je dirais même de prise de conscience, et un scénario au contraire d’effondrement sur nous mêmes parce que nous nous laisserions aller vers une pente fatale de désinvestissement de l’avenir.

  • NATACHA POLONY : J’entends à la fois une forme de volontarisme et une forme d’optimisme, avec cette idée que la raison et la science vont répondre aux enjeux et que nous devons en fait réinvestir cet idéal du progrès. Toutefois, est-ce qu’il n’y a qu’un seul progrès ? Ou ne faut-il pas penser différentes formes de progrès ? N’est-ce pas cette religion du progrès, notamment technologique, qui a engendré la situation dans laquelle nous sommes, et donc la peur qui en découle ? Est-ce que, finalement, il n’y a pas aussi une question de la maîtrise des individus de leur destin ? C’est-à-dire que ce qui provoque la peur, c’est l’impression de ne pas maîtriser, alors que la maîtrise peut venir justement de la science et de la façon dont on peut contenir le réel grâce à la science. Mais tout cela est contrecarré par un ensemble d’organisations qui fait que les individus ont l’impression de ne plus avoir de prise. J’ajoute que la République, qui est censée leur donner la maîtrise sur leur destin, ne semble plus fonctionner. La crise des gilets jaunes et tous les excès de colère qui ont suivi ne viennent-ils pas de l’impression que les individus ont de ne pas être ceux qui vont pouvoir décider de leur destin ?

    JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT : Je partage votre point de vue, Natacha Polony. Il faut bien distinguer la science et l’usage qu’on en fait. On ne peut pas critiquer la recherche en matière de vaccin, qui peut s’adapter aux virus. On peut et l’on doit développer une recherche de pointe. Il me semble par ailleurs qu’il est très inquiétant que l’Institut Pasteur et Sanofi ne soient pas dans la course : il y a là quelque chose de très inquiétant qui devrait préoccuper Madame Vidal, ministre de l’Education supérieure, de la Recherche et de l’Innovation, et puis le Gouvernement dans son ensemble. Il y a également l’amont de la recherche, c’est-à-dire l’Ecole. J’approuve les initiatives de Jean-Michel Blanquer, notamment les divisions des petites classes, pour faire en sorte que l’apprentissage des savoirs fondamentaux soit mieux assuré dans notre pays. Mais il sait comme moi que l’état de l’Ecole est préoccupant. Par exemple, le niveau en mathématiques et en français baisse. Il faut donc l’ardeur roborative et l’énergie de Jean-Michel Blanquer pour remonter la pente ! De ce point de vue là, je m’inquiète lorsqu’on dit que l’on va supprimer les concours anonymes pour le baccalauréat. Si l’on supprime cette exigence, qui réside dans une forme de concours anonyme, je ne sais pas très bien où l’on va. Il faut que l’affaire soit bouclée jusqu’au bout. Et que ce qui est tolérable dans une année difficile comme celle que nous vivons ne soit pas reconduit à l’avenir. Mais vous me rassurerez certainement Monsieur le Ministre…

    Il y a donc la science et l’Ecole, et il y a l’usage que l’on peut faire du progrès technologique. Par exemple, le cycle de la mondialisation financière emprunte à l’informatique, mais ça va bien au-delà. C’est également une libération à l’échelle mondiale des mouvements de capitaux indépendamment de toute fiscalité et directivité de l’économie. On a cru pouvoir ériger la concurrence en règle exclusive d’orientation de l’économie au niveau européen mais on se rend compte qu’une politique industrielle est nécessaire, c’est ce qu’essaie de faire, il me semble Thierry Bretton. L’économie ne peut pas être laissée à elle-même car l’ultra libéralisme a produit d’énormes dégâts. Le problème des Gilets Jaunes s’enracine par exemple dans un passé d’une bonne trentaine d’années. Ces fractures sociales sont les conséquences de décisions gravissimes prises par des politiques aveugles, irresponsables, qui ne voyaient pas les conséquences des actes qu’ils avaient à accomplir, en matière notamment d’organisation de la finance.

