Carnet de Jean-Pierre Chevènement

Le bon sens populaire



Le bon sens populaire
Première sortie « sur le terrain » après ma déclaration de campagne hier soir, à 16H00, à la « portière » de l’usine de Mandeure (Doubs) de Peugeot Motocycles (PMTC). L’entreprise a décidé de délocaliser en Chine, par un accord avec l’entreprise chinoise Jinan Quingqi, la production des petits scooters de 50 cm3 qui constituent l’essentiel de son activité, en continuant à produire sur le site de Mandeure des scooters à plus forte cylindrée (125 cm3, voire 250 cm3) comme le Satelis, le Geopolis, etc.

Si on prend en compte l’usine de moteurs de Dannemarie (Haut-Rhin), l’effectif global de PMTC est déjà passé de 1 600 salariés en 2002 à 1 140 en 2006.

Le bon sens populaire
Le temps est étonnamment clément pour la saison : l’or des feuillages sur les bords du Doubs est vraiment splendide. Il y a là, devant la porte de l’usine, une trentaine de salariés dont de nombreux délégués syndicaux, avec un petit drapeau rouge, comme dans les films italiens. Le dialogue se noue très vite avec ces femmes et ces hommes de mon pays qui vivent avec de petits salaires (1 100 à 1 200 euros par mois) et qui se demandent comment maintenir en France l’outil de production. Ils se posent à juste titre la question de savoir si demain les Chinois qui payent leurs ouvriers environ 12 fois moins (100 dollars par mois) ne vont pas à leur tour fabriquer des 125 et 250 cm3. Qu’est-ce qui pourrait les en empêcher ? Il n’est aucune de nos capacités que les Chinois ne puissent acquérir... On sent les esprits partagés entre le fatalisme (que faire contre ce système financier qui nous dépasse tellement ?) et la révolte (qu’allons-nous devenir, nous et nos enfants ? Et Mandeure, Valentigney, Beaulieu, toutes ces petites villes industrielles des bords du Doubs ?).

Et les élus ? Leurs pensées se tournent, spontanément et paradoxalement à la fois, vers leurs élus de proximité, la Communauté d’Agglomération du Pays de Montbéliard. La discussion fort animée se poursuit près de deux heures, dehors d’abord, ensuite à l’intérieur d’un petit local syndical, autour d’un café chaud.

La discussion porte d’abord sur les formes de délocalisation : transferts de savoir faire et joint-venture comme ici, mais aussi stratégies d’investissement et de redéploiement des effectifs par les grands groupes industriels (Thomson) ou encore stratégies d’achats d’articles fabriqués dans les pays à très bas coût salarial des grandes surfaces (Auchan, etc.).

Le montant réel des effectifs employés dans l’industrie française supérieur à 6 millions de personnes fin 1982, alors que j’étais ministre de l’Industrie, est tombé à 3,8 millions aujourd’hui et les chutes d’emplois industriels s’accélèrent, particulièrement dans une région comme la nôtre dominée par l’automobile et la sous-traitance automobile. La création d’emplois tertiaires ne suffit pas à compenser cette hémorragie.

Une question domine : que faire ? Comment empêcher le patron de transférer techniques et capitaux ? Je leur réponds : euro moins cher, grâce à la reprise en mains de la Banque Centrale (en laquelle Le Monde d’aujourd’hui, dans son éditorial, persiste à voir un « bouc émissaire ») et surtout taxe antidumping social à l’échelle de l’Europe : j’explique que, s’il est normal que la Chine se développe, elle devrait le faire en s’appuyant moins sur l’exportation à prix cassés et davantage sur son marché intérieur : accepter la liberté syndicale, instaurer un salaire minimal, laisser le yuan s’apprécier à la mesure de ses excédents, etc.

Une question fuse : et l’Allemagne ? Acceptera-t-elle cette taxe antidumping social ? N’est-ce pas le moment d’en saisir l’opinion publique, en Allemagne comme dans le reste de l’Europe ? N’est-ce pas le rôle de la France ? On ne peut pas faire l’économie de la lutte politique ! Vous êtes des citoyens ! Et en République, les citoyens en principe, sont les maîtres !

Un mot jaillit : « Protectionnisme ! ». Ce n’est pas politiquement correct. Mais dans un monde où les inégalités de coût salarial resteront, des décennies durant, de 1 à 10, voire davantage, le bon sens populaire a fait entendre sa voix...

Si l’Europe veut préserver son tissu industriel et conduire ses grands groupes à maintenir et développer leur implantation en Europe même, il n’y aura pas d’autre solution que d’aller vers une économie mondiale plus ou moins régionalisée.


