Carnet de Jean-Pierre Chevènement

Sur le traité « simplifié » : silence et désinformation



Il peut arriver à Nicolas Sarkozy d’avoir de bonnes idées : revaloriser le rôle du Parlement, excessivement abaissé dans nos institutions, ou encore revoir la « gouvernance » des universités, aujourd’hui frappée de débilité. Mais sur un point essentiel, Nicolas Sarkozy s’est révélé incapable de desserrer les contraintes européennes. Dans le projet de traité baptisé par antiphrase « simplifié », il a fait toutes les concessions : Haut représentant pour la politique extérieure, Charte des droits fondamentaux d’essence fédéraliste, qui va donner d’immenses pouvoirs à la Cour de Justice de l’Union européenne, pondération des votes au Conseil par la démographie, rompant ainsi la parité entre l’Allemagne, la France et les autres « grands pays ».

En échange de ces concessions, quelle contrepartie a-t-il obtenu, sur le gouvernement économique de la zone euro, par exemple ? Rien ! A la timide demande exprimée par Jean-Pierre Jouyet d’une discussion de la politique de change par les gouvernements, avec quelle hauteur M. Trichet n’a-t-il pas répondu ! Sur ce sujet capital, le silence quand ce n’est pas la désinformation règnent en maîtres.

On nous explique ainsi dans la presse que les bénéfices des entreprises françaises explosent, et que, par conséquent, elles n’ont pas besoin d’un euro plus faible. Ces commentateurs oublient de rappeler que nos entreprises font, pour l’essentiel, leurs bénéfices à l’étranger. Le monde du travail en France est le grand oublié… Mais au bout du chemin, il se rappellera au bon souvenir de ces messieurs… et de M. Sarkozy, s’il ne fait rien.


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Mercredi 1 Août 2007 à 16:48 | Lu 10691 fois



1.Posté par la fourmi rouge le 01/08/2007 18:35
Bonjour,

C'est trés difficile je trouve, d'accéder à une information ramassée, concise et documentée sur l'Europe dans notre presse.

Je vais régulièrement moi qui suis néophyte en la matière, sur le blog du journaliste Jean Quatremer de libé : vif, bosseur et sachant de quoi il nous parle, régulier dans ses compte-rendus et analyses, sincère.
On en prend et on en laisse, mais (je fais une pub gratis!) les discussions qui suivent avec les internautes sont également trés enrichissantes.



Merci à vous car encore en 3 mots, 2 phrases vous recadrez l'essentiel. Politiquement.

2.Posté par F.GEORGES le 01/08/2007 22:32
Absolument d'accord...mais pourquoi cet oubli?

Je pense que la réponse est à rechercher dans la dérive de nos institutions démocratiques: mode de scrutin qui écrase les importuns, information biaisée, copinage à peine masqué entre les dirigeants politiques, et les patrons ou dirigeants de médias, mode de financement des partis politiques... et puis sans doute ... conscience citoyenne en berne...

Salutations républicaines

Salutations républicaines.

3.Posté par Jacques Heurtault le 01/08/2007 23:05
Pour éviter ça, il fgallait voter OUI au Referendum!

4.Posté par FRANCOIS jean M.R.C. 62 le 01/08/2007 23:20
c'est bien la continuité de Maastricht
et c'est bien ce qui continuera toujours à nous différencier de certains socialistes et autres militants de gauche.

5.Posté par snyck le 03/08/2007 20:41
Le prix du voyage de SARKO Ier aux USA : On pensait avoir affaire à Bonaparte et c'est finalement Marie-Antoinette.

6.Posté par Instit le 05/03/2008 15:52
Moins d'Etat = moins de vertu.

Quand l'Etat recule, la vertu recule.

L'Etat est ce que les êtres humains ont créé afin d'équilibrer leurs vices naturels. Je n'emploie pas le mot " vices " avec un sens négatif. Les vices inhérents à l'être humain sont naturels. L'être humain est programmé pour avoir des vices, ce n'est pas sa faute. Il n'y est pour rien. Il n'est pas coupable. Il est programmé.

En revanche, pour équilibrer ses vices, l'être humain doit créer une entité chargée d'introduire un peu de vertu dans la Nature. Cette entité est l'Etat.

Je vais recopier une tribune concernant le vice du libéralisme économique, et la vertu de l'intervention de l'Etat. Encore un partisan du libéralisme économique qui demande le retour de l'Etat !

Encore un partisan du libéralisme économique qui demande que l'Etat intervienne pour dompter le libéralisme économique !

Après Jacques Attali lui-même, c'est Michel Rocard qui réclame l'intervention de l'Etat !