    Nous devons nous interroger sur cette mondialisation financière, sur l’orientation des investissements, sur le type de division internationale du travail qui nous paraîtra acceptable, car nous avons laissé se créer des dépendances excessives : médicaments, pharmacie, composants électroniques ou encore métaux rares laissés aux Chinois alors qu’ils seront la base de l’économie de demain. Il y a donc vraiment une prise de conscience nécessaire. Peut être que la création d’un Commissariat général au Plan donnera les résultats que j’attends. Je pense pour ma part qu’on ne peut pas se passer des équipes d’ingénieurs compétents et que la recréation d’un ministère de l’Industrie serait une initiative utile pour ne pas se trouver pris au dépourvu comme nous le sommes hélas trop souvent, et l’affaire de la Covid le démontre amplement.

    Pour conclure, je pense que c’est la responsabilité civique qui doit aller de pair avec la confiance faite, non pas à la science – je ne préconise pas le scientisme, la science elle-même se rature en permanence, mais à un esprit de rigueur scientifique qui fait défaut. Je m’interroge sur les conditions dans lesquelles beaucoup de décisions sont prises, dans un système d’information en continu qui va très vite, qui fait que l’intermédiation n’existe plus entre le citoyen instruit et le décideur. Il n’y a plus de débats organisés qui permettent d’éclairer la décision à partir de données scientifiques. C’est très grave, et cela pose un problème plus fondamental qui est celui de la réintroduction d’un esprit de rigueur à tous les niveaux. Cela commence par le plus petit niveau, la formation des maîtres, appelés professeurs des écoles, dont les enquêtes montrent qu’ils sont insuffisamment formés, notamment en mathématiques. À titre d’exemples, nombre d’élèves ne savent plus ce qu’est la règle de trois. C’est ce qui manque pour créer un tissu sérieux, dense et responsable qui permettrait de prendre les bonnes décisions.

    JEAN-MICHEL BLANQUER : Je vais d’abord revenir sur les aspects éducatifs. C’est une discussion que nous avons régulièrement avec Jean-Pierre Chevènement car il est un prédécesseur de référence pour moi. C’est vrai qu’il y a une stratégie, qui s’inscrit forcément dans la durée par rapport à toutes les pentes qu’il y a à remonter. La première c’est de dire que nos objectifs sont de monter le niveau général et de lutter contre les inégalités sociales. Les deux vont de pair, et il faut donc tirer le niveau vers le haut. Cela passe par la mesure la plus emblématique et profonde qui est le dédoublement des classes de CP et de CE1 et qui touche chaque années 320 000 enfants. Nous allons maintenant dédoubler les classes de grande section et de maternelle, en attachant une importance considérable à l’école maternelle où tant de choses se jouent déjà et qui nécessite que nous investissions. Du point de vue de la stratégie budgétaire d’ailleurs, je mets le paquet sur le premier degré parce qu’il y a des rattrapages à faire en la matière et c’est évidemment quelque chose qui produit des fruits, de manière progressive. Vous avez fait allusion aux enquêtes internationales qui sont inquiétantes sur les mathématiques. Elles reflètent des choses qui sont ancrées dans la durée car elles concernent des élèves d’une quinzaine d’années. Il faut donc reprendre ces enquêtes à la base. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais nous avons aujourd’hui posé des références pédagogiques, sous forme de fascicules de l’école primaire qui existent et sont disponibles, et des formations avec le plan Villani-Torosian en mathématiques. Nous affichons des priorités claires. Par exemple, l’apprentissage des quatre opérations doit se faire le plus tôt possible et ne pas être dilué dans le temps comme ça a pu parfois être prôné dans le passé. Tout cela nous permettra de remonter la pente. L’enjeu de la formation des professeurs est clé, d’où le fait que nous avons posé, dans la réforme de leur formation, le fait que plus de la moitié du temps de formation devait être consacré aux savoirs fondamentaux pour les futurs professeurs des écoles.

