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"Dans la guerre des monnaies, l'Europe joue avec les bras attachés dans le dos"


Jean-Pierre Chevènement était l'invité d'Activ' Radio mercredi 11 décembre 2013. Il répondait aux questions de Timothée Maymon.


"Dans la guerre des monnaies, l'Europe joue avec les bras attachés dans le dos"
activradio.mp3 Activ'Radio  (12.45 Mo)

Verbatim express :

  • Dans les commémorations du centenaire de 1914, il y a beaucoup de malentendus. On lit toujours le passé à la lumière du présent, mais on ne comprend pas ce qui s'est passé quand on essaye de discréditer les nations, comme si elles étaient à l'origine de la Première Guerre mondiale. Je crois que ce n'est pas le cas.
  • L'idée du livre est de comparer les deux mondialisations, la mondialisation britannique, avant 1914, et ensuite la mondialisation américaine, après 1945. Dans les deux cas, on voit se modifier profondément la hiérarchie des puissances. Les causes profondes de la Première Guerre mondiale sont là.
  • Les élites allemandes, pénétrées d'idées pangermanistes, ont pris tout une série de décisions inconsidérées, précipitant la guerre, donnant son caractère véritablement mondial à ce conflit.
  • Les historiens aujourd'hui s'intéressent surtout à l'histoire des mentalités. Ils ne cherchent pas à comprendre ce qui, au cours du siècle, a entraîné la marginalisation de l'Europe. Je tire de mon livre des réflexions pour aujourd'hui.

  • L'Europe, depuis 1945, s'est faite à l'ombre de la tutelle américaine, dans le contexte de la Guerre froide d'abord, dans le cadre de l'OTAN aujourd'hui, et, par ailleurs, c'est une Europe qui s'est faite par le marché, qui a suivi le mouvement de dérégulation initié dans les pays anglo-saxons.
  • Nous avons aujourd'hui une Europe ultralibérale, très ouverte à la concurrence des produits à très bas coûts. Elle a de nombreux handicaps, sur le plan monétaire, notre monnaie est la plus surévaluée du monde, et nous ne sommes pas capables de nous défendre. L'impotence stratégique est ce que caractérise l'Europe.
  • Je crois qu'il faut reprendre l'Europe sur des bases nouvelles. Je propose bien entendu que l'on revienne sur la monnaie unique, en conservant l'euro, non plus comme monaie unique mais comme monnaie commune, et par conséquent que la France et l'Allemagne se concertent pour changer les règles du jeu, pour retrouver la croissance et l'emploi.
  • Il faudrait simplifier aussi le fonctionnement des institutions européennes. Il faut partir des nations, parce que les nations sont le cadre de la démocratie. On a pas le droit de les discréditer comme on le fait trop souvent à travers la description de la Première Guerre mondiale, qui a certes été une horreur, mais une horreur qui n'a pas été voulue par les nations. Les opinions publiques étaient partout pacifiques. Ce sont les décideurs, notamment allemands, qui ont précipité la Première Guerre mondiale, sans mesurer ni l'ampleur ni la longueur du conflit.
  • Dans la guerre des monnaies, l'Europe joue avec les bras attachés dans le dos. La BCE n'a qu'une seule mission : lutter contre l'inflation. Donc nous avons une monnaie qui détruit la compétitivité de nos produits, en tout cas c'est vrai pour la France et les pays du Sud.
  • Le chômage est important en France, il l'est plus encore en Espagne et en Grèce où il atteint 27% de la population active. Donc il faudrait une politique de relance, plutôt qu'une politique de contraintes budgétaires très strictes, qu'impliquent le traité budgétaire européen, le TSCG. La Banque Centrale pourrait y contribuer par un nouveau train d'avances aux banques, ou même par le rachat de dettes souveraines.
  • Fondamentalement, le vice constitutif de la monnaie, qui consiste à avoir juxtaposé des économies très différentes entre elles, ne pourra être corrigé que si on passe à un euro monnaie commune. Pour l'expliquer rapidement : la monnaie commune juxtapose des monnaies nationales, qui fluctuent dans des bandes resserrées, avec des parités négociées, qui doivent tenir compte de la compétitivité de chaque pays, de façon à ce que chaque pays puisse renouer avec la compétitivité, la croissance, l'emploi.
  • Il n'y a pas de raison pour que l'Europe soit condamnée à une stagnation économique de très longue durée. Or aujourd'hui, c'est ce qui se profile devant nous.
  • Il faudrait une vraie discussion entre la France et l'Allemagne, par forcément sur la place publique d'ailleurs. Mais il est temps de revenir aux fondamentaux et de reprendre la construction européenne sur des bases solides.
  • La France intervient en Centrafrique avec l'accord des Africains, pour enrayer un génocide dont on a déjà vu les prémices, pour désarmer les milices, de faire en sorte que la République centrafricaine retrouve des autorités légitimes. Donc j'approuve cette opération, mais en même temps, elle ne doit pas s'éterniser, ni être à la charge de la France seule. L'ONU et l'UE doivent assumer le financement de cette opération, qui encore une fois, n'est pas faite pour durer.
  • Il est plus facile de prendre un billet d'aller que de retour. Ce n'est certes pas facile de quitter un pays une fois qu'on a commencé à y intervenir, mais c'est cependant bien ce vers quoi il faut aller, en formant notamment des forces africaines capables de prendre le relais.
  • Je n'entends nullement remplacer Jean-Marc Ayrault qui, dans le cadre étroit qui lui est laissé, se débrouille aussi bien que possible.
  • Je suis pour un changement de politique, que j'ai expliqué. Nous nous sommes orientés depuis très longtemps dans une voie qui n'est pas la bonne, avec des choix erronés. Un grand travail de remise au clair doit s'effectuer. Cela demande des choix très courageux.
  • Je ne suis pas candidat pour un poste ministériel. En aucune manière je ne suis prêt à prendre de responsabilités qui ne correspondraient pas à un changement profond de politique.
  • Les Français me positionnent (comme ministrable ou premier-ministrable, ndlr) parce qu'ils pensent qu'un changement de politique est nécessaire. Mais ils ne sont pas encore assez nombreux...
  • Mon soutien aux municipales ira naturellement aux candidats du MRC, parti auquel j'appartiens.
  • Les élections européennes promettront plus sûrement d'exprimer ce qu'est la politique du MRC, car les élections municipales ont souvent un enjeu local. Il se peut que naturellement ces élections municipales soient nationalisées par les électeurs, mais je pense quand même qu'il y a beaucoup de considérations locales.

    Source : Activ' Radio

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le Jeudi 12 Décembre 2013 à 22:04 | Lu 4110 fois


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