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Traité de Lisbonne : rien n'est réglé, tout commence !


Projet d'intervention de Jean-Pierre Chevènement au rassemblement national pour un référendum sur le projet de «constitution européenne bis», dimanche 2 décembre 2007. Seul le prononcé fait foi.


Jean-Pierre Chevènement entouré de Nicolas Dupont-Aignan et Marie-Noëlle Lienemann, dimanche 2 décembre 2007 à la Maison de la Chimie, à Paris
Jean-Pierre Chevènement entouré de Nicolas Dupont-Aignan et Marie-Noëlle Lienemann, dimanche 2 décembre 2007 à la Maison de la Chimie, à Paris
Le 29 mai 2005, le peuple français a rejeté le projet de Constitution européenne à 55 % des voix. De ce rejet les raisons sont de deux ordres :

- refus d’une Europe libérale, s’offrant, impotente, à tous les coups d’une concurrence faussée ;
- attachement à la souveraineté nationale, garante de la démocratie alors que maints hérauts du « oui » ne se cachaient pas de vouloir donner au traité constitutionnel la valeur d’une véritable Constitution européenne, l’emportant sur les Constitutions nationales. Ces deux ordres de raisons ne sont pas contradictoires. Ils sont complémentaires : l’étouffement de la démocratie et la régression sociale avancent de pair.


I – Le traité de Lisbonne est un déni de démocratie.

Ce coup de force à la fois contre la République et contre le monde du travail a été en partie déjoué puisque le mot de « Constitution » ne figure plus dans le texte du traité de Lisbonne.

Celui-ci n’en reprend pas moins sur le fond toutes les dispositions du projet de Constitution européenne. M. Sarkozy n’y a rien changé d’essentiel et il ne lui appartient pas de dire que la disparition du mot « Constitution » représente un changement suffisant pour réaliser le dépassement du « oui » et du « non » au référendum du 29 mai.

Les modifications apportées sont, comme l’a souligné M. Giscard d’Estaing le 17 juillet devant le Parlement européen, « purement cosmétiques ». « En termes de contenu –je le cite- les propositions demeurent largement inchangées. Elles sont juste présentées de façon différente … Les gouvernements européens se sont mis d’accord sur des changements cosmétiques à la Constitution pour qu’elle soit plus facile à avaler ». On ne peut exprimer plus clairement que par la bouche de l’ancien Président le mépris revanchard de nos élites pour la démocratie.

M. Sarkozy se targue d’avoir fait disparaître la concurrence libre et non faussée des objectifs de l’Union mais celle-ci réapparaît dans le protocole n° 6 au rang des principes que l’Union doit faire respecter. C’est prendre les citoyens pour des gogos !

Si, comme s’en flatte le président de la République, une base juridique existe désormais pour une directive concernant les services d’intérêt général, la Commission vient de faire savoir qu’elle n’avait pas l’intention de prendre une telle directive ! Nouvelle mystification !

Enfin si le traité de Lisbonne ne reprend pas la troisième partie du projet de Constitution relative au contenu des politiques, c’est tout simplement parce que les traités antérieurs auxquels il s’intègre, comportent par définition ces dispositions. Le corpus d’ensemble a la même valeur juridique, de Rome à Lisbonne, en passant par Luxembourg, Maastricht, Amsterdam et Nice. Qu’on ne nous fasse pas prendre des vessies pour des lanternes !

M. Sarkozy ne peut donc prétendre, comme il l’a fait dans son discours de Strasbourg, le 2 juillet 2007, avoir réalisé la synthèse du « oui » et du « non » et le dépassement des contradictions. Car il n’est pas vrai que dans le traité de Lisbonne, « l’Europe, comme il le prétend, se donne les moyens d’agir et de se protéger ». Au contraire ! M. Sarkozy, comme nous le verrons, a avalé la substance de la Constitution sans obtenir en échange aucune contrepartie ! M. Sarkozy n’est donc aucunement fondé à soutenir que son élection à la Présidence de la République, le 6 mai 2007, lui donne les mains libres pour réinterpréter – que dis-je ? – pour bafouer la volonté du peuple français, clairement exprimée le 29 mai 2005.

Au demeurant, aucune procédure de révision constitutionnelle n’est aussi contraignante que l’obligation de réunir l’unanimité des vingt-sept Etats signataires pour modifier le texte des traités. Nous sommes enfermés dans un carcan dont il ne sera pas possible de se défaire à moins d’une révolution bien improbable à l’échelle des vingt-sept, sauf à quitter l’Union européenne.


Pour faire accepter la ratification par la voie parlementaire du traité de Lisbonne qui reprend, comme l’avait souhaité Madame Merkel, la « substance de la Constitution », M. Sarkozy use d’un subterfuge grossier : il prétend avoir couvert par son élection à 53% de voix comme président de la République, le non-respect du parallélisme des formes : en effet ce qui a été rejeté par référendum ne devrait pouvoir être rétabli que par la voie du suffrage universel. Ainsi en est-il expressément stipulé par la Constitution italienne et même par celle de l’Etat de Californie. Telle n’est pas l’interprétation de M. Sarkozy. Celui-ci pendant la campagne présidentielle a bien annoncé l’adoption d’un traité simplifié par la voie parlementaire. C’est vrai ! Mais ce n’est pas un traité simplifié qu’il nous propose aujourd’hui : 256 pages au total, un empilement d’articles modifiant les traités existants. C’est un traité complexifié à l’excès, illisible même par des parlementaires chevronnés !

Le mot de traité simplifié n’est encore employé que par quelques thuriféraires zélés de l’actuelle majorité. Le Conseil européen, à juste titre, n’a pas utilisé cette expression mais celle de « traité modificatif ». M. Sarkozy annonçait un « mini traité » : c’est une maxi-traîtrise !

Il y a en effet une règle en démocratie : c’est la souveraineté du Peuple. Ne pas respecter la souveraineté populaire constitue un véritable déni de démocratie, l’équivalent de ce que le professeur Anne-Marie Le Pourhiet a appelé un « coup d’Etat ». Le Président de la République nous objecte que la voie parlementaire est employée dans la plupart des autres pays européens. Mais il n’y a qu’en France, aux Pays-Bas et en Espagne qu’on a précédemment demandé au peuple de se prononcer par la voie du référendum.

Assez de tours de passe-passe ! Le parallélisme des formes exige le référendum ! La seule question à se poser est de savoir s’il est possible d’imposer au Président de la République d’en passer par un référendum. La réponse s’impose à quiconque a examiné les textes et pris au sérieux les engagements des différents candidats à la récente élection présidentielle : oui cette possibilité existe !


II – Il est possible d’imposer à M. Sarkozy la voie du référendum.

L’article 88-1 a été révisé par prétérition pour permettre la ratification de la Constitution européenne depuis lors rejetée par le peuple. Le Conseil Constitutionnel avait considéré, par une décision du 19 novembre 2004, que de nombreuses clauses du traité constitutionnel « affectaient les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale », notamment des transferts de compétence en matière de contrôle aux frontières et de coopération judiciaire, civile ou pénale privant ainsi la France de tout pouvoir propre d’initiative, ou encore l’extension des domaines régis par le vote à la majorité qualifiée ou conférant une fonction décisionnelle au Parlement européen lequel –je cite– « n’est pas l’émanation de la souveraineté nationale ».

Le Conseil Constitutionnel avait donc exigé une révision préalable de la Constitution, révision à laquelle il a été procédé. Mais cette révision est devenue caduque par la volonté du peuple français, car elle visait expressément la Constitution européenne, je cite l’article 88-2, deuxième alinéa de notre Constitution : « La France peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 octobre 2004 ». Patatras ! Le 29 mai 2005 le peuple français a mis bas ce bel édifice !

Il faut tout recommencer. Consulter d’abord le Conseil Constitutionnel sur le traité de Lisbonne. Il est fort à prévoir que pour les mêmes raisons que précédemment, le Conseil demandera la révision de la Constitution afin d’autoriser la ratification du traité de Lisbonne. C’est alors que le Président de la République devra convoquer les Assemblées parlementaires puis le Congrès pour modifier l’article 88-1.

Mais comme le stipule l’article 89 de la Constitution relatif à la révision, celle-ci - à défaut d’être approuvée par la voie référendaire qui est le mode normal de révision - doit réunir la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au Congrès. Les deux cinquièmes du Congrès, à supposer que tous les parlementaires votent, cela fait 363 voix. Or cette minorité de blocage existe si tous les parlementaires se souviennent des engagements qu’ils ont pris à travers les candidats qu’ils ont soutenus pendant la campagne présidentielle.

La gauche et les Verts ont 352 élus à l’Assemblée et au Sénat. Deux non inscrits à l’Assemblée appartenant à « Debout la République » et deux non-inscrits au Sénat, militant pour un référendum. Trois députés du Modem se souviendront que leur chef s’était lui aussi prononcé pour un référendum. Enfin, je n’ose pas croire que les sénateurs et députés de l’UMP qui se sont toujours dits « souverainistes » (je pense par exemple à MM. Pasqua, Guillet, Myard et d’autres encore) puissent se laisser aller à approuver un projet de révision constitutionnelle si contraire à la souveraineté nationale.

En comptant bien, j’ai trouvé les 363 parlementaires qui peuvent faire obstacle à cette révision. Les Républicains comptent sur eux. Nous comptons sur leur courage, sur leur respect de la démocratie. Nous ne leur demandons même pas ce qu’ils pensent sur le fond du traité. Là n’est pas la question qui sera posée aux Assemblées parlementaires et au Congrès réuni à Versailles. La question sera beaucoup plus simple, ce sera une question préjudicielle : la représentation nationale va-t-elle couvrir l’intention du Président de la République de s’asseoir sur le suffrage universel ? Va-t-elle à son tour piétiner la démocratie ?