    La stratégie dans le second degré insiste quant à elle sur la personnalisation des parcours, sur le fait que chaque élève doit trouver sa voie, d’où l’importance d’ailleurs de la réforme de la voie professionnelle qui commence à porter ses fruits. Le fait que le décrochage ait ralenti doit aussi beaucoup à la modernisation de la voie professionnelle et à l’investissement des professeurs de cette voie dans la lutte contre le décrochage et pour le désir d’études. Je pense aux classes de seconde « famille professionnelle » qui font qu’un élève a le choix entre plusieurs métiers à partir d’une famille professionnelle. La réforme du baccalauréat, à laquelle vous avez fait référence, dont je rappelle qu’elle est un mélange de contrôle terminal et de contrôle continu, ne vise pas à jeter par dessus bord le contrôle terminal, qui représente encore 60 % de la note finale (contre 40 % pour le contrôle continu). Le contrôle continu a des vertus puisqu’il permet de s’assurer d’un travail en continu de l’élève. Toutefois, en juin 2021, nous sommes obligés d’accroître le contrôle continu, bien que nous maintenons quand même l’épreuve de philosophie et le nouveau grand oral (si les circonstances le permettent…). Cette vision correspond finalement à l’idée que l’élève conquiert sa liberté au fil de son éducation et que la réforme du lycée lui donne plus de choix, d’où l’importance des nouveaux enseignements de spécialité. Je parlais hier avec un professeur de philosophie qui a choisi de donner l’enseignement de spécialité intitulé « Humanités, littérature et philosophie » et qui m’expliquait que cet enseignement a réenchanté l’enseignement de la philosophie, avec des élèves qui choisissent cette matière et ont davantage l’envie de l’approfondir, ce qui conduit à une hausse du niveau grâce à cette stratégie de personnalisation et d’approfondissement. Cette stratégie vise aussi à ce que les élèves soient mieux préparés à l’enseignement supérieur. Le thermomètre des difficultés de notre système éducatif est l’échec en fin de première année du supérieur des étudiants. D’une certaine façon, nous devons tirer les conséquences vers l’amont jusqu’à l’école maternelle. Cette réforme doit mieux préparer l’élève au baccalauréat, et à l’éducation supérieure.

    J’utiliserai deux vilains ou beaux mots : il faut re-scientificiser l’Ecole et la re-républicaniser. Re-scientificiser l’Ecole, c’est ce que vous avez prôné : la recherche et l’esprit de raison doivent guider l’Ecole de la République. Par conséquent, nous avons réuni des scientifiques de haut niveau en permanence sur les enjeux, pour guider les politiques publiques, en créant par exemple le conseil scientifique de l’éducation, où les sciences cognitives ont de l’importance (sans monopoliser le sujet). Ce conseil nous aide énormément pour avancer sur un certain nombre de sujets. Par exemple, concernant les évaluations de début d’année des élèves de CP et CE1, nous sommes le seul pays au monde capable de faire cela pour 800 000 enfants, maintenant. Même les 6èmes le font, soit trois fois 800 000 enfants. Nous sommes le seul pays à le faire car nous sommes un service public national de l’éducation et parce que nous avons élaboré ce type de protocoles avec le Conseil scientifique. Re-républicaniser c’est évidemment considérer que l’on transmet non seulement des connaissances mais aussi des valeurs, et c’est la création du Conseil des sages de la laïcité, des équipes « valeurs de la République » dans chaque rectorat pour faire face aux problèmes d’atteinte à la laïcité et plus généralement de respect des valeurs de la République. Cela permet d’assurer une contre offensive et de réaffirmer la colonne vertébrale républicaine de notre Ecole. C’est donc sur ces deux jambes que nous avançons, qui sont évidemment cohérentes avec les enjeux que Jean-Pierre Chevènement a énoncés. Je suis en accord avec lui puisque c’est la question d’une vision de long terme de l’avenir d’un pays, la France, et d’un continent, l’Europe, et plus généralement du Monde. Cette capacité à investir dans le long terme réside dans la connaissance, mais également dans des stratégies industrielles et territoriales. Là aussi, le contexte actuel est à double tranchant, il y a des risques d’effondrement économique mais également des possibilités de rebond, avec notamment le plan de relance qui a une dimension européenne. Celui-ci doit nous permettre, et c’est déjà le cas, de déterminer des grandes priorités industrielles et d’y mettre les moyens. Pour terminer, et mettre en lumière l’articulation entre les deux sujets, nous avons depuis trois ans une stratégie industrielle qui a été redéfinie par le ministère de l’Economie, qui peut-être un jour se subdiviserait avec le ministère de l’Industrie et s’articulerait plus avec le ministère de la Recherche. Il y a donc des territoires industriels définis, les véhicules électriques par exemple, qui nécessitent des grandes concentrations de moyens en matière de recherche de d’industrie. Notre vision des campus professionnels du futur, donc des lycées professionnels, s’articule avec cette vision industrielle. Il y a deux jours, j’avais la conférence des recteurs avec les ministres allemands de l’éducation de chaque Land. Nous jumelons ces campus pour avoir une vision convergente de certains enjeux industriels. Ces sujets sont liés et, à chaque fois, on retrouve la question de raisonner et d’investir sur le long terme. Nous investissons aujourd’hui ambitieusement avec le Plan de relance et les Plans d’investissement d’avenir (PIA) sur des choses qui produiront des effets dans la durée.

