Carnet de Jean-Pierre Chevènement

Le temps presse



Est-il possible d’être candidat à l’élection présidentielle en France en s’attirant d’emblée une condamnation du CRIF ? C’est ce qui est arrivé à Ségolène Royal après son audition par une commission du Parlement libanais, où un député du Hezbollah a - semble-t-il - tenu des propos inacceptables. On sait certes que le Président du CRIF, M. Cukierman, n’est pas un homme de gauche. Je ne puis cependant m’empêcher de regretter la vivacité de sa réaction que n’ont d’ailleurs pas partagée les dirigeants israéliens.

Ségolène Royal n’a pas rencontré les dirigeants du Hamas. Cependant il faudra bien parler un jour avec eux, ne serait-ce que parce que la démocratie, que les Américains se flattent d’instaurer au Proche et Moyen-Orient, les a désignés comme représentants majoritaires et donc légitimes du peuple palestinien.

On peut déplorer que quarante années de crise en Orient aient conduit à la quasi éviction des mouvements nationalistes laïcs au profit de formations islamo-nationalistes. Mais n’est-ce pas là le résultat de la politique aveugle tant d’Israël que des Etats-Unis ? Si on ne veut pas parler avec ces formations, c’est qu’on ne veut pas parler du tout. Hélas, selon des propos de Colin Powel qui m’ont été rapportés, il n’y a aucune initiative de ce genre à attendre de l’Administration Bush d’ici 2008 …

Pourtant le temps presse. Sans initiative courageuse tant vis-à-vis des Palestiniens que de l’Iran, il ne sera pas possible de rebrasser les cartes au Proche et Moyen-Orient et d’offrir aux Américains un retrait honorable d’Irak. C’est ce que devrait dire la Commission Baker-Hamilton si elle n’a pas peur de son ombre...


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Mardi 5 Décembre 2006 à 16:21 | Lu 13749 fois



1.Posté par wilfried le 05/12/2006 16:31
Les dangers et incohérences de la diplomatie à géométrie variable de Ségolène Royal

Le tout récent voyage au proche orient de la candidate socialiste Ségolène Royal a fait couler beaucoup d'encre et de salive dans l'hexagone, en particulier à cause des déclarations supposées d'un député libanais comparant les actions militaires israéliennes au nazisme.

Pourtant le véritable scandale de la visite de madame Royal me semble être ailleurs : tout d'abord, dans la fluctuation de ses positions diplomatiques en fonction des interlocuteurs ; ensuite, et surtout, dans son attitude, légère voir dangereuse, vis à vis des troupes françaises de la FINUL.

Ségolène Royal a désormais une maîtrise bien rôdée de la communication médiatique. Pour autant, la succès qu'elle rencontre au proche orient peut s'expliquer tout autrement. En effet,la candidate socialiste change de position diplomatique en fonction de ses interlocuteurs, inaugurant un nouveau genre de politique étrangère : la diplomatie à géométrie variable.

Ainsi lors de sa visite au Liban, madame Royal prend une position très claire concernant le survol par la chasse israélienne des positions des casques bleus basés le long de la frontière : "Je crois que les survols doivent cesser parce que c'est à la fois l'intérêt d'Israël et l'intérêt du Liban. Il faut respecter le mandat de l'Onu, le mandat de la Finul et donc il faut que ces survols cessent" (Reuters 1/12/06). Mais voilà, trois jour plus tard, lors de sa rencontre avec le premier ministre Ehud Olmert, elle prend une position bien différente. Ségolène Royal justifie désormais les survols des positions de la Force intérimaire des Nations unies au Liban par des appareils israéliens : "Je sais que ces survols sont liés à la défense de la sécurité d'Israël". (AFP, 4/12/06).

Cette volte face diplomatique est tout d'abord préoccupante, car elle rend la position de la candidate socialiste illisible, ou plus exactement, elle permet aux différentes parties en présence d'y lire ce qu'elles souhaitent. Madame Royal applique aux affaires internationales la même stratégie qui a fait son succès dans les affaires intérieures françaises : celle du « kaléidoscope que l'on se passe de main en main, tel que chacun puisse donner à sa guise au chaos du hasard la forme et la couleur qu'il préfère », selon le bon mot de Didier Motchane (Libération, 10/10/06).