A tous ces parlementaires, et aussi aux autres d’ailleurs, je demande : comment pourriez-vous demain déplorer la crise de la démocratie, le fossé entre le peuple et les élites, l’abaissement du Parlement, si vous deviez vous-mêmes consacrer par votre vote le droit du Président de la République de déclarer nul et non avenu un vote référendaire aussi explicite que celui du 29 mai 2005 ? Songez-y : à quelles crises futures exposeriez-vous ainsi la démocratie en France et à quel discrédit soumettriez-vous une construction européenne, non seulement coupée des peuples, mais retournée contre eux et particulièrement contre le peuple français et le peuple hollandais. Or ces deux peuples sont deux des six des peuples fondateurs ayant engagé en 1957, par le traité de Rome, cette construction européenne. Combien fragiliseriez-vous encore l’édifice !



Je sais bien que le bureau national du PS s’est prononcé au fond par une majorité nette mais nullement écrasante, tout en laissant la liberté de vote aux parlementaires. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit : c’est une question préjudicielle qui est posée : « Faites-vous, ou non, fi de la démocratie telle qu’elle s’est exprimée par la voix du référendum populaire, c’est-à-dire par la voix du Souverain lui-même, le Peuple, dont vous êtes les représentants » ?

Je rappelle aux parlementaires socialistes l’engagement pris par leur parti dans son projet adopté à l’unanimité en 2006 de soumettre tout nouveau traité institutionnel à référendum, engagement repris par leur candidate pendant la campagne présidentielle de 2007. On ne peut pas en appeler au peuple pour construire une opposition républicaine à M. Sarkozy et dans le même temps s’asseoir non seulement sur les engagements pris à son égard mais encore sur sa volonté même. Par son vote au Congrès le parti socialiste dira s’il est un parti d’opposition républicaine ou si MM. Kouchner et Jouyet n’étaient au fond que ses éclaireurs de pointe dans sa conversion au libéralisme. Je me refuse à croire que le PS fera ainsi la courte échelle à M. Sarkozy !

Ce rappel vaut aussi pour M. Bayrou et pour les parlementaires du Modem. Vous aussi vous préconisiez un nouveau référendum il y a sept mois de cela. L’auriez-vous oublié. Vous dites « vouloir l’Europe ». Mais voulez-vous l’Europe contre la démocratie ? Et croyez-vous ainsi pouvoir un jour constituer un recours ?

Le Comité national pour le Référendum et bien d’autres forces se sont réunis pour rappeler aux électeurs et par conséquent aux parlementaires que le peuple français a la mémoire longue. Il se souviendra de ceux qui l’auront respecté mais aussi de ceux qui lui auront manqué !

J’ose enfin espérer que beaucoup de parlementaires de la majorité, en conscience, ne prendront pas part au vote. Car la question préjudicielle qui est posée dépasse les clivages habituels : elle est, en effet, celle de la démocratie elle-même. Et si les courageux n’étaient pas assez nombreux pour réunir les deux cinquièmes des suffrages exprimés, j’ose espérer encore que, comme en juillet 1940, ils seraient plus que 80 à s’opposer !



III – Le fond : la France diminuée et ligotée, la démocratie garrottée, le monde du travail livré au capital financier.

Et voilà que je suis obligé d’en venir au fond car, à travers le traité de Lisbonne, c’est de l’indépendance nationale, de la démocratie, de la prospérité et de l’avenir même de notre pays qu’il s’agit. Il n’y a en effet aucune des critiques faites au défunt projet de Constitution européenne qui ne puisse être faite au traité de Lisbonne.


D’abord une chose qui n’est jamais dite, mais qui est peut-être la plus importante : la France, à compter de 2014, va perdre 25 % de son poids par rapport à l’Allemagne par le fait de la prise en compte de la démographie dans les votes au Conseil. Et cela au mépris de l’engagement initial pris par le Chancelier Adenauer en 1951 vis-à-vis de Jean Monnet. Celui-ci lui déclarait le 4 avril 1951 : « Je suis autorisé à vous proposer que les rapports entre la France et l’Allemagne soient régis par le principe d’égalité au Conseil comme à l’Assemblée et dans les institutions européennes actuelles ou ultérieures, que la France y entre seule ou avec l’Union française, que l’Allemagne soit celle de l’Ouest ou qu’elle soit réunifiée … L’esprit de discrimination a été la cause des plus grands malheurs du monde. La Communauté est un effort pour le faire reculer ».

« Vous savez, lui répondit le Chancelier Adenauer, combien je suis attaché à l’égalité des droits pour mon pays dans l’avenir, et quelle condamnation je porte sur les entreprises de domination où il a été entraîné par le passé. Je suis heureux de donner mon plein accord à votre proposition, car je ne conçois pas de Communauté hors de l’égalité totale ». Ces propos figurent dans les Mémoires de Jean Monnet, aux éditions Fayard, pages 414 et 415.

Or cette égalité entre la France et l’Allemagne est dans l’intérêt de l’Europe elle-même. La relation franco-allemande est fondamentale. Mais pour aller de l’avant, elle doit être équilibrée. Car cette relation indispensable n’est pas aussi facile que le disent les faiseurs de chimères. Faut-il évoquer les relations industrielles ? Elles sont tapissées de conflits : Sanofi-Aventis, EADS, Siemens-Alstom, Galileo. La politique monétaire ? La politique budgtétaire ? Madame Merkel, peu après son arrivée à la Chancellerie, a déclaré vouloir « mettre l’Allemagne au sommet de l’Europe ». De son côté, M. Sarkozy, dans son discours de Strasbourg du 2 juillet dernier, nous conte maintes fariboles sur l’euro cher, le gouvernement économique de la zone euro ou sur la protection communautaire. Ces fariboles l’autorisent – croit-il – à proclamer : « La France est de retour ! ». En réalité, M. Sarkozy a lâché la proie pour l’ombre.

Ajouterai-je qu’à partir de 2014, la France pourra se voir privée de représentant à la Commission, en vertu du « principe de rotation strictement égalera entre les Etats » pour la désignation des Commissaires ? La France égale Malte ! Et tout cela, toutes ces réformes institutionnelles sous le fallacieux prétexte de sortir du traité de Nice pour adopter le fonctionnement des institutions européennes à l’Europe élargie à vingt-sept ! Mais si tout cela était vrai, on n’aurait pas remis à 2014 la pondération démographique des votes au Conseil. Ou alors faut-il croire qu’on a pris son parti de l’immobilisme pendant les six prochaines années et peut-être même jusqu’en 2017 ? L’hypocrisie triomphe : en réalité, le traité de Nice a bon dos : ses pires détracteurs sont paradoxalement ceux qui l’ont signé. Nos dirigeants n’ont pas osé s’appuyer sur le « non » du peuple français pour défendre ses intérêts légitimes. Tout cela a un nom : cela s’appelle le renoncement de la France.

Le traité de Lisbonne fait reculer la France et il fait reculer la démocratie. Les nouvelles compétences partagées définies par les articles 3 à 6 le sont inégalement. Il est clairement énoncé qu’en ces domaines, très nombreux et importants, les Etats membres exercent leurs compétences quand l’Union a cessé d’exercer les siennes ou a décidé de ne plus les exercer. D’immenses domaines relèveront désormais de deux instances oligarchiques : la Commission à laquelle nous abandonnerons plus encore le droit d’initiative et la Cour de Justice chargée d’interpréter la Charte des droits fondamentaux, au détriment pour l’essentiel du Parlement français.

Dans quarante nouveaux domaines, le vote au Conseil interviendra à la majorité qualifiée et sera couvert par l’illusoire co-décision d’un Parlement fantôme, dépourvu de légitimité, en l’absence d’un peuple européen.


Avec la démocratie, ce sont les droits des travailleurs qui reculent. La logique du capitalisme financier aujourd’hui dominant dans le système de la globalisation est naturellement contraire à l’intérêt des peuples européens. La mise en concurrence des territoires et des mains d’œuvre qui est le cœur de la philosophie des traités européens à l’intérieur comme vis-à-vis des pays tiers, entraîne délocalisations, chômage, stagnation des salaires et du pouvoir d’achat, démantèlement de la protection sociale. En échange de toutes les concessions qu’il a faites, M. Sarkozy n’a rien obtenu à Lisbonne.

Où a-t-il vu, comme il le déclarait à Strasbourg le 2 juillet dernier, que l’Europe à Lisbonne se soit donné « les moyens d’agir et de se protéger » ? « De ne pas accepter sa désindustrialisation, de ne pas rester les bras croisés devant les délocalisations, de lutter contre les dumpings, d’instaurer une préférence communautaire, de mettre en œuvre des politiques industrielles » ?

M. Sarkozy dit avoir fait la synthèse entre le « oui » et le « non », « en mettant l’euro au service de la croissance et de l’économie. » « Nous n’avons pas créé la deuxième monnaie du monde – je le cite – pour ne pas nous en servir ». Mais tout le monde peut constater que depuis que M. Sarkozy a été élu, l’euro s’est renchéri de dix centimes de dollars, passant de 1,38 à 1,48 dollar. Or que dit le traité de Lisbonne à ce sujet ? Rien de neuf s’agissant de la Banque Centrale européenne qui guerroie toujours - en toute indépendance - contre les moulins de l’inflation et maintient ses taux d’intérêt tandis que le Federal Reserve Board baisse les siens de manière répétée. Et l’Eurogroupe ? Le traité de Lisbonne, comme la Constitution européenne, le définit toujours comme « instance informelle », seulement habilitée à « discuter » -je cite- les questions relatives à la monnaie unique qui n’incombent pas à la Banque Centrale, c’est-à-dire sur rien. Là est la vraie, l’immense contradiction du Président Sarkozy, le volontarisme en bandoulière mais pieds et poings liés par un traité de Lisbonne dont je me demande s’il l’a jamais lu. A vrai dire, je ne me le demande pas : il est illisible. Ainsi le désastre social est-il à l’horizon !