  • NATACHA POLONY : Si je veux prolonger ce que disait Jean-Pierre Chevènement, tout à l’heure, sur la question de la mondialisation néolibérale et de la dérégulation totale, en 1999, le journaliste Philippe Cohen, publiait un livre intitulé Protéger ou disparaître, en mettant en lumière la question du rapport entre les citoyens et l’Etat, décrit comme émanation justement de leur volonté. Il insistait sur la capacité de l’État à protéger les citoyens. Or l’ensemble des dérégulations qui ont été mises en place depuis 40 ans ont abouti à ce qu’il n’y ait plus cette protection, et c’est là la cause de la peur. J’y ajoute la question de la maîtrise du destin par les citoyens, c’est-à-dire que la mondialisation, devenue globalisation (l’uniformisation du grand marché mondial), fait que les citoyens n’ont plus la maîtrise de leur destin. L’enjeu n’est-il pas de savoir, si l’on veut retrouver la République, retrouver cette capacité de l’Etat à protéger et cette capacité des citoyens à décider de leur destin ?

    JEAN-MICHEL BLANQUER : Cette réponse est induite par les autres dimensions de mon propos. C’est-à-dire que la maîtrise du destin est à plusieurs échelles : c’est la maîtrise du destin individuel, meilleur outil contre la peur. Cela passe donc par l’éducation, qui permet la liberté. C’est le paradoxe de l’éducation que de mener à la liberté par de la contrainte. Cette question, si essentielle et éternelle, est plus que jamais centrale pour nous. C’est ce dont il s’agit lorsque le programme d’Emmanuel Macron évoquait une politique d’émancipation. Et c’est ce que nous faisons avec différentes politiques. Il y a également la maîtrise à l’échelle locale, avec la problématique dite de la France « périphérique » pour laquelle nous devons également avoir une réponse politique de maîtrise du destin. Je vous donne un exemple : nous venons de lancer les territoires éducatifs ruraux, soit une politique éducative prioritaire appliquée au monde rural. L’une des ambitions que je poursuis en partenariat avec les communes et les différentes collectivités, c’est que l’école rurale redevienne un élément d’attraction pour que des familles s’installent. Nous menons une politique qui mêle écoles attractives, numériques (avec le haut débit) et mobilité. Quand ces enjeux sont bien traités en milieu rural, on peut avoir une renaissance de certains territoires. La maîtrise du destin local est indissociable de la maîtrise du destin français, par souci de cohérence. La maîtrise du destin national passe par les sujets d’investissements et de défense. Cela nous renvoie notamment à une vision européenne de la défense dans un contexte de tensions géopolitiques révélées par l’actualité. Je pense par exemple à la question de l’achat des Rafales par la Grèce. La maîtrise de notre destin à l’échelle européenne est essentielle, on le voit avec le plan de relance. Il ne faut pas opposer souveraineté nationale et européenne puisqu’elles s’articulent, comme le montre l’exemple du plan de relance. Enfin, la maîtrise de notre destin mondial, puisque nous avons basculé dans un autre monde avec la mondialisation, importe. Nous ne pouvons pas avoir de vision nationale ou européenne sans prise en compte des enjeux mondiaux, comme le climat et le multilatéralisme. L’élection de Joe Biden est porteuse de différentes choses, plus ou moins bonnes, mais en tout cas du côté des très bonnes choses, il y a le renouveau possible du multilatéralisme et d’une meilleure maîtrise de notre destin à l’échelle mondiale.

