Carnet de Jean-Pierre Chevènement

Renversement de situations



Airbus veut délocaliser, en Amérique, en Chine, en Russie : l’euro est trop cher en France et en Allemagne. Le gouvernement allemand veut limiter les suppressions de postes dans les usines allemandes. C’est compréhensible. Mais Mme Merkel s’inquiète dès qu’à Paris on évoque une politique de change qui rendrait le cours de l’euro moins pénalisant. C’est moins compréhensible.

Le gouvernement allemand veut que les usines allemandes jouent un rôle de premier plan dans la fabrication de l’Airbus A 350, en particulier pour les panneaux en matière composite. En matière de technologie, la France ne surclasse pas l’Allemagne dans beaucoup de domaines.

Puis-je évoquer un souvenir de 1990 ? M. Jean-Luc Lagardère et M. Jürgen Schremp, alors Président de Daimler-Chrysler, avaient cherché à convaincre le ministre de la Défense de l’époque que j’étais, au cours d’un déjeuner, qu’une bonne coopération franco-allemande en matière aéronautique passait par la privatisation d’Aérospatiale, aucune affaire industrielle ne pouvant tolérer l’interventionnisme des Etats. J’avais fait valoir à M. Schremp qu’il fallait s’accommoder de la diversité des modèles nationaux pour avancer dans la coopération franco-allemande, les entreprises publiques françaises jouissant, en fait, d’une grande indépendance.

Dix ans après, en 2000, Aérospatiale a été privatisée au profit du groupe Lagardère. En regard j’observe, aujourd’hui que M. Thomas Enders, le co-Président allemand d’EADS, reçoit directement ses ordres de Madame Merkel, de son ministre de l’Economie, M. Glos et des ministres-présidents des Länder concernés. La presse économique allemande – le Handelsblatt et le Financial Times Deutschland – s’en inquiètent. Eux aussi retardent d’une guerre …


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Mercredi 21 Février 2007 à 21:51 | Lu 7672 fois



1.Posté par Louis le 22/02/2007 09:07
Monsieur Chevènement,
nous sommes bien d'accord avec vous sur la question d'Airbus, ô combien symbolique de la dégringolade de notre tissu économique et industriel. Maintenant, que la candidate se fasse entendre! Qu'elle reprenne votre analyse sérieuse et pose sur la table, dès avant l'élection, la sortie de l'Euro, cette machine à détruire notre industrie! Qu'elle s'engage à vous placer à un poste de haute responsabilité si elle est élue (Matignon, Bercy, Quai d'Orsay -- que vous n'aurez pas le droit de quitter à la moindre difficulté, car vous êtes notre ultime espoir)! Vous vous rendez bien compte que votre ralliement n'est même plus la garantie d'une politique économique différente (sinon "de gauche", à la marge, mais vous savez bien que ce n'est pas la même politique, mais "de gauche" qui peut nous tirer de l'ornière, mais une autre politique économique), et qu'à ce stade la perspective de voir arriver aux manettes Bayrou, Sarko, ou même Ségo nous plonge dans un abîme de désespoir.

2.Posté par emmanuel gilquin le 23/02/2007 11:20
Retour d'une loi allemande?
Fort heureusement, le projet de loi Sarkozy sur l'assimilation de la maladie mentale à la délinquance a été retiré grâce au Parlement.
Mais il reviendra....
Des siècles après le village flamand de Geel (liberté pour tous les malades), deux siècles après Philippe Pinel libérant les fous de leurs chaînes, revoilà au pays de l'Anafranil, du Temesta et du Prozac la volonté de créer des chaînes électroniques, par le biais d'un fichage propre à générer des enquêtes policières aussi rapides que bâclées.
Les fous ont été exterminés par Hitler trois ans avant les juifs. Sarcelles a débaptisé la rue et la Clinique Alexis Carrel. Ce prix Nobel de Médecine a fait la théorie des chambres à gaz, pour les fous, dans "L'hommme cet inconnu", bien avant 1933.
Il faudra créer un Act-Up des fous et des victimes de surdosages et d'associations médicamenteuses impropres. Chacun peut se retrouver hospitalisé d'office et fiché. L'ordonnance d'un médecin incompétent suffit.
En attendant, méditons la remarque du dialoguiste Veber: "s'il fallait créer des asiles pour les cons...imaginez la taille des bâtiments!"

Emmanuel de Villetaneuse.

3.Posté par Salut le 23/02/2007 16:15
Un plan B pour l'Europe, afin que le NON serve à quelque chose?

A une large majorité, les français ont dit non en mai 2005 au projet
d'élever les politiques libérales à la hauteur d'une Constitution pour l'Europe.
Aucun des grands partis, ni leurs candidats présidentiels pour 2007, ne semblent
avoir pris la mesure de l'évènement.
Depuis un demi-siècle, les traités européens et les accords commerciaux
internationaux se résument aux priorités du monde des affaires, sous la pression
des puissants: libre disposition des capitaux, des marchandises, des ressources
humaines et naturelles. En revanche, rien n'a été accompli sur les régimes
sociaux, fiscaux, migratoires et environnementaux dont l'égalité devrait être
une condition préalable à cette "concurrence non faussée", leitmotiv de
Bruxelles et de l'OMC, mais qui n'a fait l'objet d'aucune définition. Elle
rendrait trop évidente l'absence des garanties collectives élémentaires
protégeant le citoyen du dumping au moins disant.
Or, c'est bien le citoyen et non le système qui est la mesure ultime de
toute politique, ce qu'oublie cet extrémisme économique qu'est le libéralisme.
C'est celà qu'a su exprimer le peuple français avant toute autre nation,
car c'est celà que devrait clamer haut et fort une Constitution pour l'Europe.