Pour tous ceux qui se font une certaine idée de la France, enracinés dans la certitude maintes fois vérifiée qu’elle est presque par nature dressée contre toute hégémonie, parce qu’elle s’appelle liberté, comment le traité de Lisbonne ne les ferait-il pas frémir ? Il faudrait donc qu’avant toute initiative sur la scène internationale - article 17 bis - la France consulte le Conseil Européen ou le Conseil des ministres des Affaires Etrangères présidé par le « Haut représentant » de l’Union pour la politique étrangère et de sécurité ? De même - article 19 - faudrait-il demander au Conseil de Sécurité de l’ONU l’audition du « Haut représentant » avant que la France fasse connaître sa position ?

Ainsi corsetée, notre diplomatie serait réduite au silence ! Imagine-t-on qu’en 2003, par exemple, ligotée dans l’Europe à vingt-sept par de telles obligations, la France eût pu faire connaître son opposition à l’invasion de l’Irak ? Non, évidemment la France n’aurait pas pu aller ainsi, à la fois contre les Etats-Unis et contre l’Union européenne. A quoi riment donc ces dispositions, sinon à faire taire la voix de la France ? C’est de cela dont les Etats-Unis ont besoin : d’une Europe soumise et d’une France réduite au silence. Et c’est cela que M. Sarkozy accorde à l’Hyperpuissance, non pas seulement un alignement de principe, toujours réversible dans un pays démocratique mais beaucoup plus que cela : c’est l’assurance d’un acquiescement automatique de l’Union européenne à toutes les décisions américaines dans un monde que les Etats-Unis ne peuvent plus dominer seuls. Soyons clairs : dans l’Europe de Lisbonne, il n’y aura plus de place pour la voix d’une France libre et indépendante. Si les Etats-Unis décident demain de frapper l’Iran, l’Union européenne bénira !

Lisons plus avant le traité de Lisbonne, article 23 : la défense européenne n’existera que « conforme aux engagements souscrits dans le cadre de l’OTAN par les pays qui en sont membres et qui ont choisi d’en faire le cadre d’élaboration de leur défense et l’instance de sa mise en œuvre ». Ce texte a au moins un mérite : il est cohérent avec le souhait formulé par M. Sarkozy de faire réintégrer par la France les structures militaires de l’OTAN, dont le général de Gaulle nous avait fait sortir en 1964.

Or, la France a-t-elle moins besoin aujourd’hui qu’hier d’une défense indépendante, dans un monde devenu multipolaire et pas simplement bipolaire ? Certainement pas ! Plus que jamais nous avons besoin de ne pas nous laisser entraîner dans des guerres qui ne seraient pas les nôtres. Evidemment tout cela ne rime pas avec la diplomatie de l’ingérence, soi-disant humanitaire mais si souvent inhumanitaire. Et comme on n’a jamais vu les faibles s’ingérer dans les affaires des forts, nous voici mis à la remorque de l’Hyperpuissance. M. Sarkozy pendant la campagne nous a beaucoup parlé de Guy Mocquet, ce héros de la Résistance, mais c’était pour nous faire oublier de Gaulle et pour nous faire découvrir l’Amérique, ou plutôt l’Euramérique, bref l’Europe des Etats-Unis à laquelle rêvent depuis si longtemps nos élites fatiguées.


Voilà donc le traité de Lisbonne : la France diminuée, ligotée, la démocratie garrottée, le monde du travail livré sans défense au capital financier. Ce destin est-il fatal ? L’Europe précipitée au siècle dernier de son piédestal, est-elle vouée à un déclin irrémédiable que ne camouflera pas longtemps une servitude volontaire ?

Car le vent de la révolte se lèvera ! C’est pourquoi, aujourd’hui, il faut qu’il y ait une résistance ! C’est pourquoi il est important que des républicains unissent leurs forces par-delà les sectarismes pour dire non à la Constitution bis, non à l’esbroufe, non à ceux qui veulent bafouer la démocratie.

Ce n’est pas avec le traité de Lisbonne que nous ouvrirons la voie d’une France libre et juste, pour construire une Europe européenne, c’est-à-dire indépendante. En gardant la confiance du peuple, nous bâtirons au contraire un recours républicain. D’autres configurations apparaîtront en France et en Europe. C’est avec notre volonté que nous bâtirons ces nouvelles configurations au service d’une Europe européenne, avec la confiance retrouvée du peuple dans son destin, dans la démocratie et dans les destinées de la France, avec la République ! Rien n’est réglé ! Tout commence !


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Dimanche 2 Décembre 2007 à 18:57 | Lu 10068 fois



1.Posté par thierry delbos le 02/12/2007 19:40
excellent, bravossimo JPC!

le combat commence!

Vive la République!

2.Posté par jc le 02/12/2007 21:46
super ce rassemblement. NDA et JPC esemble aux européennes!
http://resistancegaulliste.hautetfort.com/

3.Posté par Hélène le 02/12/2007 22:04
Magnifique discours, qui nous entraîne vers ce que nous avons connu, il y a quelques années encore,
la hauteur qu'on pris les hommes d'état.

4.Posté par Jacques Kotoujansky le 03/12/2007 00:44
Bravo pour ce discours républicain, gaulliste, social et tout simplement français, c'est-à-dire libre et indépendant ! Allez de l'avant, Monsieur Chevènement, avec tous ceux qui se joignent à vous, et l'on vous suivra, de plus en plus nombreux, le peuple vous suivra, on perçoit bien qu'il y est prêt.
Vive la République, vive la France !

5.Posté par Claire Strime le 03/12/2007 08:37
Le peuple vénézuélien vient de choisir, à une très courte majorité, de repousser une réforme constitutionnelle et son Président reconnaît le résultat (curieux "dictateur" reconnaissant le verdict des urnes et qui a la majorité des médias contre lui).

Les principes du suffrage universel doivent ils être partagés des 2 côtés de l'Atlantique?

6.Posté par MEKHANTAR Joël le 03/12/2007 17:35
De la part de
Joël MEKHANTAR
Professeur de droit public

Traité de Lisbonne : sans une improbable saisine
du Conseil constitutionnel, tout sera très vite fini !


Dans son intervention du 2 décembre 2007 lors de la réunion publique organisée avec Nicolas Dupont-Aignan pour demander un référendum sur le Traité modificatif européen, Jean-Pierre Chevènement a semblé présupposer que le Conseil constitutionnel serait saisi. Faisant référence au précédent Traité constitutionnel, il a ainsi affirmé qu’ « Il est fort à prévoir que pour les mêmes raisons que précédemment, le Conseil demandera la révision de la Constitution afin d'autoriser la ratification du traité de Lisbonne ».

Le chef de l’État a, sans doute, un devoir moral de saisir le Conseil constitutionnel pour avoir l'autorisation de ratifier le Traité. Cependant, en droit, la Constitution ne lui impose pas cette saisine. En effet, l'article 54 de la Constitution se contente de disposer : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs , a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution ». Ces dispositions font de la saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République une simple hypothèse ici bien improbable.

Sauf à être mal conseillé, Nicolas Sarkozy ne devrait pas prendre un tel risque sur le Traité de Lisbonne. Par conséquent, dès la signature de ce Traité modificatif, le 13 décembre 2007, et sauf saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou soixante sénateurs, le Président de la République pourrait soumettre ce Traité à ratification parlementaire en application de l'article 53 de la Constitution. De cette façon, comme il s'y est engagé à Lisbonne au mois d'octobre dernier, la France pourrait être le premier État à ratifier ce Traité modificatif qui est pourtant à plus de 90% un Traité confirmatif du Traité constitutionnel rejeté par le Peuple !

Il s'en est fallu de peu pour que cette ratification n’apparaisse comme le cadeau de Santa Klaus pour la Saint Nicolas le 6 décembre 2007 ! Néanmoins, le Traité pourrait fort bien ne pas attendre jusqu’au 25 décembre pour être ratifié et déposé au pied du sapin de Noël.

Voilà un bien triste cadeau pour la souveraineté du Peuple !

De fameux précédents confortent la thèse d’une absence de saisine présidentielle du Conseil constitutionnel. Ainsi, le Président François Mitterrand n'avait pas saisi le Conseil constitutionnel préalablement à la ratification de l'Acte unique européen lors de la première cohabitation. De même, le Président Chirac n'avait pas saisi le Conseil constitutionnel avant la ratification du Traité de Nice.

Dans sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy élu depuis par 53% des Français, s’était engagé à une ratification parlementaire du nouveau Traité. Sa rivale, à la même époque, avait promis un référendum. Aux 15 449 508 citoyens qui ont rejeté le Traité constitutionnel le 29 mai 2005, font désormais écho les 18 983 138 citoyens qui, le 6 mai 2007, ont élu Nicolas Sarkozy à la présidence de la République.

En octobre 2007, lors de la Conférence intergouvernementale de Lisbonne, Nicolas Sarkozy a bien précisé que la France ratifierait ce nouveau Traité avant la fin de l'année 2007. Rien de très sérieux, ni de très construit, ne semble devoir venir contrarier ce calendrier pourtant très serré.

Aussi, effectuer un décompte des voix sur un hypothétique Congrès d'approbation de la révision de la Constitution est, à ce jour, à la fois prématuré et irréaliste tant que rien ne permet d’affirmer que le Conseil constitutionnel sera effectivement saisi. À défaut d’une improbable saisine présidentielle, il faudrait plutôt s’atteler d’urgence à réunir soixante députés ou soixante sénateurs pour saisir le Conseil constitutionnel dès le 13 décembre 2007, comme le permet aussi l’article 54 de la Constitution depuis la révision concomitante au Traité de Maastricht.

Or à moins de dix jours de la signature du Traité de Lisbonne, sans vouloir casser l’ambiance des beaux discours républicains enflammés, force est de constater que le compte n’y est pas !

En effet, qui, à l'Assemblée nationale, en dehors des députés communistes, de Christian Hutin (MRC), de Bernard Dolez (PS) et de Nicolas Dupont-Aignan va bien vouloir saisir le Conseil constitutionnel ? Certainement pas les socialistes qui, même pour ceux qui ne siègent pas au Gouvernement, souhaitent tourner la page du Traité constitutionnel comme l’a très bien montré le Bureau national du PS réuni le 6 novembre 2007.