    Finalement, je crois à une relative netteté des leviers dans la maîtrise du destin. C’est pourquoi tous les discours sur l’impossibilité de la maîtrise du destin sont en réalité des discours faux. Il n’a jamais été autant possible de maîtriser son destin, cela est beaucoup plus possible qu’au XIVème siècle ou qu’au XVIIIème siècle. Ces capacités, même dans la période actuelle, sont réelles, à toutes les échelles, même à l’échelle mondiale. Les déclarations pessimistes sur ces questions sont contreproductives, et il faut être lucide sur toute une série de pentes très inquiétantes mais en même temps bien discernées. La volonté politique a encore de la place aujourd’hui : c’est précisément le rôle de la politique que d’exprimer une volonté, ou alors elle se nie elle-même.

  • NATACHA POLONY : Jean-Pierre Chevènement, sans comparer une société d’ordre du XIVème siècle à la République, parce que justement il n’y a pas d’échelle de comparaison, nous n’avons jamais été aussi souverains ? Aussi maîtres de notre destin ?

    JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT : Je pense que M. Blanquer parle d’or, parce qu’il parle de l’amont. Il me revient à l’esprit une citation de Montesquieu : « C’est dans le gouvernement républicain que l’on a besoin de toute la puissance de l’éducation. » Mais après l’éducation, il y a ce qui suit en aval. Mais puisque nous parlions de la peur et des peurs qui existent dans notre pays, il y en a une qui préexistait à la Covid, c’est la peur du déclassement industriel, des fermetures d’usines et des plans sociaux. Ceux-ci ne se sont pas interrompus, on voit même que Sanofi va supprimer 400 emplois de chercheurs dans la recherche pharmaceutique. Cela paraît bizarre et interroge : on se demande ce qui se passe, si le Président Macron ne devrait pas convoquer Paul Hudson, PDG britannique de Sanofi, qui a succédé à Monsieur Dehecq. Ce dernier me disait : « Je suis fier de mettre 80 % de ma recherche en France alors que le France ne représente que 12 % du marché des produits de Sanofi. » Nous ne sommes plus à cette époque, M. Hudson n’est pas Jean-François Dehecq, tout cela a beaucoup changé. Mais les Français sont quand même fondés à s’interroger par rapport à de nombreux chiffres. La quasi-disparition de notre industrie de biens d’équipement est déficitaire. Il en va de même pour notre industrie automobile, déficitaire depuis 2006, aujourd’hui à hauteur d'au moins 20 milliards d'euros, sur une balance commerciale déficitaire de 75 milliards d'euros. Ce n’est pas rien. Prenons l’exemple de l’agro alimentaire, curieusement, s’il n’y avait pas les boissons, la France serait déficitaire : nous sommes déficitaires en matière de viandes blanches, de poissons, de légumes, mais nous avons un déficit là où pourtant la France paraissait le pays le mieux doté du monde. Je pourrais prendre d’autres exemples, notamment tout ce qui concerne l’électronique. C’est là que le plan « filières électroniques » que j’avais commencé à initier dans les années 1982-1983 aurait eu toute sa raison d’être. Il n’en est resté que ST Microelectronics, ce n’est pas rien mais c’est très peu par rapport à ce qu’il faudrait faire. Nous avons donc besoin d’une politique industrielle richement dotée. D’où peut venir l’argent ? Aujourd’hui il est clair qu’il vient de la Banque centrale européenne, quasiment à taux zéro et par conséquent on peut investir si on le veut et si l’on veut maintenir ce cap. Mme Lagarde semble disposer d’une politique monétaire accommodante pour un certain temps. Mais certaines voix s’élèvent, notamment dans la presse française, pour dire tout cela ne peut pas durer, il faut atterrir et plus vite ce sera, mieux ça vaudra. C’est inquiétant parce qu’il est clair que les gens qui s’expriment de cette manière n’ont pas pris la vue d’ensemble pour cerner tout ce qu’il nous faudrait faire pour remonter la pente. J’ai vu que des initiatives législatives allaient être prises en matière d’hydrogène. C’est bien, car l’hydrogène permettra peut-être de faire des piles à hydrogène. Mais il faut savoir que c’est