Mais le véritable scandale est que Madame Royal a menti aux 1.650 soldats français engagés dans la Finul qui risquent leurs vies pour faire appliquer les résolutions de l'ONU et essayer de garantir la stabilité de la région. Alors que lors de sa rencontre avec le Général Alain Pélégrini, commandant de la FINUL, elle demande l'arrêt des survols israéliens qui mettent « en difficulté la Finul, porte[ent] atteinte à sa crédibilité » (Reuters, 1/12/06), elle donne finalement un blanc seing au gouvernement israélien pour qu'il poursuive le survol des positions de la FINUL. Volontairement ou non, consciemment ou non, la candidate socialiste expose ainsi directement les casques bleus, dont de nombreux soldats du pays qu'elle aspire à diriger. Le mépris de la vie de nos soldats au nom d'une pure stratégie de communication est tout simplement scandaleux.

"J'évaluerai en fonction de propositions qui me sont faites"

Les errements diplomatiques de Ségolène Royal ne s'arrêtent pas à ce dramatique épisode. Sa position vis à vis du Hamas, évolue jusqu'à la contradiction, au gré de ses interlocuteurs.

Ainsi, au Liban, la candidate socialiste n'excluait pas « de rencontrer des élus palestiniens du Hamas » (REUTERS 1/12/06). Elle restait toutefois très prudente sur un éventuel contact avec le mouvement islamiste palestinien : « Je verrai les propositions qui me sont faites mais s'il s'agit d'élus démocratiquement désignés, je verrai ». A Gaza, lors de son entretien avec le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, Ségolène Royal prend position pour le rétablissement des aides financières à l'autorité palestinienne, supprimées par la communauté internationale lors de l'arrivée au pouvoir du Hamas. (« A Gaza, la candidate appuie Abbas », Libération, 4/12/06).

Bref, au Liban et en Palestine, Madame Royal, bien que prudente, considérait que le Hamas avait une légitimité démocratique, puisqu'elle n'excluait pas de rencontrer certains de ses élus et prônait le rétablissement des aides financières au gouvernement dirigés par le Hamas.

Volte-face, lors de sa rencontre avec Ehud Olmert : "En l'état actuel des choses, où le Hamas est sur la liste des organisations terroristes, il n'est pas question de parler aux dirigeants du Hamas", (AFP 4/12/06). Elle a néanmoins estimé « qu'il peut y avoir d'éventuels contacts dans le cadre des discussions menées par le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pour former un gouvernement d'union » ; « Encore faudrait-il, a-t-elle ajouté, que le Hamas accepte les conditions fixées internationalement: reconnaissance de l'existence de l'Etat d'Israël et de tous les accords israélo-palestiniens conclus antérieurement, renonciation à la violence » (AFP 4/12/06).

Si on considère que le Hamas a une légitimité démocratique, ne-serait il pas logique que le gouvernement israélien reconnaisse le gouvernement palestinien sans préalable ? Inversement, si le Hamas est une organisation terroriste, pourquoi lui rétablir les aides financières dont une partie pourrait être détournée pour financer le terrorisme ?

Seule position sur laquelle la candidate socialiste n'a pas évoluée : le nucléaire iranien. Ségolène Royal s'est fermement engagée contre l'accès de l'Iran au « nucléaire civil » (celui-ci pouvant mener à terme au nucléaire militaire). Ce point mérite d'être débattu car Le nucléaire civil est élément clef du développement économique et écologique (pas de gaz à effet de serre) d'un pays. Par ailleurs, si les déclarations du président Iranien (appelant à « rayer Israël de la carte », ndlr) sont inquiétantes et doivent être prises au sérieux, nombreux sont les analystes qui estiment que l'arme nucléaire sert avant tout à sanctuariser un territoire, c'est à dire éviter une incursion extérieure et non à agresser.

Il est surtout à espérer que Madame Royal ne rencontre pas le gouvernement Iranien, elle pourrait alors se rallier au droit de l'Iran à disposer de l'arme nucléaire...

En France, Ségolène Royal met en avant sa féminitié et joue sur les états d'âme des français vis à vis de la classe politique. Force est de constater qu'en matière de politique étrangère elle est loin d'avoir l'âme et la stature d'une Femme d'Etat.