Au Sénat, quel sénateur, en dehors des communistes, de Jean-Luc Mélenchon et d’une poignée de gaullistes souverainistes pourrait bien se lancer dans ce combat à quelques jours de la trêve des confiseurs ?

Nous sommes donc bien loin des soixante signatures exigées par la Constitution !

Une saisine du Conseil constitutionnel par des parlementaires attachés à une certaine conception de la démocratie reste pourtant le seul et ultime recours pour conserver une chance de faire respecter la volonté du Peuple souverain.

Où est la gauche parlementaire si celle-ci se cache en rasant les murs pour ne pas avoir à défendre la souveraineté du Peuple ? Au-delà des discours, aucune ébauche de frémissement n’est aujourd’hui perceptible à gauche. Quel député, quel parlementaire en dehors de ceux déjà cités s’engageront-ils dès le 13 décembre à saisir le Conseil constitutionnel ? Qu'ils se fassent connaître ! Autant crier dans le désert !

À défaut, la République telle que nous la connaissons aura vécu. La ratification parlementaire du Traité de Lisbonne ouvrira, sans même qu’il n’y ait de modification préalable de notre Constitution, la page très incertaine d'une marche forcée vers une Europe fédérale décidée sans, si ce n’est contre, le Peuple souverain.

En dernière analyse, ce nouvel épisode de la construction européenne souligne toutes les carences démocratiques des institutions vermoulues de la Ve République. Contrairement à 2005, nous ne sommes déjà plus considérés comme des citoyens capables de décider directement par nous-mêmes de l’avenir européen de la France.

Ce caractère antidémocratique et antisocial des institutions de la Ve République est désormais bien établi sans que les propositions d’un énième Comité Théodule n’y puissent rien changer.

En revenant sur le référendum du 29 mai 2005, la Ve République passe impunément du coup d’État permanent au coup d’État perpétuel !

À quand une Convention nationale constituante pour construire pacifiquement cette Démocratie citoyenne à la hauteur du message universel dont la France, par le génie de son Peuple, a toujours été porteuse au cours de son Histoire ? La question mérite d'être posée aux citoyens autant sinon plus qu'aux partis politiques dans ce pays où il n'y a plus vraiment d'opposition.


7.Posté par Claire Strime le 03/12/2007 18:35
Les arguments juridiques me manquent pour contester les analyses de JM.
Cependant j'oserais un parallèle avec la loi Savary en 1984; juridiquement rien n'obligeait Mitterrand à revenir sur un vote du Parlement (et en votant pour un président socialiste le 10 mai 1981 les électeurs savaient que la gauche voulait abolir l'école privée).

En votant pour Sarkozy le 6 mai dernier, par contre les électeurs ne savaient pas qu'il reprendrait entièrement le contenu du TCE contre lequel les peuples français et hollandais s'étaient prononcé. Il avait annoncé un "minitraité" "technique", ce que n'est pas le traité de Lisbonne.
Il serait par ailleurs difficile de dire que la décision finale de Mitterrand n'était pas sage car elle mettait fin à un sujet de discorde interne insoluble pacifiquement.
Garant de l'unité du peuple français, une lourde pression morale repose sur le nouveau président de la République. Certes formellement sa reddition de comptes n'interviendra qu'en 2012...

8.Posté par anonyme gaulliste le 03/12/2007 22:15
Bravo à Vous et que le combat continu!!!

Battons nous pour le Peuple Français

9.Posté par MEKHANTAR Joël le 03/12/2007 23:02
Bonjour Claire Strime.

Le titre un peu provocateur de mon précédent papier ne signifie évidemment pas que je défende la ratification parlementaire du TME, bien au contraire ! L'Europe (pourquoi limiter la question à l'Europe ?) et plus généralement nos espaces politiques, sur cette terre de plus en plus petite, doivent se construire avec et non pas contre les citoyens.

L'objet était de faire prendre conscience de l'urgence stratégique de la saisine parlementaire du Conseil constitutionnel sur le TME sans nourrir trop d'espoirs sur une improbable saisine présidentielle de cette instance.

Certes, comme vous l'indiquez, personne ne savait avant ni même encore le 6 mai 2007 que Nicolas Sarkozy reprendrait le TCE sous une forme plus illisible selon les mots de M. Giscard d'Estaing (il fallait tout de même le faire !). Nous l'avons, pour beaucoup d'entre nous, découvert le 21 et 22 juin, au moment du mandat donné par le Conseil européen de Bruxelles en vue de la CIG qui a travaillé avec des juristes pour rédiger le TME.

D'ailleurs, est-ce qu'en ce début du mois de décembre 2007, à part les initiés, les Français savent davantage que le TME est, dans son contenu, la copie conforme du TCE, en pire (notamment sur le nombre de domaines où les décisions passeront à la majorité qualifiée) ?

On peut légitimement en douter en interrogeant ses amis, sa famille, ses proches. Les Français risquent fort de se réveiller bien trop tard sans avoir compris que la ratification du TME ne serait pas seulement faite sans eux mais aussi et surtout contre eux dans de nombreux domaines.

Alors, il faut aller très vite et se concentrer sur l'essentiel dans les tous prochains jours.

Signer la pétition du CNR bien sûr mais pas seulement, diffuser ses affiches, organiser des débats.... etc....

Cependant, au-delà de cette nécessaire agitation des consciences civiques, la bataille urgente à mener pour arracher le référendum est bien d'abord de rassembler 60 députés ou 60 sénateurs pour saisir le Conseil constitutionnel et tenter enfin sérieusement de bloquer ce processus pendant qu'il est encore temps.

Dans le cas où le Conseil serait saisi, et dans ce cas seulement, la mère des batailles qu'il faudra ensuite livrer sera celle de la révision constitutionnelle que le Conseil risquerait, (seulement s'il est saisi !) d'imposer. Il sera toujours temps d'en reparler.

En revanche, s'il n'y a pas de saisine du Conseil constitutionnel, la messe sera dite. Il n'y aura pas de révision constitutionnelle préalable sur ce point et la ratification du Traité aura bel et bien lieu avant Noël, par la voie parlementaire (art. 53 de la Constitution) comme Nicolas Sarkozy l'a annoncé.

Dans ce cas, contrairement à ce que croient beaucoup de gens qui confondent approbation de la révision constitutionnelle et ratification du TME, il ne sera pas question d'une ratification à une majorité des 3/5e ; il suffira d'une majorité simple sur une loi de ratification votée en termes identiques par les deux chambres comme il s'en vote des dizaines chaque année (notamment en matière fiscale).

Tout cela signifie que sans la saisine du Conseil constitutionnel, quelques dizaines de parlementaires pourront ainsi, en votant la ratification parlementaire du TME, prendre la responsabilité terrible de se mettre en travers de près de 41 millions d'électeurs inscrits !

Telle est aujourd'hui la logique de la Démocratie dite représentative... Comment ne pas souhaiter, au contraire, l'avènement d'une Démocratie citoyenne, enfin respectueuse de la souveraineté du Peuple ? Sommes-nous condamnés aux schémas de la pensée du XVIIIe siècle en matière politique ? Les progrès ne doivent-ils pas aussi se faire dans ce domaine qui impose de repenser la démocratie autrement que sous sa seule forme représentative ?

Evidemment tout cela suppose un minimum d'éducation et d'instruction civique à une époque où l'on semble plus préoccupé par fabriquer des consommateurs et des clients que de véritables citoyens, capables de raisonner par eux-mêmes et de décider en conscience, dans l'intérêt général, des affaires publiques.

En attendant, il faut bien faire avec les moyens du bord. Le temps presse. Il n'y a pas une seule minute à perdre pour convaincre vos députés et vos sénateurs afin qu'ils saisissent à raison de 60 députés ou 60 sénateurs le Conseil constitutionnel dès le 13 décembre 2007, date de la signature officielle du TME.

Même si les parlementaires ne sont pas toujours très qualifiés juridiquement, il leur suffit de formuler leur requête en termes très simples et sur papier libre en demandant au Conseil d’examiner la constitutionnalité du TME (dont le texte est accessible en version officielle sur le site de la présidence portugaise de l'Union européenne à cette adresse : : http://www.consilium.europa.eu/cms3_fo/showPage.asp?lang=fr&id=1317&mode=g&name et en version non officielle consolidée sur le site de l'Institut d'études européennes de l'Université libre de Bruxelles : http://www.iee-ulb.eu/research/publications/ .

En effet, contrairement au Conseil d'Etat qui ne statue pas ultre petita, le Conseil constitutionnel examinera la totalité du TME pour vérifier non seulement qu'il n'est pas contraire à la Constitution, mais encore qu'il ne porte pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ou qu'il ne remet pas en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis (cf Conseil constitutionnel, décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992, dite Maastricht I).

Je n'ai évidemment pas la place ici pour développer en quoi le TME est très probablement contraire à la Constitution de la Ve République. Si le Conseil constitutionnel était saisi, il faudrait procéder à la révision qu'il imposerait au cas où la France voudrait ratifier ce TME. (Mais la France peut aussi très librement ne pas ratifier un Traité déclaré contraire à sa Constitution si elle ne veut pas la changer sur les points litigieux).

Parmi les nombreux moyens d’inconstitutionnalité, sans entrer dans la technique, il suffit d'invoquer la question des "clauses passerelles" qui ont été maintenues dans le TME (contrairement à ce qu'interdisait la décision 2004-505 DC du 19 novembre 2004 rendue sur le TCE). Ces clauses permettent de faire entrer (sans de nouvelles modifications du TME et donc sans possibilité d'un nouveau contrôle du Conseil constitutionnel) certaines compétences dans des domaines où les décisions prises dans le Traité à l'unanimité (donc avec l'accord de la France) pourraient ensuite , sur décision des instances de l'Union, être prises à la majorité qualifiée (donc sans accord nécessaire de la France).

On peut également évoquer l'article 88-1 al. 2 de notre Constitution qui prévoit toujours, en décembre 2007, que la République peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le Traité établissant une Constitution pour l'Europe, lequel Traité a pourtant été rejeté par le Peuple souverain depuis le 29 mai 2005 !

