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Une conférence pour une nouvelle construction européenne


Tribune collective* publiée dans Le Figaro, vendredi 1er juillet 2016.


Les auteurs lancent un appel pour une renégociation des traités qui s'articulerait autour de trois priorités : la souveraineté, la prospérité et l'indépendance stratégique.

Le peuple britannique a exprimé souverainement sa volonté de rester maître des décisions qui le concernent. Ce vote courageux et massif est évidemment une claque pour la dérive technocratique dans laquelle l'Union européenne actuelle s'est laissé enfermer depuis au moins trois décennies, sur la base de traités marqués au coin du néolibéralisme alors triomphant (Acte unique, traité de Maastricht, traité de Lisbonne), ou de l'ordo-libéralisme allemand (traité de cohérence budgétaire dit « TSCG » de 2012).

Tout montre que dans la plupart des pays européens, les citoyens n'acceptent plus d'être gouvernés par des instances non élues, fonctionnant en toute opacité. Le vote britannique peut être une chance : il doit être l'occasion de réorienter la construction européenne, en articulant la démocratie qui vit dans les nations avec une démocratie européenne qui reste à construire.

Nous demandons la réunion d'une conférence européenne sur le modèle de la conférence de Messine de 1955 qui, après l'échec de la Communauté européenne de défense (CED), a permis de remettre la construction européenne sur les rails et a préparé efficacement le traité de Rome. Cette conférence se réunirait à vingt-sept, avec un statut spécial d'observateur pour la Grande-Bretagne.

Cette conférence aurait pour objet la renégociation des traités sur les trois questions cruciales dont la méconnaissance a conduit à l'affaissement de l'actuelle construction européenne : la souveraineté, c'est- à-dire la démocratie, la prospérité et l'indépendance stratégique.

D'abord rendre à la souveraineté populaire et à la démocratie leurs droits dans une Europe confédérale qui serait faite de l'entente et de la coopération entre les nations : cela suppose une réorganisation profonde des compétences et, le cas échéant, du mode de désignation des institutions européennes (Conseil, Commission, Parlement, Cour de justice, BCE). Il faudrait notamment outiller le Conseil européen où vit la légitimité démocratique en le dotant des services capables de préparer et exécuter ses décisions. De même le Parlement européen devrait procéder des Parlements nationaux pour que les compétences déléguées puissent être démocratiquement contrôlées.

Ensuite, rendre à l'économie européenne les clés de la prospérité en revoyant profondément les règles actuelles en matière de politique économique et monétaire. Le paradigme néolibéral - la croyance en l'efficience des marchés - ne peut se substituer à la définition de politiques industrielles et d'un cadrage social. Le modèle mercantiliste allemand (excédent extérieur approchant les 10 % du PIB) est intransposable aux autres pays et notamment à ceux de l'Europe du Sud. Il faut redéfinir un modèle européen de développement acceptable pour tous les Européens.

Enfin, il faut donner à l'Europe la capacité stratégique qui lui a toujours fait défaut depuis l'origine. Nous nous rapprocherions ainsi de l' « Europe européenne » du général de Gaulle : il faudra pour cela renouer un dialogue avec la Russie, pays européen indispensable pour l'établissement d'une sécurité dont toutes nos nations ont besoin et définir des politiques ambitieuses et cohérentes de co-développement vis-à-vis de l'Afrique et au Moyen-Orient.

Ce sont là les trois clés de l'avenir de l'Europe. Nous avons la conviction qu'il appartient à la France de lancer cette grande initiative qui proposera de remettre l'Union européenne sur ses pieds. Les peuples européens et pas seulement le nôtre, l'attendent. Nous faillirions à notre devoir de citoyens français mais aussi d'Européens si nous n'agissions pas pour que la France se porte aux avant-postes de cette grande tâche.

Nous appelons tous ceux qui refusent le rétrécissement du champ de l'avenir à oeuvrer pour réorienter la construction européenne sur ces bases nouvelles.

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* Liste des signataires : Marie-Françoise Bechtel, Guillaume Bigot, Jean-Pierre Chevènement, Gabriel Colletis, Éric Conan, Franck Dedieu, Alain Dejammet, Éric Delbecque, Jean-Pierre Gérard, Christophe Guilluy, Loïc Hennekinne, Paul Jorion, Jean-Michel Naulot, Michel Onfray, Natacha Polony, Jean-Michel Quatrepoint, Emmanuel Lévy, Benjamin Masse- Stamberger, Claude Revel, Henri Sterdyniak, Jacques Sapir, Paul Thibaud.


Mots-clés : brexit, europe
le Vendredi 1 Juillet 2016 à 10:23 | Lu 3614 fois



1.Posté par Claude ANGOT le 01/07/2016 17:55
Comme tjrs j'apprécie vos interventions, mais le problème N°1 ne reste-il pas l'Union Européenne et sa direction dictatoriale, détenant ts les pouvoirs (Législatif et exécutif, le parlement n'ayant pratiquement aucun pouvoir). Les traités gérant le fonctionnement de l'UE; TFUE et TUE ont été habilement écrits pour donner ts les pouvoirs à la Commission Européenne, (dirigée actuellement par Mr JC Junker, ancien 1er ministre du Luxembourg et qui traîne ce boulet du scandale du Luxleak), avec l'impossibilité de modifier ceux-ci, même d'une virgule sans l'accord des 28 pays composant l'UE.
Comme tjrs la seule possibilité de se débarrasser de cette quasi dictature serait de sortir de l'UE (comme l'Angleterre) par l'article 50. Comment peut-on espérer quelque chose de ces individus sans foi ni loi et qui ne respecterons jamais la voie du peuple. Aprés, peut-être reconstruire un Europe des Nations libres et indépendantes, et étroitement contrôlée par les parlements nationaux et par les peuples, les orientations importantes prises par référendums. Sortir de l'UE ne semble pas être votre choix, voyez-vous une autre solution.

2.Posté par Jules DUNORD le 06/07/2016 08:46
Je suis curieux de savoir ce que fera MF Betchtel si d’aventure les frondeurs du PS déposent aujourd’hui une motion de censure. Elle qui signe cet appel mais qui a refusé de s’associer pour le dépôt d’une motion de censure lors du premier passage de cette loi El Khomri (motion non déposée car il manquait deux voix sur 58).

C’est pourtant le moment de prendre ses responsabilités et de mettre en pratique ce que l’on écrit.

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