Pour une fois, je suis d'accord avec Michel Rocard. Je vous suggère de lire sa tribune parue dans Le Monde :

" Le 28 mai 1890, Jean Jaurès publiait dans La Dépêche du Midi un superbe éditorial qu'il titrait "Patrons français, soyez fiers de l'être". Dans cet hymne à tous ceux qui exercent la difficile fonction de direction dans l'art de produire, il dit à la fois son admiration et son intelligence profonde de leurs risques, de leurs difficultés et de leurs peines. Il fixait en même temps, on l'a trop oublié, la ligne générale de la social-démocratie internationale dès lors que celle-ci a abandonné l'idée de remplacer le capitalisme et sa brutalité mais aussi l'économie de marché par l'administration centralisée de l'économie plus ou moins appuyée sur l'appropriation collective des moyens de production et d'échange.

Assurant la liberté d'entreprendre, de produire et de commercer, l'économie de marché est à la fois le point d'ancrage et la garantie de la liberté tout court dans notre civilisation. Elle est vieille de plus de trois mille ans. Vieux, lui, d'à peine plus de deux cents ans, le capitalisme y a ajouté – par la machine et l'épargne collectivement utilisée – un système de production de masse inouï dont on n'a jamais inventé ni l'équivalent ni le substitut.

Dès la fondation du capitalisme, nombreux furent ceux qui remarquèrent qu'il avait d'autant plus besoin d'éthique qu'il avait moins besoin de règles. Les créateurs de la théorie économique qui l'encadrait étaient presque tous des moralistes : Adam Smith, David Ricardo, François Quesnay… Et l'un des plus rudes patrons industriels de la première moitié du XXesiècle, Henry Ford, estimait que la capacité du capitalisme à éviter les règles étatiques paralysantes était directement liée à sa capacité de s'imposer une éthique exigeante. Notamment, par exemple, le principe qu'un patron ne saurait se payer plus de quarante fois le salaire moyen de ses salariés. Cette règle fut respectée jusque vers les années 1990.

Il est utile de se souvenir de tout cela quand explose en France le scandale de l'UIMM, aggravé du scandale de l'indemnité de départ de Denis Gautier-Sauvagnac – vingt-six fois le salaire annuel d'un agrégé de l'université – et compliqué du refus de la fédération patronale de la métallurgie d'accepter la remise en ordre exigée par la présidente du Medef, Laurence Parisot. Cette très efficace et droite présidente de PME a bien compris que l'affaire était essentielle. A l'évidence, il y a du souci à se faire si le système devient illégitime et inacceptable. Mais il y a beaucoup plus. Cet incident survient à un moment où tous les pronostics de croissance économique sont révisés à la baisse, où une crise bancaire et financière fait rage, bref où il semble que nous entrions dans une récession mondiale.

L'ouverture de la crise se fait dans le secteur des prêts hypothécaires américains. Elle est le résultat d'une technique bancaire nouvelle consistant à prêter massivement de quoi devenir propriétaire de son logement à toute une population aux revenus moyens ou faibles, sans se soucier des possibilités de remboursement. L'espoir du gain pour les prêteurs n'est plus fondé sur le paiement des loyers, mais sur la valeur des maisons que l'on expropriera et revendra autant que nécessaire. Un million trois cent mille Américains ont été ainsi expropriés ces deux dernières années et trois millions d'autres sont menacés. L'effondrement du système traduit la résistance sociale à cette situation. La rapacité bancaire s'est là débarrassée de tout scrupule découlant du fait que ses victimes étaient des êtres humains. La cause majeure de la crise est clairement l'immoralité.

Deuxième élément. Les détenteurs de ces créances douteuses savaient fort bien que les titres dont ils s'étaient ainsi rendus propriétaires étaient frelatés. Plutôt que d'analyser, de provisionner et de soumettre le tout aux régulateurs nationaux ou aux agences de notation, ils ont préféré mélanger ces titres avec d'autres, moins incertains, pour revendre dans le monde entier de tels paquets de crédits, dont le mélange avec des crédits dérivés assurait l'opacité totale. C'est une deuxième immoralité massive, également liée à l'esprit de lucre. Et c'est ainsi que toutes les grandes banques de la planète ont vu leurs bilans infestés de créances incertaines dont le montant est imprévisible : on parle de centaines de milliards de dollars. Les banques se sont mises à se méfier les unes des autres, et donc ne se prêtent plus, ce qui est le mécanisme même de l'aggravation de la crise financière en même temps que de sa transmission à l'économie physique, réelle. Ainsi nous acheminons-nous vers une récession aux proportions incalculables.

Troisième élément. Tout cela n'aurait peut-être qu'une gravité limitée à la seule sphère financière si au même moment nous ne rencontrions pas les prodromes d'une crise économique. De 1945 à 1975, le capitalisme reconstruit d'après-guerre, parce que sérieusement régulé, a connu dans le monde développé une croissance régulière et rapide (5% par an), une absence complète de crises financières internationales et surtout le plein-emploi partout.