C'est dire dans quelle estime les institutions de la Ve République tiennent le Peuple !

Si la gauche n'est plus capable de trouver 60 députés ou 60 sénateurs pour tenter de faire enfin respecter cette souveraineté du Peuple, on se demande bien comment elle pourra arracher ce référendum que pourtant plus de 70% des Français réclament d'après les plus récents sondages.

Quelle serait la lisibilité d'une opposition de gauche totalement coupée des citoyens sur cette question ? Mais y-a-t-il encore une opposition audible dans ce pays ?

Pour terminer, je suis d'accord avec vous pour dire que s'il n'y a aucune obligation constitutionnelle, il y a bien un devoir moral de saisir le Conseil constitutionnel et d'organiser un référendum dans la mesure où ce prétendu "nouveau" TME est très proche, par son contenu, de l’ancien TCE qu'il ne simplifie pas !

Mais (et cet exemple de la construction européenne n'en est qu'un parmi beaucoup d'autres) que vaut la morale en politique ? D'ailleurs, nous verrons bien dans les tous prochains jours les positions des uns et des autres sur ces questions.

Constitutionnellement, il reste que les parlementaires peuvent aussi prendre l'initiative de proposer un référendum de ratification du TME sur le fondement de l'article 11 de la Constitution mais cela est extrêmement difficile pour être envisagé. Il faudrait non seulement une proposition conjointe des deux assemblées mais il faudrait surtout automatiquement passer par le Président de la République qui seul peut soumettre un texte (projet ou proposition) au référendum.

En revanche, la saisine du Conseil constitutionnel sur le TME est ouverte sans la moindre difficulté aux parlementaires depuis la révision liée à l'approbation du Traité de Maastricht.

Cependant et c'est bien toute la question cruciale que je pose pour la suite de la mobilisation : existe-t-il encore 60 députés ou 60 sénateurs dans le Parlement de la République pour résister et tenter de faire valoir auprès du Conseil constitutionnel les droits constitutionnels fondamentaux des citoyens à se prononcer directement sur les questions touchant à la Constitution ou aux Traités et conventions sur l'organisation internationale ?

Cette question qui se pose ici avec le TME pourrait l'être à bien d'autres institutions qui, comme la BCE, l'OMC, etc... , ont des incidences sur les institutions et sur les droits et libertés des citoyens.

On peut toujours espérer. Le pire n'est jamais certain ! Tel était l'unique objet de ce papier. Puissent les éventuels parlementaires qui le liront s'activer pour permettre aux citoyens de ne pas passer aux oubliettes de cette République des illusions !



10.Posté par Claire Strime le 04/12/2007 09:23
JM, vous m'avez convaincue, la bataille semènera sur tous les terrains y compris constitutionnel. Par ailleurs la démocratie représentative se déroule dans d'autres conditions matérielles qu'en 1792 et il n'est point toujuours besoin d'effectuer une journée de cheval pour transmettre ses observations aux représentants de la Nation. Il y a internet, les méls, les blogs...et le copier-coller (ça va assez vite si l'on souhaite que les honorables parlementaires disposent d'une analyse juridique conséquente).

Enfin il faut rappeler que le ministre de l'intérieur Sarkozy avait respecté le résultat des référendums consultatifs par lui organisés aux Antilles et en Corse en 2003 (à propos de la fusion des régions et départements, ce qui engageait quand même moins l'avenir de la Nation que la ratification du TCE-TME). Donc a priori M.Sarkozy, Président, connaît le poids du suffrage universel une fois exprimé.

11.Posté par Pierrette le 04/12/2007 09:46
Le 14 décembre 2007 sonnera le glas de notre démocratie française et sera de fait le premier jour de l'ombre...

12.Posté par Zébulon le 04/12/2007 19:28
Bonsoir à vous,

Il est bien gentil, monsieur le professeur de droit constit, mais:

“Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République etc…”

N’a pas du tout la même signification que:

“Si le Conseil constitutionnel EST saisi par le Président de la République etc…”

Autrement dit la condition (le “SI” du début de l’art 54) porte non sur la saisine mais sur le contenu de l’avis du Conseil. Au contraire, et en bon français le verbe “SAISI” a ici valeur totalement impérative!
Et que ce vieux roublard de Mitterrand ou un autre se soit essuyé les pieds sur la constitution n’y change rien. Cela ne fait qu’apporter une preuve supplémentaire du cynisme de nos dirigeants.

13.Posté par Instit le 04/12/2007 20:53
Joel Mekhantar a dit une chose : l'article 54 n'oblige pas Sarkozy à saisir le Conseil Constitutionnel.

Si l'interprétation de Zébulon est la bonne, " SAISI " a une valeur impérative. Admettons.

Dans ce cas, nous devons relire l'article 54 : " Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le
Premier ministre, par le Président de l’une ou l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution. "

Donc, ça impliquerait que, A CHAQUE ENGAGEMENT INTERNATIONAL, le Conseil Constitutionnel doit être saisi impérativement.


14.Posté par MEKHANTAR Joël le 04/12/2007 22:01
Non malheureusement Zébulon, et je le déplore autant que vous, la rédaction de l'article 54 de la Constitution n'impose pas la saisine du Conseil constitutionnel.

Il y a chaque année, en dehors des engagements internationaux relatifs à la construction européenne, des dizaines de conventions internationales, notamment en matière fiscale, pour lesquelles il n'y a aucune saisine du Conseil constitutionnel. Si le Président de la République saisissait le Conseil constitutionnel à chaque convention internationale en se croyant à tort lié par l'interprétation zébulonesque de l'article 54 de la Constitution, il ne ferait que cela !

Sans doute serait il utile, d'imposer la saisine obligatoire du Conseil constitutionnel préalablement à tout Traité concernant l'organisation internationale. Tel n'est pourtant pas le cas en droit positif.

Avant la révision relative à Maastricht, la situation était encore plus choquante dans la mesure où les parlementaires n'avaient même pas ce droit de saisine en matière internationale.

Il a fallu attendre l'article 2 de la loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 pour que soit ouvert ce nouveau droit de saisine à 60 députés ou 60 sénateurs.

Il serait bien que nos parlementaires qui se disent évidemment soucieux de la démocratie profitent de ce droit de saisine pour permettre au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la constitutionnalité du TME.

Sans cette saisine du Conseil constitutionnel sur le TME, tout le monde pourra bien crier à l'inconstitutionnalité, à l'illégitimité, au coup d'Etat, etc... il n'en demeurera pas moins que juridiquement, ces cris se perdront dans le désert ! Comme dit le proverbe, les chiens aboient et la caravane passe ! Ceci étant, nous ne sommes pas des chiens et il serait temps de mettre la caravane sur la voie de la démocratie !

En attendant, le Président de la République ne manquera pas de s'appuyer tant sur la rédaction de l'article 54 de la Constitution interprété par le Conseil constitutionnel que sur les précédents relatifs à l'Acte Unique (Président Mitterrand) ou au Traité de Nice (Président Chirac) pour ne pas saisir le Conseil constitutionel. Il pourra en outre facilement répondre aux parlementaires qui le critiqueront en leur rappelant qu'ils disposent eux-mêmes de ce nouveau droit de saisine à condition de se regrouper à 60 députés ou 60 sénateurs.

C'est pourquoi, il m'a semblé utile d'alerter les responsables et les citoyens qui se bercent un peu trop d'illusions sur une hypothétique saisine présidentielle. Ils en feront bien ce qu'ils en veulent mais ils ne devront pas venir pleurer si le 13 ou 14 décembre le manège enchanté du légitime espoir référendaire s'arrête brusquement de tourner !

Mieux vaut mettre tout de suite tous les atouts du côté du référendum en allant convaincre les parlementaires d'utiliser leur droit de saisine. Ce n'est tout de même pas bien compliqué de trouver 60 députés ou/et 60 sénateurs pour s'assurer que le Conseil constitutionnel sera saisi !

Y a-t-il encore des parlementaires soucieux du Peuple souverain dans le Parlement de la République ?

Bien à vous.
JM

15.Posté par Claire Strime le 05/12/2007 17:37
Un parlementaire de +, susceptible de signer le recours et/ou voter contre Sarkozy?:
"Le secrétaire général de l'UMP Patrick Devedjian a annoncé aujourd'hui dans un communiqué "la suspension immédiate" du député UMP de l'Hérault, Jean-Pierre Grand, en attendant que soit saisi le bureau politique.
Jean-Pierre Grand (villepiniste), avait été menacé d'exclusion de l'UMP après ses critiques des propos de Nicolas Sarkozy sur la colonisation, et après avoir dit en octobre dernier qu'il était "plutôt tenté de soutenir" aux municipales de Montpellier la maire (PS) sortant Hélène Mandroux.
Source : AFP"


16.Posté par la fourmi rouge le 05/12/2007 23:13
non, il est sur les mêmes bases que Villepin.
Cet homme en a assez de la médiocrité ambiante des élus UMP de l'Hérault.

17.Posté par Claire Strime le 06/12/2007 09:37
Il me semblait que Villepin avait de très bonnes raisons personnelles d'aller jusqu'au bout de sa rupture avec Sarkozy...Et puis sur un plan plus politique tout le monde n'aura pas sa part de l'héritage gaulliste. Y a-t-il encore des élites capables de réfléchir autrement qu'à la petite semaine?