2.Posté par francois le 05/12/2006 16:55
Mon cher JPC,
plus que jamais, vous êtes attendu et malheureusement pas assez entendu... La pauvre ségolène royal s'est perdue dans ses petites fiches... elle a fait depuis, en israel, une somme de déclarations contradictoires absolument consternantes. La première lorsqu'elle a salué l'action d'Olmer en faveur de la paix, quelques mois à peine après l'offensive israelienne injustifiable au liban. On dirait une farce. qui donc a pu lui conseiller de dire cela ? Ensuite, et c'est dommage, car elle avait bien commencé au Liban (contrairement à ce que disait douste blazy, l'un des plus mauvais ministre des aff- etrangeres qu'on ait eu depuis longtemps )... en niant tout contact avec le Hamas qu'elle a qualifié d'organisation terroriste, quelques jours à peine après avoir déclaré qu'elle était prête à discuter avec tout le monde (évidemment)... là, c'est tout simplement affligeant pour quelqu'un qui prétend aux plus hautes fonctions. bravo, jean-louis bianco ! lui aussi, il avait du mal à relire ses petites fiches à l'époque où il était l'aboyeur de mitterrand.. Au fait, JPC, pourquoi ne vous occupez-vous pas de la com de Ségo ?

3.Posté par Jorg Schumacher le 05/12/2006 17:31
Chers camarades,

Je ne comprends pas tout ce tollé autour d'une candidate qui a malgré tout le courage de faire ses premiers pas en terrain miné, qui prend des positions claires et qui n'hésite pas à prendre des positions iconoclaste. La déclaration faite en Israël concernant le nucléaire iranien n'est qu'un autre exemple de cette démarche téméraire dont il est certainement trop tôt d'évaluer les impacts.
Par contre, je me demande d'où vient la légitimité de certains ténors de la droite qui critiquent cette attitude à tort et à travers:

Entre Marini et compagnie, qui se rendent en Irak en soutien de Saddam Hussein, Philippe Douste-Blazy qui cherche en vain des déportés britanniques sur le mémorial de la Shoah et un certain Jacques Barot à Bruxelles dont le seul mérite consiste à produire régulièrement l'hilarité involontaire, il semble que l'hôpital se moque de la charité.

Attendons donc, respectons le courage d'une démarche originale et arrêtons de penser qu'elle "se perd dans ses fiches" (ce qu'un certain ministre des affaires étrangères fait en permanence sans se voir adresser le moindre reproche) parce que c'est une femme.

Cordialement,

Jörg

4.Posté par Elie Arié le 05/12/2006 18:02
Ségolène s'est rattrappée, le CRIF lui a pardonné:
"Le Crif salue le soutien de Royal à Israël"
(lire la suite sur: )

On peut vraiment s'interroger sur le rôle du CRIF en France - pays non communautariste, comme chacun sait; à quel titre décerne-t-il des bons et des mauvais points à tout le monde? M. Cukierman est-il l'ambassadeur d' Israël en France? Jusqu'à quand les hommes politiques français continueront-ils à se rendre aux déjeûners du CRIF, pour y subir des cours de géopolitique mondiale, et s'entendre expliquer ce qu'il faut faire et ce qu'il leur est interdit de faire, sous peine de réprimande?

On reproche aux jeunes maghrébins d'importer en France le conflit israélo-palestinien en s'identifiant à ces derniers: mais que font donc d'autre les citoyens français du CRIF?




5.Posté par Royer le 05/12/2006 20:44
Je n'appelle pas courage l'ambition personnelle,.Assez de m'as-tu vu, un peu de modestie s'il vous plait Madame Royal

En prenant de gros risques pour les autres pour servir son image, à terme l'image va se ternir, à ce rytme elle n'ira pas au bout.

Si Jean-Pierre Clevènement avait le dixième de son temps d'écoute, la vie politique serait différente.

Courage!

Chevènement. Président



6.Posté par Ferré le 05/12/2006 22:03
Ce n'est pas parce qu'on a un Ministre des Affaires qui lui sont etragères qu'il nous faut demain une présidente de la diplomatie participative...

Beaucoup doivent frémir au Parti socialiste, les Français jugeront.

7.Posté par Bachir le 06/12/2006 02:51
Monsieur Jean-Pierre Chevènement,
Cher concitoyen,

Vous avez entièrement raison et, une fois de plus, je loue votre clairvoyance. Oui! le temps presse, je dirais même qu'il y a urgence! tant sur le plan international que sur celui du devenir de la France.

