Marianne: Quel bilan faites-vous du sommet franco-allemand?
Jean-Pierre Chevènement: Il n'a débouché que sur des annonces décevantes, et rien de vraiment décisif à court terme. On a évoqué un gouvernement économique qui se réunirait deux fois par an. Ca ne va pas changer la face du monde ! La taxe sur les transactions financières ? Nous n'en connaissons pas les modalités. Quant à la "règle d'or" à introduire dans les Constitutions d'ici à la fin 2012, c'est une mesure foncièrement récessionniste, une manoeuvre électorale de la part de Nicolas Sarkozy, et cela traduit, bien entendu, l'orientation politique allemande. Mais cette dernière est extrêmement dangereuse. Déjà qu'au deuxième trimestre 2011 la croissance française est stagnante et celle de l'Allemagne est de 0,1% du PIB, nous allons tout droit dans une rechute de l'activité économique, et la crise de la zone euro n'est clairement pas résolue. Il est vraisemblable que la spéculation s'attaque encore une fois à l'Espagne et à l'Italie, et peut-être à la France, d'ailleurs. J'observe enfin qu'il n'y a rien sur les euro-obligations, rien sur le Fonds européen de stabilité financière, rien sur la Banque centrale européenne.
Sur la BCE, vous aviez pourtant demandé à Sarkozy dans une lettre d'"agir" auprès d'Angela Merkel pour qu'elle puisse racheter des titres de dette (1). Le président vous a d'ailleurs appelé avant la tenue de ce sommet. N'a-t-il rien retenu de votre conversation?
Il ne m'a pas dissuadé d'avancer cette proposition… Les choses se sont d'ailleurs faites dans la semaine qui a suivi ma lettre: la BCE a pris en pension 22 milliards de titres espagnols et italiens. Mais il a refusé de reprendre cette mesure à son compte, pour, selon lui, ne pas gêner Mme Merkel. Elle a, il est vrai, des contraintes de politique intérieure. Il y a finalement pour Sarkozy et Merkel, des choses qu'il vaut mieux faire sans en parler…