18.Posté par Anne-Marie Le Pourhiet le 06/12/2007 13:04
Le président de la République est condamné à faire réviser la Constitution puisque l'article 88-1 de celle-ci, issu de la révision effectuée en 2005, prévoit que "la République peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le Traité établissant une constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004". Il faut donc remplacer la référence au TCE par une autre visant le traité de Lisbonne;
Pour votre information, le projet de révision constitutionnelle est déjà devant le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel sera saisi dès le lendemain de la signature.
Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit constitutionnel

19.Posté par Instit le 06/12/2007 20:28
Un professeur de droit constitutionnel, Joel Mekhantar, dit :

« L'article 54 de la Constitution se contente de disposer : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution ». Ces dispositions font de la saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République une simple hypothèse ici bien improbable. Sauf à être mal conseillé, Nicolas Sarkozy ne devrait pas prendre un tel risque sur le Traité de Lisbonne. Par conséquent, dès la signature de ce Traité modificatif, le 13 décembre 2007, et sauf saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou soixante sénateurs, le Président de la République pourrait soumettre ce Traité à ratification parlementaire en application de l'article 53 de la Constitution. »

Une autre prof de droit constitutionnel, Anne-Marie Le Pourhiet, dit :

« Le président de la République est condamné à faire réviser la Constitution puisque l'article 88-1 de celle-ci, issu de la révision effectuée en 2005, prévoit que "la République peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le Traité établissant une constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004". Il faut donc remplacer la référence au TCE par une autre visant le traité de Lisbonne. Pour votre information, le projet de révision constitutionnelle est déjà devant le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel sera saisi dès le lendemain de la signature. »

Un troisième prof de droit constitutionnel pourrait-il me dire ce qui va VRAIMENT se passer après le 13 décembre ?

Merci.

20.Posté par Anne-Marie Le Pourhiet le 07/12/2007 14:05
Après le 13 décembre le Conseil constitutionnel saisi va dire que le traité est contraire à la Constitution et que sa ratification nécessite donc une révision de la Constitution. Le projet de révision (déjà préparé et actuellement soumis pour avis au Conseil d'Etat) devra d'abord être approuvé par les deux chambres séparément. Ensuite il sera soumis au parlement réuni en Congrès qui ne pourra l'adopter qu'à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Comme on ne sait pas combien il y aura de présents, d'abstentions, de votes blancs ou nuls on ne peut pas évaluer de façon certaine le nombre de votes négatifs qu'il faudrait pour refuser la révision. Si celle-ci est adoptée, ce qui est fort probable, le projet de loi autorisant la ratifiaction du traité sera alors soumis au parlement (puisque M. Sarkozy refuse le référendum que nous demandons). Une saisine du Conseil constitutionnel par 60 députés ou 60 sénateurs pourrait encore intervenir contre la loi de ratification mais ne servirait pas à grand-chose.
Ne chargeons pas les juges de sauver la démocratie et la souveraineté, ce n'est pas leur rôle, c'est aux élus du peuple de le faire.
Anne-Marie Le Pourhiet

21.Posté par Instit le 07/12/2007 16:18
" Après le 13 décembre le Conseil constitutionnel SAISI va dire que...."

C'est sûr qu'il va être saisi ?

Par qui va-t-il être saisi ?

Par Sarkozy ?

Par Fillon ?

Par Accoyer ?

Par Poncelet ?

Par 60 députés ?

Par 60 sénateurs ?

22.Posté par Anne-Marie Le Pourhiet le 08/12/2007 22:16
Il sera vraisemblablement saisi par le président de la République, puisque celui-ci ne délègue rien à personne et que c'est lui qui a pris la responsabilité de la renégociation... (mais rien n'empêche 60 députés ou sénateurs d'en faire autant parallèlement). Les décisions du Conseil constitutionnel se préparent à l'avance. Dès que le secrétariat général est informé qu'une saisine se prépare, les services se mettent au travail et recensent les arguments. Ceux des souverainistes leur arrivent comme les autres. Mais ici, la messe est dite. Nous savons que le traité sera jugé, comme son prédécesseur qu'il reprend, contraire à la Constitution et que le Conseil prescrira donc une révision constitutionnelle (c'est si évident que la révision pourrait d'ailleurs être entamée sans saisir le Conseil dont on sait à l'avance la réponse).
On peut toujours faire un rêve : que le Conseil fasse d'office une petite allusion à la similitude du TCE et du TME et qu'il juge "regrettable" que la loi référendaire soit ainsi ignorée. On peut espérer, sinon une jurisprudence à l'italienne, au moins une petite phrase de consolation...
Pr Anne-Marie Le Pourhiet

23.Posté par Claire Strime le 10/12/2007 13:27
Bien vu Mme Le Pourhiet...

"Après la signature du traité, le 13 décembre à Lisbonne par les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays membres, Nicolas Sarkozy "saisira dès le 14 décembre, comme il s'y était engagé, le conseil constitutionnel pour que le Parlement puisse ratifier le traité simplifié", a indiqué Mme Morano lors du point de presse hebdomadaire de l'UMP.
"La France s'honorera à être le premier pays à ratifier ce traité simplifié", a-t-elle ajouté.
A partir de vendredi, l'UMP organisera des "débats sur le traité en triplex de Bruxelles, Lisbonne, et Paris", a précisé la députée de Meurthe-et-Moselle. Elle a prévu une "forte mobilisation des fédérations et des parlementaires", avec diverses initiatives pour expliquer le traité.
Source: AFP"


24.Posté par Antoine le 10/12/2007 20:07
Ayant assisté à la réunion du 2 décembre, j'ai trouvé très bons les intervenants. J'ai beaucoup apprécié l'intervention de Mme Pourhiet, dont j'admire le courage et son engagement trop rare. Quelle tristesse et quelle rage de voir à quel point le système médiatique est totalement cadnassé sur la question.

La prochaine échéance est la réunion du 12 décembre à la Sorbonne et place St Michel avec PM Couteaux (http://www.pmcouteaux.org/). Quelque soit nos opinions politiques, il faut venir pour assurer une visibilité à la contestation. A mon sens, seul le rassemblement des souverainistes et républicains d'ou qu'ils viennent (et sans exclusion) peut laisser la chance de créer un mouvement d'opinion.

25.Posté par MEKHANTAR Joël le 12/12/2007 22:31
Vers la fin de la République à Versailles le 4 février 2008 ?

Bonjour,

Une bonne nouvelle, la République dans la forme où nous l’avons connue ne s’arrêtera pas d’ici à la fin de l’année 2007 mais bien le 4 février 2008 à Versailles, là où, d’une certaine façon elle avait commencé, il y a un peu plus de deux siècles.

Tout d’abord, avant d’y revenir, je voudrais répondre à Mme Le Pourhiet qui a indiqué sur gaullisme.fr que Nicolas Sarkozy, serait condamné à "réviser cette révision" (celle effectuée par le Congrès en février 2005 lorsque l’article 88-1 al. 2 a été introduit dans notre Constitution) pour remplacer la référence obsolète au TCE par la référence au traité de Lisbonne.

Hélas non ! et deux fois non ! Je n’ai pas « omis » de lire cet article 88-1 alinéa 2 que je connais bien et que, pour ma part, je n'ai pas découvert en 2007. Il m’avait conduit à attaquer au Conseil d’État, par un recours en excès de pouvoir assorti d’un référé suspension le décret présidentiel de Jacques Chirac car j’estimais qu’il ne pouvait faire adopter un tel article par la procédure du Congrès nonobstant l’article 89 alinéa 3 de la Constitution que je connais également.
(cf. : CE, Juge des référés, 28 février 2005, ordonnance n° 278048, M. Joël Mekhantar : http://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/referendum/2005/documents/278048.htm).

Sur la question soulevée de l’obligation de saisine du Conseil constitutionnel par Mme Le Pourhiet, il suffit de dire que le Président de la République va certainement saisir le Conseil constitutionnel et va aussi réviser la Constitution. Toutefois, Mme Le Pourhiet, professeur de droit public, sait parfaitement que le Président n’est soumis à aucune obligation en la matière, ni par l’article 54, ni même par l’article 88-1 alinéa 2 de la Constitution.

1°) En premier lieu, l’article 54 de la Constitution n’oblige pas le Président de la République à saisir le Conseil constitutionnel. Qu’il le fasse est une chose (et il semble bien qu’il le fera le 13 décembre), qu’il y soit tenu en est une autre.

L’article 54 de la Constitution se contente de prévoir que : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l’une ou l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution. »

Ces dispositions évoquent évidemment une possibilité de saisine mais non une obligation.

D’ailleurs, le Président Mitterrand n’avait pas jugé utile de saisir le Conseil constitutionnel ni préalablement (art. 54), ni après (art. 61) l’adoption (et avant promulgation) de la loi n° 86-1275 du 16 décembre 1986 autorisant la ratification de l'Acte unique européen. De même le Président Chirac n’avait pas davantage saisi le Conseil constitutionnel lors de la loi n° 2001-603 du 10 juillet 2001 autorisant la ratification du Traité de Nice.

Le Président Sarkozy peut saisir et saisira très probablement le Conseil constitutionnel avant d’engager la ratification du Traité modificatif européen (art. 54), il n’y est cependant pas obligé. Il peut aussi le saisir après adoption, (art. 61) dans le délai de promulgation sans y être également obligé.

Les seuls engagements pris directement par Nicolas Sarkozy sont connus. Il y en a deux. Le premier est celui d’une ratification du Traité par la loi parlementaire. Cet engagement a été pris lors de la campagne présidentielle. Il a été réaffirmé le 19 octobre 2007 à Lisbonne et confirmé en ces termes devant le Parlement européen à Strasbourg de 13 novembre : «J’ai été autorisé par le peuple français à faire ratifier le traité simplifié par le Parlement ». Le deuxième engagement est celui d’une ratification rapide. Dans sa conférence de presse de Lisbonne, le Président Sarkozy a précisément dit : «je souhaite que cette ratification puisse avoir lieu dans les délais les plus brefs possibles, c’est-à-dire au mois de décembre 2007 ». Il a ainsi contredit Jean-Pierre Jouyet qui dans un entretien accordé le 5 octobre dans La Croix avait dit à propos de cette ratification que « La France souhaite y procéder, par voie parlementaire, dès le premier trimestre 2008 ».

Par ailleurs, le Président de la République peut très bien passer par une révision de la Constitution sans même saisir le Conseil constitutionnel. Stratégiquement c’est pour lui la façon la plus habile d’acter la capitulation du droit de la République française. De cette façon, notre Constitution ferait définitivement allégeance aux institutions et au droit fort peu démocratiques d’une Europe supranationale confortée par le Traité de Lisbonne.

