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"On diabolise les nations"


Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Midi-Libre, dimanche 11 mai 2014. Propos recueillis par Laure Joanin.


"On diabolise les nations"
Midi-Libre : Pourquoi cette méfiance vis-à-vis des commémorations de 14-18 ?
Jean-Pierre Chevènement : Parce qu’elles menacent d’être sélectives, orientées et de passer à côté du sujet. L’explication de la guerre et le sacrifice des Poilus risquent d’être passés sous silence. Au nom du "Plus jamais ça !" il s’est agi pour les classes dirigeantes de réitérer leur défiance à l’encontre de nations d’où viendrait le mal et de justifier la mise en congé de la démocratie en Europe sous prétexte de sauver cette dernière de ses démons.

Or, les Poilus ne sont pas morts pour rien, mais pour que la France continue. On nous dit "Oui, mais la France s’est effondrée en 1940". Mais s’il n’y avait pas eu le grand sacrifice des Poilus, y aurait-il eu de Gaulle, la France Libre, la Résistance ? La France aurait-elle retrouvé sa puissance ? On occulte une lecture de l’histoire de France du XXe siècle et on diabolise les nations, en particulier la nôtre, comme si elles étaient coupables de la guerre. Or la nation, c’est le cadre de la démocratie. Il ne faut pas la confondre avec le nationalisme, une maladie de la nation.

En quoi l’Europe serait-elle sortie de l’Histoire ?
Il y a un lien entre le déclin démographique, économique, politique de l’Europe et “la guerre de 30 ans” qui éclate en 1914 et finit en 1945. Mais l’Union européenne actuelle et son magma d’impuissances est aussi le fruit de la façon dont on a fait l’Europe sans les nations, voire contre elles, selon la méthode Monnet. C’est d’abord une Europe qui a fait sien les dogmes du néo-libéralisme en privant les Etats de leurs capacités stratégiques. La France n’est plus un Etat stratège, c’est un Etat mendiant qui n’a plus les moyens d’une politique.

D’autre part, c’est une Europe qui a abandonné la démocratie. Ses institutions – la Commission, la Cour de Justice, la banque centrale – sont technocratiques et ne rendent compte devant aucune instance élue. Et le Parlement de Strasbourg n’est que la juxtaposition de la représentation de 28 peuples. L’Europe est devenue un système d’évitement de la démocratie et des souverainetés nationales.

Que préconisez-vous ?
Il faut réformer les règles de l’Euro pour permettre aux pays de l’Europe du Sud d’être compétitifs sans passer par des expériences douloureuses de caractère déflationniste. J’ai parlé à ce titre de politique à la Laval, type 1935. On nous vante le miracle espagnol au prétexte que l’Espagne a réduit ses coûts de production alors que 50 % des jeunes sont au chômage. Au contraire, il faut une politique monétaire plus souple, un Euro moins surévalué.

La France a un potentiel de croissance de 2,5 %. Il faut redonner le moral au pays. Et ne pas construire l’Europe comme un substitut à la France. Ne pas gommer la France. Je suis pour l’Europe des nations et des peuples. La morosité vient beaucoup du fait qu’on a privé nos concitoyens de leurs repères traditionnels, d’un récit national qui est ce qu’il est, avec ses ombres et ses lumières. Il faut remettre en cause, non pas l’Europe, mais la manière dont on l’a faite.

Les élections peuvent-elles faire avancer vos idées ?
Je l’espère, mais il faudrait qu’il y ait débat. Et ce dernier n’existe pas. On est enfermé dans une politique monétaire ultra orthodoxe, déflationniste. Pour que ce débat ait lieu, il faut des acteurs et donc des forces politiques qui renouent avec un patriotisme républicain. Je préfère parler de république que de souverainisme. D’abord parce que ce terme vient du Québec et qu’il est aujourd’hui manipulé. Mon discours n’est pas anti-européen. Je suis très européen, mais pas européiste. Notre pays a besoin d’un sursaut républicain et pas d’un spasme rétrograde comme le voudrait le FN.

Croyez-vous à la fin de la monnaie unique ?
Je ne dis pas il faut sortir de l’Euro. Mais il faut revenir à l’essentiel : en privant un pays de sa souveraineté monétaire, on ne règle pas ses problèmes. Il faut oser toucher à l’Euro, revenir à une certaine souplesse dans une idée de monnaie commune. Je crois en outre que l’Allemagne n’acceptera pas de payer des sommes astronomiques pour le maintien de l’Euro sur la longue durée. Et comme elle ne pourra pas imposer une camisole de force à tous les peuples du Sud en les obligeant à un équilibre de sous-emploi, il faudra qu’une parole politique libre s’exprime. Je m’interroge sur la manière de frayer la voie aux idées que je crois justes et de fournir aux jeunes générations les repères qui aujourd’hui leur manquent.