un choix qui intéresse particulièrement les Allemands, qui y voient une solution au problème de stockage de l’énergie, les Allemands ayant fait une erreur en 2011 en sortant du nucléaire et en cherchant à promouvoir des énergies renouvelables qui sont aussi des énergies intermittentes. Ils en sont aujourd’hui réduits à avoir recours à la houille, au lignite, au gaz (avec le problème de NordStream 2, les Allemands préférant du gaz à la lignite, car rejetant moins de CO2). Aujourd’hui, l’Allemand rejette deux fois plus de gaz à effet de serre que le Français. Et le ménage allemand paie son électricité deux fois plus cher que le ménage français. Ce sont les conséquences du fait que nous avons un avantage comparatif avec le nucléaire, qui produit 75 % de notre électricité. Je n’ai pas compris, enfin, j’ai trop bien compris malheureusement, pourquoi le Parti socialiste, en 2011, avait changé son programme, et pourquoi François Hollande avait envisagé de réduire de 25 réacteurs le parc nucléaire français à horizon 2025. C’est stupide, mais Emmanuel Macron a décalé cette stupidité de 10 ans, à horizon 2035… mais cela reste stupide. On aimerait être rassurés sur le fait que les vrais atouts de la France ne sont pas ignorés, mais au contraire cultivés, et que l’on ne cède pas au vent de panique orchestré qui fait que la décision de Madame Merkel a été prise au lendemain de Fukushima. Ce n’est pas tant que Madame Merkel avait particulièrement peur, c’est une physicienne, elle sait à quoi s’en tenir, elle était pour le nucléaire et a changé de point de vue par électoralisme, en pensant à l’alliance que la CDU-CSU devrait faire avec les Verts. Mais nous avons suivi, et nous marchons en quelque sorte sur les traces d’une politique qui n’a pas fait ses preuves, c’est le moins qu’on puisse dire. Je ne cherche pas du tout à antagoniser nos rapports avec l’Allemagne, mais cela mérite d’être dit, parce que la politique énergétique est un bon exemple de ce qu’il faut faire et de ce qu’il ne faut pas faire. Il faudrait remonter à loin : nous avons vendu nos turbines à gaz, nos turbines à vapeur et nos turbines nucléaires de Belfort à General Electric. C’était une grave erreur. Nous en avons besoin pour boucler la filière nucléaire et échapper à terme à de potentielles mesures d’embargo ou à des sanctions irraisonnées. Je veux croire que l’élection de Joe Biden nous permettra de desserrer un certain nombre de contraintes et de résoudre des problèmes : l’accord sur le climat, l’affaire de l’Iran pour l’empêcher d’accéder à une dimension d’une puissance nucléaire militaire (mais pas civile). Tout cela, j’en accepte l’augure, mais je pense que si l’on veut rassurer les Français, il faut leur donner le sentiment que l’on prend les moyens de dominer l’avenir, que l’on s’appuie sur la nation, que l’on fait de l’Europe le prolongement des nations, à géométrie variable, pour créer une force motrice à l’échelle mondiale entre les Etats-Unis et la Chine et ainsi exister dans différents domaines : composants électroniques, robots, voitures électriques (si les fruits portent la promesse des fleurs). C’est de cette certitude que, je pense, les Français ont besoin. Ils peuvent faire confiance à leurs dirigeants si leurs dirigeants ont d’abord confiance en eux et prennent toutes les dispositions pour comprendre réellement la portée des décisions qu’ils prennent. Je suis de ceux qui pensent qu’il faut surmonter la peur, et que cela est possible par la raison, la maîtrise, le sang-froid, la confiance en soi et le courage, parce qu’on ne peut pas surmonter une crise sans courage, et la France sait le faire. Elle a fait Austerlitz et Verdun, bien qu’elle n’ait pas toujours été aussi heureuse, notamment militairement parlant. Enfin, elle a été capable, à certains moments, de faire face et dans cette « guerre » dont a parlé le Président Macron, qui est éminemment multiforme (Covid, crise économique, guerre sociale, guerre idéologique et culturelle pour la raison et les Lumières, etc.), je pense que les Français ont besoin d’une direction, de savoir où ils vont.