2°) En second lieu, l’article 88-1 alinéa 2 ne crée pas non plus d’obligation de saisine présidentielle du Conseil constitutionnel.

Je l’ai cru un certain temps aussi. Cet article prévoit que la République « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 ». L'expression "peut participer" traduit bien d’une simple possibilité par rapport à l'expression "participe" qui devait lui être substituée après ratification du TCE. Or, le Traité constitutionnel n’a jamais été ratifié dans les conditions lui permettant d’entrer en vigueur. Il ne le sera probablement jamais. La référence à ce Traité mort-né fait donc perdre tout caractère normatif à l’article 88-1 alinéa 2.

De plus, le moyen tiré d’une prétendue obligation d’abroger cet article est parfaitement inopérant à l’encontre d’une ratification concernant le nouveau Traité. « Pouvoir » participer à l’Union européenne dans les conditions fixées par un Traité mort-né n’empêche pas de « participer » effectivement à l’Union européenne dans les conditions fixées par un nouveau Traité même si, évidemment, en substance sinon dans la forme, ce nouveau Traité ne fait que confirmer (voire aggraver) ce qui existait dans le précédent (notamment avec l’augmentation du nombre de domaines passant à la majorité qualifiée et avec l’ « otanisation » inacceptable de la défense).

Au surplus, malgré le vote du 29 mai 2005, la suppression de l’article 88-1 alinéa 2, introduit dans la Constitution française depuis la révision approuvée au Congrès le 28 février 2005, ne présente plus le même caractère d’urgence en 2007. Cette abrogation de bon sens pourrait toujours avoir lieu dans un délai raisonnable, même après la ratification parlementaire du Traité de Lisbonne.

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Toutefois, toutes ces polémiques sont inutiles car les ambiguïtés et les incertitudes sont aujourd’hui levées.

Qu’il y ait saisine (avant, après ou pas du tout) du Conseil constitutionnel (et il semble que saisine il y aura, peut être dès le 13 décembre, jour de signature du TME, le Président Chirac avait saisi le Conseil le 29 octobre 2004, jour de signature du TCE), la révision de la Constitution sera en discussion le 14 janvier 2008 à l’Assemblée nationale et le 28 janvier 2008 au Sénat (http://www.lefigaro.fr/politique/2007/12/11/01002-20071211ARTFIG00385-marathon-legislatif-avantla-treve-des-municipales.php). Elle s’effectuera sans doute par un texte très simple se contentant de remplacer la référence au TCE par celle au Traité modificatif européen. L’objectif étant de réunir le Congrès à Versailles le 4 février 2008. Dès lors que ces données sont connues, il faut désormais se préparer, dans un combat très inégal, à défendre la République sur au moins deux fronts.

I. Le premier front à ouvrir consiste à dénoncer l’inconstitutionnalité du recours à la procédure d’approbation de cette révision par le Congrès en lieu et place du référendum constituant.

Le référendum doit rester le principe de toute révision constitutionnelle en application de l’article 89 al. 2 de la Constitution (nonobstant l’option ouverte par l’alinéa 3 de l’article 89 qui permet au Chef de l’État, en matière de projet, de choisir le Congrès pour les révisions de faible importance).

De ce point de vue, l’argumentaire que j’avais développé en 2005 devant le Conseil d’État à l’encontre du décret présidentiel convoquant le Congrès pour l’approbation du TCE conserve toute sa pertinence. Le Conseil d’État avait alors refusé de se prononcer, préférant déclarer son incompétence en se retranchant derrière la théorie dite des « actes de gouvernement ».

Le motif était que ce décret présidentiel touchait aux « relations entre les pouvoirs publics constitutionnels » (CE, Juge des référés, 28 février 2005, ordonnance n° 278048, M. Joël Mekhantar : http://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/referendum/2005/documents/278048.htm).

Certes, mais en touchant aux relations entre les pouvoirs publics constitutionnels, le décret présidentiel (comme celui qui sera pris pour convoquer le Congrès pour le 4 février prochain) mettait surtout gravement en cause mon droit de citoyen à me prononcer sur une révision majeure de la Constitution.

Le Conseil d’État aurait plus de mal aujourd’hui, en l’absence d’un référendum de ratification du Traité de Lisbonne, à justifier encore sa jurisprudence, surtout s’il était saisi par des recours pour excès de pouvoir assortis de recours en référé suspension, de la part de millions d’électeurs inscrits.

Avec les mêmes arguments que ceux utilisés en 2005, les citoyens inscrits sur les listes électorales sont en droit d’exiger de se prononcer directement sur cette révision constitutionnelle majeure. Les républicains sont donc condamnés à employer tous les moyens légaux pour faire tomber ce décret présidentiel lorsqu’il convoquera inconstitutionnellement le Parlement en Congrès afin d’exiger un référendum constituant. Il faudra le faire a fortiori si le Conseil constitutionnel saisi relève des points (et il y en a beaucoup) qui portent atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ou qui remettent en cause des droits et libertés constitutionnellement garantis.

On ne comprendrait pas que la révision constitutionnelle se contente de substituer à la référence au TCE celle d’un TME, sans le renégocier ou au moins exiger des clauses « opt-out » sur les points dont le Conseil constitutionnel pourrait dire qu’ils portent atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. (cf décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 pour les « clauses passerelles » du TCE qui ont fait leur réapparition dans le TME). Cela serait une remise en cause de l’autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel (si le Conseil est saisi et en juge ainsi comme il l’avait fait en 2004… selon des sources non confirmées, la décision du Conseil pourrait tomber dès le 20 décembre) parce qu’avant comme après la révision, ces atteintes ne disparaîtraient pas. Or en application de l'article 62 de la Constitution, toutes les autorités publiques sont tenues de respecter les décisions du Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, ce ne sont pas 545 honorables parlementaires (c’est-à-dire la majorité des 3/5e si les 908 réunis en Congrès votent) qui arrêteront 41 millions d’électeurs exigeant le respect de leur droit souverain de se prononcer directement, et sur la révision de la Constitution, et sur la ratification du Traité. C’est la raison pour laquelle j’avais souligné lors d’un dernier BN du MRC, cette double exigence référendaire (Il faut un référendum constituant d'approbation de la révision constitutionnelle, fondé sur l’article 89 alinéa 2 et si, et seulement si, cette révision est approuvée, il faut aussi un référendum législatif de ratification du Traité, fondé sur l’article 11 de la Constitution).

Lors d’un CN en 2004 alors que tout le monde, y compris à la direction de notre Mouvement, n'avait les yeux rivés que sur le référendum promis par le Président Chirac pour la ratification du TCE, j’avais jeté un froid en avertissant nos camarades du maintien de l’article 88-1 al. 2 dans notre Constitution, même en cas de vote « Non » (ce qui n'était, j'en conviens, pas très mobilisateur !). Comment ne pas penser alors que cet article 88-1 alinéa 2 était une sorte de bombe à retardement, volontairement laissée dans la Constitution dans l’attente que tous les Etats membres de l’Union aient ratifié le TCE ? Ce scénario catastrophe n’était pas complètement stupide. Ce plan B a bien été envisagé, au moins jusqu’en janvier 2007, lorsque les 18 États ayant ratifié le TCE se sont réunis à Madrid. Depuis, et avec l’élection présidentielle qui s’est fort mal déroulée en France (en raison de l’absence de signatures permettant à un candidat du Non républicain d’être présent à cette élection), on a réamorcé la bombe avec le TME.

Quoi qu’il en soit, ce qui doit faire bouger les militants d’un parti républicain et au-delà tous les républicains et les progressistes de ce pays, ce n’est pas seulement l’exigence référendaire sur un Traité concernant l’organisation internationale, c’est d’abord et avant tout l’exigence référendaire fondatrice : celle du pouvoir constituant.

II. Le deuxième front à ouvrir consistera donc à mettre chaque parlementaire devant ses responsabilités.

Ce front est ouvert par l’appel du CNR. A ce jour il n'y a que 49 députés et 32 sénateurs pour demander un référendum ! Un parlementaire, digne de la République ne peut que voter "non" à cette révision parce qu’elle conduit à déposséder le Peuple de sa souveraineté. De mon point de vue, cette question de la révision constitutionnelle est plus cruciale encore que celle de la ratification du Traité. Il faut bien comprendre et faire comprendre que si le Congrès est appelé à se prononcer le 4 février 2008, en lieu et place du Peuple, les parlementaires qui n’iront pas à Versailles, ceux qui s’y rendront pour s’abstenir ou pour voter « oui », se rendront complices, par action ou par omission, du coup de force consistant à exclure le Peuple de la ratification. Pire ! Ils contribueront à valider aussi la dépossession du pouvoir constituant par les pouvoirs constitués, bafouant d’un seul coup toute l’œuvre civilisatrice entreprise depuis la Révolution. On pense ici à Sieyès (voir V). La seule solution pour un parlementaire est d’aller à Versailles pour y voter « Non ».

III- Comment organiser la résistance pacifique citoyenne contre la dépossession de nos droits civiques fondamentaux ?

Le droit constitutionnel de résistance à l’oppression est proclamé à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, comme un droit naturel et imprescriptible. Il fonde, au-dessus de la Constitution, le devoir pour chaque citoyen de défendre ses droits fondamentaux. Sur le fondement de ce texte dont la valeur est incontestable, une résistance pacifique doit s’organiser pour obtenir un référendum constituant.

Une imposante marche silencieuse mais déterminée du Peuple souverain à Versailles — à l’image des rassemblements qui ont fait tomber bien des murs —, est peut-être le seul et ultime moyen de sauver la République le 4 février prochain pour obliger le pouvoir à reconsidérer, dans un sens démocratique, les questions de la révision et de la ratification.

Après tout, le Peuple français est encore capable de se mobiliser pacifiquement, pas seulement pour acclamer l’équipe de football de Zidane, mais aussi pour marquer son attachement à la préservation de ses droits civiques fondamentaux.