Source : Midi-Libre



le Dimanche 11 Mai 2014 à 12:41 | Lu 7577 fois



1.Posté par Jp JP le 11/05/2014 14:53
Rejeter ce qui n’a pas de sens ne présente pas de caractère nationaliste. C’est du bon sens, c’est tout.

Pour s’en convaincre : il n’est pas exceptionnel de voir des fonds de pensions venir « racler » les super dividendes d’une magnifique entreprise..…et de fuir après 4-5 ans à la moindre stagnation, voire baisse de régime, purement conjoncturelle.

Ainsi une entreprise suisse est passée en 10 ans, sous fonds de pension américains, puis espagnols,…. puis RJ, puis Liquidation !!!

La nation ne doit-elle pas intervenir en pareil cas ?
La nation doit-elle laisser la finance déconnectée de l’économie pour qu’elle poursuive son jeu de casino au détriment de la vie réelle ? Et si ce n’est la nation… qui va s’en occuper ? la Commission européenne ? les eurodéputés ? !!!

Comme le dit si justement Mr JP Chevenement… « il faudra qu’une parole politique libre s’exprime »… Va-t-il passer à l’acte ?

2.Posté par Olivier D'AREXY le 11/05/2014 15:28
Nation, et nationalismes,la réforme territoriale à l'épreuve:
Je lis avec une certaine inquiétude le titre de la page de couverture de LEMA, journal du Parti National Basque (édité à Bayonne), de ceux se disent les démocrates basques (eaj-pnb) : « Gora Euskadi Europan » ce qui veut dire : « vive Euskadi* européenne ». Il ya une sorte de refus de ce qui est français sous prétexte ici de jacobinisme, qui monte dans notre société. Fondamentalement, les basques français ne sont pas les basques espagnols , les deux peuples basques français et espagnols sont cousins, mais ont vécu des histoires fort différentes et, malgré toute mon amitié pour les basques dont j’ai des origines ( je suis né à Bilbao) , je veux dire que cette unité prétendue basco-européenne , est une fumisterie doublée d’une supercherie politicienne.
La Collectivité Territoriale Basque, voulue par des politiciens locaux de tous bords a heureusement fait un flop, il y a quelques mois; mais le mélange entre, d'une part, les aspirations à la protection de la langue culture basque, les aspirations du peuple basque et, d'autre part, les notions de séparation de territoire en fonction des habitants ( qui viennent à l'encontre des principes de la RépubliqueFrançaise, où le département est l'unité administrative de base et de proximité), il y a des politiciens malins pour entretenir une confusion inacceptable.

*Euskadi est la partie du Pays Basque espagnol regroupant les trois provinces: Gupuzcoa, Vizcaya, Alava, donc hors Navarra. à laquelle les nationalistes basques voudraient adjoindre les trois provinces françaises: Labourd, Soule et Basse-Navarre, constituant ainsi un seul Pays Basque.

3.Posté par Patrick LENORMAND le 11/05/2014 15:56
Comme vous avez raison encore une fois Mr Chevènement ... L'attachement à la nation des français du siècle passé et... de maintenant est nié par le système actuel. Mais ce qui me préoccupe maintenant c'est comment lutter contre ce fait ?
Et c'est là que je vous comprends plus... Dans quel état se trouvera la nation dans 3 ans, écrasée entre des régions de plus en plus fortes et une U.E. qui accapare la majorité des pouvoirs ?
Les prochaines élections auraient dû voir l'essor d'un front républicain avec le MRC et DLR.
L'abstention vous savez bien que cela n'aura aucun effet .. on (re)dira que les français ne s'intéressent pas à l'europe..c'est tout !
Je suis un optimiste invétéré ..et surtout, connaissant vos écrits.. je ne comprends pas que vous vous ne vous engagiez pas pour les européennes, j'espère donc un signe de votre part, en homme libre, pour un rassemblement des patriotes.. Ne laissez pas un boulevard au FN.
Rappel réunion publique le 20 mai à Paris.
Merci

4.Posté par Jp JP le 11/05/2014 22:11
A mon avis Mr Patrick Lenormand prêche dans le désert…… tout est résumé (~20 lignes) sur ce tract :
http://fr.scribd.com/doc/223109273/Tract-Le-25-mai-boycottons-les-europeennes

et même si l’on n’y souscrit pas, le talent d’analyste de l’auteur donne à réfléchir...