Je pense que le premier semestre 2007 est un tournant de l'histoire pour l'avenir de la France. Dans le contexte actuel de déclin de notre République et de déliquescence de notre société, cette échéance nous offre l'ultime opportunité de sauver la France. Oui! je dis bien: "sauver la France!". Et ce n'est pas faire acte de catastrophisme stérile que de le dire, c'est une instante expression de l'instinct de conservation.

Comment ne pas réagir de la sorte lorsque l'on est confronté au spectable lamentable que donne Mme Royale sur la scène diplomatique au Proche-Orient. Si ce n'était pas si grave pour la France, j'en rirais à me tordre!

Mais, enfin qui est cette femme? Pour qui roule-t-elle? Où va-t-elle? Je ne la sens pas du tout! Mais une chose est sûre, je n'en veux pas à la tête de mon pays. Pas plus, d'ailleurs, que des pseudo-républicains, déclarés, s'étalant sur les 180° de l'hémicycle. Ils ripolinent à tour de bras mais leur entreprise de ravalement électoral, périodique, fait offense, d'un côté à de Gaulle et, de l'autre à Jaurès.

Car, enfin, aujourd'hui, je ne vois pas comment on peut s'en sortir, en douceur, par les voies institutionnelles républicaines, sans avoir à la tête du combat un Président aussi authentiquement républicain de gauche que vous. Je ne comprends pas cette complaisance servile, pour les uns ou les unes et, la cabale et l'hostilité contre vous, de la part des médias. Ou alors, j'ose à peine le deviner!... S'agirait-il d'un complot médiatico-politique ourdi par l'establishment, appareil de la haute finance impérialiste internationale?

Si tel est le cas, les règles du jeu sont faussées. C'est David contre Goliath! Mais là, l'attaque doit se substituer à la ruse. Plus de quartier, il faut taper dur! Il faut bousculer tous ces pantins! Il faut asséner vos vérités. Il faut vous faire entendre par-dessus ce vacarme décérébrant, et porter votre voix jusqu'au plus profond de la France. Beaucoup de citoyens, aujourd'hui, stupéfiés par le chant des sirènes de la démagogie et du populisme attendent la voix de la raison, la vôtre!

8.Posté par euzenot le 06/12/2006 12:16
la communauté "juive" en France ne représente que 0,9 % de la population française, donc l'opinion du CRIF ......
Ségolène a raison plus ou moins sachant que le Peuple français est plutôt pro-arabe, que les députés du hezbollah ont été élus démocratiquement, je ne vois pas pourquoi ne pas discuter avec eux. Leurs propos n'engagent que eux mais il faut bien dire que les libanais qui sont sous les bombes israeliennes peuvent avoir des propos un peu hard.
Il faut dire aussi qu'Israel se fout un peu des résolutions de l'ONU et se conduisent en arrogants.

9.Posté par Elie Arié le 06/12/2006 17:46
Réponse à Euzenot.

On ne peut laisser passer la phrase: "la communauté "juive" en France ne représente que 0,9 % de la population française, donc l'opinion du CRIF ....."

D'abord, à ma connaissance, il n'existe pas de "communauté juive de France", et il est pour le moins choquant de lire ce postulat communautariste sur le site de Jean-Pierre Chevènement

Ensuite, le CRIF ne représente que lui-même, c'est-à-dire ses adhérents, et certainement pas "les juifs de France".
Ou alors, disons que le MRC représente tous les Français qui sont Républicains et Citoyens, qu'ils soient inscrits ou non à ce parti...


10.Posté par Royer le 06/12/2006 22:55
Pourquoi Chevènement peut gagner
Chevènement une reprise en main pour une remise sur pied?
(article dans RING)
www.surlering.com

11.Posté par Michel Angot le 07/12/2006 10:12
Le comportement de Mme Royal en Israel prouve une fois de plus son incompetence en politique internationale et son ignorance totale en geopolitique !
De telles "gaffes", et encore plus celles qui sont a venir, laissent craindre un "boulevard" qui s'ouvrirait devant M. Sarkozy.
Plus que jamais , par son experience et sa clairvoyance , JPC incarne seul les espoirs de la gauche...
Puissent les yeux des militants et responsables socialistes s'ouvrir et rapidement !



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