La force symbolique de milliers de citoyens entourant silencieusement le Château de Versailles dans une grande veillée républicaine dès la nuit du 3 au 4 février serait un message très fort adressé au pouvoir et au monde sur la réalité de ce que le Peuple français est toujours debout. Le renvoi massif des cartes d’électeurs de citoyens humiliés, si cette humiliation se confirme, comme le refus de participer aux prochaines échéances en est un autre.

Si le Peuple, désormais fictivement souverain, n’a plus le droit de décider directement des modifications de sa Constitution et si, en plus, son exclusion de la ratification d’un Traité, frère jumeau de celui qu’il avait souverainement rejeté en 2005, est effective alors il devient difficile de concevoir comment nous éviterons d’écrire le mot « fin » à l’histoire de la République telle que nous la connaissons.

IV Comment ne pas remettre en cause ce système foncièrement antidémocratique de la Ve République ?

Du coup d’État initial au coup d'État permanent dénoncé autrefois par François Mitterrand, ce régime s’oriente résolument vers le coup d’État perpétuel ! La dérive totalitaire qui s’amorce tend à réduire au silence toute opposition. Il n’y a plus ni gauche, ni droite, ni centre, ni rien ! Il n’y a plus que la photo du chef, sur tous les écrans, dans tous les magazines, dans toutes les librairies, dans tous les foyers, partout. Il n'y a même plus besoin de presse officielle. Sous des appellations diverses, il n'y a plus qu'un seul titre dans la presse française : "Tout va très bien" !

Désormais, une opposition ne peut plus sérieusement se reconstruire dans ce régime. Elle ne peut plus être qu’une opposition au régime ou ne pas être. La gauche (celle des nombreux militants sincères encore à gauche) doit le comprendre ou fusionner définitivement avec l’UMP, (les choses seront plus claires !) et laisser ses militants reconstruire l’espoir.

Le processus de fusion est déjà bien amorcé avec cinq ministres socialistes au gouvernement (Amara, Besson, Bockel, Jouyet et Kouchner) et peut être d’autres qui s’impatientent devant la porte.

Face aux conservateurs néolibéraux à la française (de droite mais aussi hélas de gauche), la gauche républicaine doit prendre de la hauteur et rappeler les fondamentaux révolutionnaires qui ont fait la France et son message universel d'émancipation des Peuples en secouant le joug de toutes les tyrannies.

V. Revenir aux fondamentaux révolutionnaires et républicains du pouvoir constituant

Du point de vue qui nous préoccupe dans ce débat, Sieyès, à la base de notre Révolution n’a pas seulement inventé le contrôle de constitutionnalité par ses « juries constitutionnaires » il a aussi posé cette autre facette du principe de la séparation, facette éclipsée par Montesquieu : le principe de la séparation entre le pouvoir constituant et les pouvoirs constitués.

Le premier est à la source de la légitimité des institutions qu’il fonde. Les seconds sont nécessairement distincts du premier qui les a fondés. C’est la raison pour laquelle, les constituants siégeant à l’Assemblée constituante ne pouvaient de nouveau siéger à l’Assemblée législative. De nombreux constituants qui ne pouvaient plus siéger à la Législative sont devenus des conventionnels en ayant appris des échecs de la Législative qu'il fallait aller plus loin pour affirmer les principes révolutionnaires fondateurs de la République. Robespierre était de ceux là. Cela a beaucoup compté pour établir nos fondamentaux républicains sans lesquels la France n'aurait été qu'une Monarchie constitutionnelle de plus.

De la même façon aujourd’hui, les assemblées constituées (Sénat et Assemblée nationale) ne peuvent légitimement se substituer au Peuple constituant et s’arroger un pouvoir qui lui appartient en propre. Cela n’est pas admissible.

Il y a là une vraie question de légitimité qui, à mon sens, ne trouvera plus jamais de solution durable dans ce régime sans la convocation d’une Convention nationale constituante, désignée de façon démocratique, par le sort au moins autant que par l’élection.

Il y a bien trop longtemps que, par le détournement des mécanismes électoraux, la démocratie a été confisquée au profit de partis politiques qui permettent une reproduction automatique des perpétuels de tous bords. Aucun renouvellement ni à gauche, ni à droite (sauf peut être Nicolas Sarkozy).

On prend les mêmes et on recommence ! Voilà ce que pense le Peuple français !

VI. Fixer un cap pour la tenue d’une Convention nationale constituante

Dans une Convention nationale constituante, démocratiquement désignée, l’égalité des citoyens rend légitime le choix aléatoire, pour au moins la moitié des conventionnels. Tout citoyen parmi ceux qui souhaitent participer au tirage au sort doit pouvoir être désigné dans une telle Convention. Réserver l’élection à moins de la moitié des conventionnels permettrait alors à la démocratie de sortir des ornières dans lesquelles les partis l’ont canalisée à leur profit exclusif, le plus souvent pour se répartir, aux crochets du Peuple, les places et les emplois publics à la discrétion du gouvernement.

Dans la démocratie, la « classe politique », cette « clique » ou dans le meilleur des cas cette « caste » organisée d’oligarques installés aux commandes par des mécanismes électoraux savamment pensés a pour vocation de se dissoudre dans la masse des citoyens pleinement rétablis dans leur dignité et dans leur rôle politique. Pour cela, la fonction de l'école est essentielle selon qu'elle produit des animaux sauvages à peine policés ou des citoyens capables de raisonner par eux-mêmes, à partir de connaissances vérifiées et non de dogmes métaphysiques.

Cette démocratie qu’on veut nous voler redeviendra possible quand nous aurons tous, à la fois et tour à tour le droit d’être momentanément des gouvernants (pour des périodes courtes) et des gouvernés. La domination arrogante d’une classe politique parasitaire qui prospère sans rien apporter à la société doit cesser. Il faudra bien un jour reclasser ces oligarques professionnels et procéder au réexamen de leurs privilèges et autres régimes spéciaux beaucoup plus scandaleux que ceux des ouvriers et employés des entreprises publiques.

Quand en 2007, à peine élu, on fait voter une augmentation dans des proportions indécentes, après que des ministres aient déjà fait de même juste après les élections de 2002, tout en mégotant à la même époque sur l’augmentation du SMIC, il devient très difficile d'expliquer ce que veux encore dire le mot République.

La forte aggravation des inégalités (de revenus et de patrimoine entre ceux qui ont la chance d'en avoir un et les autres), la croissance du sentiment d’injustice, la paupérisation qui s’étend jusqu’aux classes moyennes, le risque de déclassement social qui touche ces mêmes couches moyennes jusqu'ici épargnées et qui ne peuvent plus se loger sont autant d'éléments détonants face à l’arrogance de l’argent et aux maladresses du pouvoir.

L'humiliation des citoyens, désormais interdits de voter sur le maintien ou non de la République (Congrès) et sur l’approbation de sa dissolution (Parlement) dans une Europe quasi fédérale, est une grave faute qui ne peut que conduire le Peuple de France à user un jour de son droit de sécession.

Cette République anti-sociale relais de toutes les politiques néolibérales mises en place à grands coups de directives européennes a multiplié les sans-logis, les sans-travail, les sans-le-sou pour transformer des couches entières de la population française, pas seulement dans les banlieues, en citoyens sans dignité. Cette future ex-République, toujours aussi anti-démocratique, va franchir un nouveau cap en réinventant des citoyens sans droit de vote, cette version moderne des citoyens passifs !

Le 4 février 2008 à Versailles, le droit de vote ne sera accordé qu’à 908 citoyens sur 41 millions d’électeurs. Il n’est même plus besoin de suffrage censitaire ! Nous sommes redevenus des sujets d’une tyrannie régénérée et mondialisée, plus illégitime encore que les Monarchies d’antan. Le drame de cette situation est que tout le monde s'en fiche. Le pouvoir le sait.

Les Français préparent les fêtes comme ils le peuvent et ont l'esprit ailleurs. L'image omni présente de leur Président veille sur eux et ils lui font très largement confiance. Cependant, les lendemains de fêtes, dans ce contexte plein d'incertitudes, méritent qu'il soit rappelé fortement que rien ne vaut jamais de basculer dans l'excès. Profitons de ce calme apparent qui présage peut être d'une prochaine tempête, pour souhaiter que la détermination du Peuple soit toujours canalisée par des femmes et des hommes qui, faisant preuve du sens de l’intérêt général, auront pour but de démocratiser nos institutions d’une façon résolument pacifique.

Cette démarche, si elle veut s’inscrire dans la continuité de la République, passera nécessairement par un acte très fort de résistance, dans la nuit du 3 au 4 février à Versailles. Si ceux qui se proclament républicains, socialistes, progressistes, démocrates n’ont plus ni les tripes, ni la conviction ni la volonté de préparer ce moment, alors mieux vaut arrêter de faire de la politique.

Bien à vous.
Avec mes chaleureuses amitiés citoyennes.
Joël Mekhantar


26.Posté par MEKHANTAR Joël le 13/12/2007 18:07
Bonne nouvelle. Le conseil constitutionnel est saisi par le Président de la République. Triste nouvelle, il n'y a même pas eu 60 parlementaires dans une ou l'autre chambre pour faire également une saisine ! Je vous laisse apprécier !

AFFAIRES EN INSTANCE (source : Conseil constitutionnel)
* Saisine du président de la République, le 13 décembre 2007, du Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne : affaire n° 2007-560 DC
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Réponse du Conseil en principe le 20 décembre.

27.Posté par Pouvreau le 26/03/2008 17:33
Pour info: samedi 29/03, de onze à treize heures, à la place de la Sorbonne (Paris), aura lieu une manifestation pour la dératification du traité de Lisbonne par le Parlement français, organisée par le Comité des citoyens européens contre le traité de Lisbonne.

Il y aura aussi la possibilité d'obtenir de l'aide pour formuler une plainte, auprès de la justice européenne, sur la manière dont ce traité a été ratifié en France -- puisque ça a été fait en contradiction des principes définis par les droits fondamentaux de l'UE. En bref, il s'agit de prendre l'UE à son propre jeu. Tout le monde y sera bienvenu, puisque ce Comité n'est pas partisan.




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