  • NATACHA POLONY : Nous arrivons au terme de cette discussion, mais j’aimerais vous entendre sur un élément que vous venez d’esquisser, Jean-Pierre Chevènement. Vous aviez dit « si les gouvernants font confiance aux citoyens ». Moi, ça fait des années que j’entends les médias parler de la peur qu’ont les Français à propos de tout ce terreau, que dès qu’un mouvement, par exemple électoral, déplait, on dit : « Ah mais c’est parce que les Français ont peur. » D’ailleurs, pas seulement les Français, nous avons vu le même phénomène au Brésil ou encore dans le cadre du Traité constitutionnel européen avec le référendum de 2005. Je me dis souvent que les citoyens n’ont pas peur mais qu’ils sont en colère, ce qui n’est pas la même chose. Néanmoins, parler de peur permet justement de diminuer cette colère, et j’interrogeais il y a quelques temps Marcel Gauchet dans Marianne pour lui demander quel était ce rapport de confiance. Il me répondait que les gouvernants aussi, ont peur des citoyens. Ils ont peur des mouvements éruptifs qui viennent de cette colère. Par conséquent ils gouvernent parfois par la peur. Marcel Gauchet défendait cette thèse, notamment concernant la gestion de la pandémie, mais pas seulement. Que vous inspire cette relation dégradée de confiance que les gouvernants peuvent avoir avec les citoyens, dans la mesure où ils en sont l’émanation ?

    JEAN-MICHEL BLANQUER : Il y a évidemment quelque chose d’intéressant et d’éventuellement juste. Ce que vous venez de dire me rappelle Jean Delumeau. Je terminerai donc par là où j’ai commencé, parce que son livre est structuré entre la peur de la peur du peuple et la peur des élites. D’une certaine façon, il démontre sur quatre siècles ce que vous venez de dire : cela a donné par exemple l’Inquisition, ou encore le fait de chercher des boucs-émissaires et des explications pour faire face, d’une certaine façon, aux autres peurs plus populaires et massives. Cette récurrence doit être regardée en face pour que cela ne se reproduise pas. La République exorcise la peur par la foi en la raison. Elle est donc capable de partager des raisonnements. Aujourd’hui, l’immédiateté médiatique rend impossible le fait de partager un raisonnement. Je le vis en permanence : les décisions peuvent être immédiatement caricaturées, ce qui fait que nous n’avons pas les conditions du déroulement démocratique normal. Il en va de même avec le complotisme qui prête des arrières pensés à chaque mot. Aujourd’hui, nous vivons dans une société qui manque de confiance. Je crois qu’il s’agit du mot clé pour exorciser la peur. La confiance est l’indice d’une société qui va bien. Elle se mesure et constitue un concept politique. C’est pourquoi j’ai parlé d’Ecole de la confiance en arrivant au ministère, car si l’on veut une société de la confiance, cela commence par l’Ecole. C’est évidemment un processus qui prend du temps et qui nécessite de créer une sorte de cercle vertueux de la confiance, qui suppose l’exercice de la raison et une forme de modération dans la tonalité. Ce qui me frappe, c’est qu’il est bon que nous ayons des divergences – cela alimente la démocratie, mais cette tonalité de colère souvent radicale que nous voyons aujourd’hui participe à la construction d’un cercle vicieux de la défiance, qui ne permet pas d’élaborer un raisonnement. Il est donc évident aujourd’hui que nous devons recréer une logique de confiance, de manière plus horizontale et non pas verticale comme le lien qui a uni gouvernants et gouvernés pendant des siècles. Il faut donc réussir à créer de la décision collective et que les responsables politiques prennent leurs responsabilités. Je vous donne un exemple simple. Il y a une semaine, j’ai dû prendre la décision de passer au contrôle continu pour les enseignements de spécialité du baccalauréat. Nous devions les passer au mois de mars, en contrôle anonyme terminal. Je n’ai pas pris cette décision de gaieté de cœur. Mais pour prendre cette décision, j’ai fait une note de trois pages pour expliquer aux professeurs le pourquoi et le comment. Je pense que la plupart ont bien vu pourquoi cette décision avait été prise, et elle a été plutôt bien acceptée. A l’inverse, lorsque d’autres décisions arrivent de manière plus soudaine et sont moins expliquées, la compréhension est moins forte et peut conduire à des malentendus. Nous avons donc un devoir d’explication et d’écoute, mais également un devoir de décision qui ne doit jamais chercher à satisfaire un appétit immédiat, comme le calcul électoraliste en Allemagne dont vous parliez en matière de choix énergétique. Il faut à l’inverse penser à la construction de l’avenir. Je crois à la volonté politique dans ce contexte. Il y a une phrase de Nietzsche dans Le gai savoir que j’aime beaucoup : « Tu es perdu si tu crois au danger. », et nous pourrions le paraphraser : « Tu es perdu si tu crois à la peur. » A force de cultiver le pessimisme et l’inquiétude, on finit par l’amplifier. Je ne tiens pas un discours bêtement optimiste, mais un discours de la volonté. Il nous faut la confiance, la volonté et le courage de tous.

    JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT : J’approuve ce que vient de dire Jean-Michel Blanquer. Son propos me rappelle le mot de Roosevelt : « La seule chose dont nous devons avoir peur, c’est la peur elle même. » Tels étaient les mots qu’il a prononcés en 1933. Effectivement, il avait fort à faire à cette époque. Je reconnais que gouverner par les temps qui courent n’est pas facile et on ne peut pas envier ceux qui sont aux responsabilités. Mais avant d’incriminer 66 millions de procureurs, ne faut-il pas réfléchir à la somme des responsabilités qui ont été prises par nos élites dans des temps beaucoup plus anciens ? Prenons par exemple l’industrie. Que de pépites ont été sacrifiées : Alcatel, Alstom, Mittal, Pechiney, Lafarge, la liste est longue ! Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie, mais nous avons bien l’impression que les élites ont fait, dans les années 1980-1990, le choix de la finance et des services au détriment de l’industrie, et l’on s’aperçoit aujourd’hui des dépendances que cela créé, ce qui nous fragilise énormément dans la compétition internationale. Il faut donc redresser le tir si l’on veut redonner confiance aux Français, car il faut rebâtir la confiance. C’est le plus difficile, mais c’est nécessaire parce que la France dispose encore d’atouts. Je vais citer le général de Gaulle : « Il ne faut jamais désespérer. » Il ne faut pas que les échecs nous paralysent. Par exemple, sur Sanofi, cet échec ne doit pas nous empêcher d’avoir une politique pharmaceutique et d’y réfléchir. Cela est vrai dans beaucoup d’autres domaines. Si les Français ont le sentiment que le Gouvernement sait où il va, en matière de choix stratégiques (défense, hydrogène, batteries, voitures électriques, etc.), cela peut créer un engouement et un meilleur climat. A l’inverse, si la peur s’installe, la colère risque de l’emporter, comme on le voit dans certains pays voisins de tradition plus libertaire comme les Pays-Bas, avec les récentes émeutes. Il faut donc beaucoup de pédagogie. En matière de pédagogie, je vois le ministre de l’Education nationale sourire, c’est son métier…

  • NATACHA POLONY : Merci beaucoup messieurs. Cette conversation aura une suite. Il ne s’agissait là que de l’esquisse d’une réflexion sur un sujet en effet extrêmement vaste. Pour le rappel, ce débat était organisé, en partenariat avec Marianne TV, par la Fondation Res Publica et les Conférences Condorcet.


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Mercredi 3 Février 2021 à 15:08 | Lu 2764 fois



1.Posté par Affectif RETOUR le 01/03/2023 02:33
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