5.Posté par Jules DUNORD le 11/05/2014 22:57
Dans le tract du MRC (lien de Jp JP ci-dessus), il est écrit :
« Il est temps de changer de cap, résolument et de refaire l’Europe, entièrement ».

Tout à fait d’accord. Mais .. comment fait-on ?
On refait une révolution, on ressort nos piques et nos fourches ?
Le MRC va-t-il se fâcher (pour de bon) avec le PS et créer un véritable mouvement républicain ?

Parce qu’au lendemain des élections européennes, tout continuera comme maintenant.
Il y aura toujours des députés qui émargeront à 11 000 € par mois et continueront à nous entuber en développant le libéralisme décomplexé. Et il y aura le MRC qui dira : cela s’est fait sans nous.

Et nous (le peuple) serons bien avancés avec cela.

6.Posté par Patrick LENORMAND le 11/05/2014 22:59
@ Jp JP
Evidemment vous avez raison... mais si c'est "cuit" pour le 25 mai...On peut peut-être voir pour la suite non ? Mais c'est vrai qu'il est plus facile souvent de ne rien faire...d'attendre... de s'abstenir en quelque sorte !

7.Posté par Jp JP le 12/05/2014 08:59
Mr Patrick Lenormand vous avez raison dans votre conclusion. Pour la suite, je n’ai pas la compétence pour vous donner une réponse.
Autre point de vue soumis à votre réflexion :

1) Le « NON » populiste au référendum de 2005 a été converti en « OUI civique » par la procédure parlementaire supérieure (probablement !) à un référendum, alors un PE à majorité populiste sera rapidement corrigé selon ladite procédure dont disposent les Chefs d’Etats.

2) Le 25 mai, dans le cas d’un PE à « majorité civique » il ne se passera rien de plus que ce que nous connaissons depuis ….40 ans !

Considérant ces 2 situations : que vaut le déplacement du 25 mai ?

8.Posté par Laicus le 13/05/2014 22:18
D'après Le Figaro, « le parti de Jean-Pierre Chevènement appelle à l'abstention » (1). Cette information est-elle exacte ? Si oui, pourquoi n'appelez-vous pas au vote blanc, sachant que selon « la loi no 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections, et en vigueur à partir du 1er avril 2014 et appliquée pour la première fois lors des élections européennes du mois de mai 2014, "les bulletins blancs sont décomptés séparément" » (2).

A fortiori, faut-il comprendre la consigne donnée comme excluant la possibilité du vote blanc ?

(1) http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2014/05/02/25002-20140502ARTFIG00292-europeennes-le-parti-de-jean-pierre-chevenement-appelle-a-l-abstention.php

(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Vote_blanc#Loi_en_vigueur

9.Posté par Jp JP le 14/05/2014 04:56
@ Mr Laicus 13/05/2014 22:18 Vous avez sans doute exprimé la pensée de beaucoup de gens. Mais vu que les eurodéputés (une fois élus) deviennent quasiment « extra-terrestres »… pour leurs propres électeurs !.. Conséquence : le vote blanc (dans le cas des européennes) n’apporte rien de plus que l’abstention pure et simple !..0+0=0.

10.Posté par Laicus le 14/05/2014 13:34
Merci Jp d'avoir pris le temps de me lire. Pour moi le fait de se déplacer jusqu'au bureau de vote exprime au moins de façon théorique que l'on tient au gouvernement de souveraineté populaire, où c'est le citoyen qui décide. L'abstention qui n'exprime rien du tout semble indifférente au mode de gouvernement, et semble pouvoir s’accommoder d'un gouvernement dictatorial ou de monarchie autoritaire qui n'organiserait aucune élection.

11.Posté par Jp JP le 14/05/2014 14:59
Mr Laicus 13:34. Oui, je comprends la démarche que vous énoncez. Et c’est même très juste si, et seulement si, l’expérience se réalise de façon équilibrée. Ce n’est pas le cas car l’effet que vous indiquez (qui devrait réaliser la condition d’équilibre) n’existe pas (C’est mort-né. C’est triste, mais les élus responsables des affaires publiques s’en foutent complètement du « déplacement à vide » de l’électeur civique).

Quant au vote blanc (dans le cas des européennes), il n’apporte rien de plus que l’abstention pure et simple !.. 0+0=0. En plus, oserai-je dire, ça fait un peu « constipé ».

Quant à déduire de l’abstention que la population « semble pouvoir s’accommoder d'un gouvernement dictatorial ou de monarchie autoritaire qui n'organiserait aucune élection »….
Oui, cela peut venir dans l’esprit d’un candidat furieux battu aux élections… sinon (à notre époque) je ne vois pas qui peut imaginer une telle déduction !

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