Depuis les années 1990, la croissance est molle, inférieure de plus de moitié aux scores de l'ère précédente, les crises financières régionales ou mondiales se multiplient, et le quart de toutes nos populations sont soit au chômage, soit en travail précaire, soit encore exclues du marché du travail et tout simplement pauvres.

La principale cause de ce drame planétaire est le réveil de l'actionnariat. Celui-ci, plutôt maltraité de 1945 à 1975, s'est réveillé et puissamment organisé en fonds de pension, fonds d'investissements et fonds d'arbitrage ou hedge funds. Il a pris souvent le pouvoir et toujours de fortes minorités dans toutes les grandes entreprises de la planète. Il a partout pressuré les revenus du travail pour assurer de meilleurs dividendes. En trente ans, la part des revenus directs et indirects du travail a perdu près de 10% dans le partage du PIB dans tous les pays développés au bénéfice du profit et non de l'impôt.

La stagnation des salaires réels, l'externalisation des tâches vers des PME sans syndicats et soumises à l'aléa des renouvellements de contrats, la multiplication des contrats précaires et bien sûr la multiplication des OPA, moyens de soumettre les directions à l'obligation de mettre en œuvre ces pratiques, sont les diverses formes de diffusion de ces politiques. La baisse des revenus salariaux dans le PIB est celle des revenus les plus disponibles pour la consommation, qui, faute de moteur, devient faible. C'est l'essentiel de nos classes moyennes supérieures, qui, via les placements boursiers, a mis ses espoirs dans le gain en capital et non plus dans le résultat du travail. Nouvelle immoralité.

Quatrième élément. Les générations d'aujourd'hui deviennent âpres au gain. On a appris il y a deux ans comment les grandes banques ne peuvent actuellement éviter de surpayer leurs traders : ils s'en vont en Asie. Jérôme Kerviel a même démontré comment on pouvait être désintéressé pour soi-même en servant, jusque dans la démesure, un système fou d'accaparement. Les indignités cumulées d'un Antoine Zacharias [ancien PDG de Vinci qui a perçu 13 millions d'indemnités] ou d'un Noël Forgeard [ex-président d'EADS parti avec une prime de 8,5 millions d'euros], ou celles de l'UIMM sont presque peu de chose comparées à ce qui se passe ailleurs. Siemens, Volkswagen et la Bundespost sont confondues de corruption ou de fraude fiscale. Le nombre de sociétés en délicatesse avec la justice pour cause de trucages comptables, de délits d'initiés ou d'abus variés devient inquiétant. Nombre d'entre elles sont poussées à ces délits par leurs propres cadres.

Pour moi, la cause est entendue : le capitalisme sombre sous l'immoralité. Nous sommes en train de découvrir qu'il risque techniquement d'y succomber. Tel est le contexte de l'affaire de l'UIMM. Ne sourions pas de ce combat sans merci interne à une catégorie de gens à laquelle nous n'appartenons pas : les riches. Le problème est que leur voracité menace le système lui-même dans lequel nous vivons. Le combat de Mme Parisot nous concerne donc tous : il ne s'agit pas seulement de redonner sa dignité à un système qui en a bien besoin, mais surtout de lui permettre de revenir à un fonctionnement efficace et régulier. Nous avons choisi la libre entreprise. Elle exige de bons patrons, respectables et intègres. Sans éthique forte, il n'y a plus de capitalisme. Il va probablement devenir nécessaire que la règle publique y pourvoie. "

http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/03/05/tous-derriere-laurence-parisot-par-michel-rocard_1018935_3232.html

7.Posté par Claire Strime le 06/03/2008 09:33
Euh Instit t'as peut-être pas tout compris...Parisot est représentative d'1 capitalisme individualiste (le parasitisme des services) qui veut détruire les protections collectives.
L'UIMM a au moins le sens du collectif (certes ce fut le comité des Forges qui finança Doriot), l'UIMM fut en pointe dans la CECA, la CEE de 1957, l'axe franco-allemand...mais ils sont les pivots du paritarisme et des négociations sociales (pas tjrs du donnant-donnant mais...).
Ne pas confondre le petit satan et le grand satan!

8.Posté par Instit le 07/03/2008 08:41
Je sais, mais ce n'est pas le remède que propose Rocard qui m'intéresse dans cet article.

Ce qui m'intéresse, c'est le diagnostic du docteur Rocard : " le capitalisme sombre sous l'immoralité. "

Ca, je pense que c'est un bon diagnostic.

Maintenant, c'est à nous de réfléchir à un remède pour soigner la France. Bien entendu, je suis en désaccord avec le remède proposé par le docteur Rocard. L'eau tiède n'a jamais guéri personne.


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