Un pays ne souscrivant pas aux mêmes garanties collectives ne peut
manifestement réclamer l'exercice du libre-échangisme avec les autres, sous
peine de "concurrence faussée". C'est pourtant ce à quoi l'on assiste, sous la
pression des lobbies, qui tirent leurs bénéfices de ces vases communicants. Cela
illustre la légèreté, sinon la duplicité, avec laquelle ont procédé Bruxelles et
l'OMC dans l'intégration croissante de pays incapables ou indésireux de
souscrire à ces garanties.

S'il y a une urgence en ce début de siècle, elle est sociale autant
qu'écologique, et concerne l'homme au moins autant que son environnement. En
regard, les considérations domestiques dont on nourrit l'actuel débat électoral
face aux problèmes de chomage, d'immigration ou d'énergie paraissent dérisoires,
car les solutions passent toutes par une remise en cause collective à Bruxelles
et à l'OMC.
Celà traduit la sagesse de la majorité du peuple français, qui a stoppé
l'empressement général à passer outre l'approfondissement de cette question.

Les candidats présidentiels seraient bien inspirés de prendre en compte ce
message prémonitoire de la population: on ne pourra plus longtemps faire
l'économie d'un plan B, en Europe comme ailleurs. Il suffit de s'interroger sur
la définition d'une "concurrence non-faussée" pour en voir se dessiner les deux
composantes:
- les garanties libre-échangistes pour l'entrepreneur. Elles sont largement
développées dans la partie III du traité constitutionnel pour l'Europe.
- les garanties collectives pour le citoyen. Elles demandent à être
développées au même titre dans une autre partie (II-bis, par exemple).
Non à un traité déséquilibré, c'était le sens du suffrage exprimé en
France, ainsi que l'unique manière de répondre aux pays signataires d'un texte
unijambiste. Il ne s'agit donc pas pour les français de ratifier un texte
simplifié sur les institutions perpétuant ce deséquilibre, même agrémenté d'une
charte de voeux pieux en guise de leurre, mais de l'enrichir des valeurs
évoquées, en vue d'un acte constitutionnel de l'Europe et d'un modèle pour le
reste du monde.
Le traité européen actuel étant invalide sans l'unanimité, cet addendum
renverserait les rôles en mettant au pied du mur ceux des pays qui n'adhèrent
qu'à une Union servant des intérêts spécifiques. Celà distinguerait, une fois
pour toutes, la véritable Europe comme puissance pouvant parler d'une seule
voix, de la simple zone libre-échangiste qu'est l'actuelle Union Européenne de
Bruxelles.

Combler cette attente en proposant un plan universel des règles d'équité
entre les peuples, avec la même conviction que celle qui anima le NON en 2005,
c'est emporter l'adhésion en 2007 bien au delà des clivages politiques
traditionnels. C'est aussi perpétuer la vocation de la France, en signant un
nouvel élan européen.
Voilà une ambition qui ne manquerait ni de suffrages, ni de donner souffle
et vision au Programme Présidentiel...












4.Posté par vitte le 23/02/2007 18:06
Je me permets de citer mon post du 13 en commentaire de "Guerre idéologique" du 12, car je m'étonne que le couplet sur l'Allemagne ait fait un bide; peut-être le bras de fer Airbus ajoute-t-il du piment au sujet?
Citation:"Facile de tirer sur les banquiers centraux qui ne font qu'appliquer le mandat que nos politiques leur ont confié!
Plus délicat de s'en prendre à l'Allemagne, ce que fait M.X.Timbeau (Observatoire français des conjonctures économiques) dans le Figaro des 10-11.02 : La France "depuis 5 ans a perdu 10% de parts de marchés. Et le commerce extérieur a grevé la croissance de 0,9 point en 2006..(ndlr: ce que je ne sais pas traduire en nombre de chômeurs).........En tirant sur les salaires pour améliorer sa compétitivité, l'Allemagne s'est lancée dans une désinflation compétitive et prend des parts de marchés aux autres pays d'Europe. C'est une politique non coopérative. Exactement ce qu'on voulait empêcher avec la création de la zone euro!.".A la question "alors, que doit faire la France?",il répond, entre autres, "tout faire pour lutter contre la politique non coopérative de l'Allemagne"
Bigre, "l'hydre au casque pointu" serait-elle de retour dans le Figaro oui-ouiste?
Mais, au fait, un des savants qui fréquentent ce site pourrait-il me dire s'il y a une instance communautaire pour ce type de problème et, dans la négative, si la pseudo constitution (que j'ai rejetée des deux mains) en prévoyait?"


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