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Jeudi 16 Novembre 2006 à 20:55 | Lu 9994 fois



1.Posté par Guillaume le 16/11/2006 23:05
« Protectionnisme » ?
Merci de l'avoir lancé le mot ! Je compte sur vous pour le développer et pour en montrer toute la modernité !
Bonne continuation.

2.Posté par Xavier DUMOULIN le 17/11/2006 00:27
Belle démonstration qui lie l'économique et le social, la défense de l'emploi en France, la réorientation de l'Europe et la solidarité avec le peuple chinois (salaires, liberté syndicale) et l'ensemble des travailleurs des pays émergents.

3.Posté par Molhia le 17/11/2006 10:53
Monsieur Chevênement,
Lorsque l'éditorialiste du Monde dresse la liste des candidats à l'élection présidentielle qui dénoncent la stratégie monétaire de la Banque centrale, nous lisons : "Ségolène Royale, Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius et Nicolas Sarkozy". Où êtes-vous Monsieur Chevênement ?
J'observe que les médias ne vous font pas de cadeaux, et cela me fait mal parce que je partage vos idées, que je suis adhérent au MRC mais je ne peux pas croire que Le Monde soit de mauvaise foi en vous oubliant. J'ai malheureusement l'impression que peu de gens comprennent votre message. Dans mon entourage, votre nom est à peine connu (le MRC, n'en parlons même pas).
Vous le dites vous-mêmes, votre seule chance d'être Président de la République serait que les électeurs se penchent sur les idées, les propositions des candidats. Or, très peu de ces électeurs connaissent vos idées.
Où êtes-vous Monsieur Chevênement ?

Cordialement

4.Posté par Eouzan Jacky le 17/11/2006 11:13
Il faut établir une taxe portant sur le différenciel de coût de main d'oeuvre chargé des charges sociales entre le pays exportateur et le pays importateur. Ainsi au lieu de regarder toujours vers le plus bas, et on ne se grandit pas en regardant vers le bas, les pays tiers seront dans l'obligation de s'aligner vers le haut pour le plus grand bonheur de leur peuple. C'est lorsqu'il y a égalité de traitement que l'on peut parler de véritable concurrence. Evidemment celà ne va pas plaire aux actionnaires.

5.Posté par Bruno le 17/11/2006 12:28
Bonjour à toutes et à tous, et mrci surtout JPC de nous faire l'honneur de nous représenter.
pour renevir sur le mot "protectionnisme", je pense qu'il est le corrolaire du mot"délocalisation". Et pourquoi délocalisons-nous ? Pour continuer à assurer notre niveau de vie. Pour pouvoir nous acheter de la technologie dernier cri et bon marché. Des vêtemnts et des biens de consommation bon marché. BON MARCH2, voilà le maître-môt. Peu compatible avec la tradition de qualité made in France.
Si nous voulons réellement arrêter de délocaliser, posons-nous la question suivante : "Sommes-nous prêts à payer plus cher ce que nous consommons ? Et si notre pouvoir d'achat n'est pas extensible, et bien alors diminuons notre consommation. Et privilégions des produits de qualité qui dureront plus longtemps...
C'est simple, voire simpliste, je n'en disconviens pas, mais réfléchissons bien au sujet.
Quoiqu'il en soit, battons-nous aux côtés de JPC pour, à défaut de gagner, soyons réalistes, faire passer le seul message intelligent et de bons sens de la campagne.

6.Posté par Molhia le 17/11/2006 13:07
Oui, le MRC peut gagner ! Oui JPC peut devenir président !!!
Maintenant (depuis l'élection de Ségolène Royal) que le PS représente clairement le Oui au référendum européen (comme l'UMP et l'UDF), JPC peut marquer nettement sa différence en incarnant le NON de ceux qui ne sont ni d'extrême gauche ni d'extrême droite.
Confiance ! Courage !
Il ne nous reste plus qu'à faire connaître les positions du MRC.

7.Posté par Michka le 17/11/2006 13:26
Je réponds déjà à bruno : Ce qu'il décrit n'est que partiellement vrai. Il faut regarder le mécanisme dans sa globalité et voir que le libre échange exerce une pression à la baisse à la fois sur les prix et les salaires dans les pays développés. On a certes accès à des produits moins chers (même si une partie du différentiel de coût alimente aussi les profits des distributeurs) mais aussi des salaires moindre (il faut rester compétitif ...). Cela alimente une spirale récessive.

Maintenant, j'aimerais à mon tour revenir sur la notion de protectionnisme. Personnellement je ne comprends rien aux questions monétaires et je crois que je ne suis pas le seul. De plus, le discours sur l'euro fort, ça fait 15 ans qu'on en entend parler. Je crains que vous n'arriviez toujours pas à faire passer le message si vous ne changez pas la forme de votre discours.

Pourquoi ne pas parler simplement de protectionnisme, de droits de douanes, de tarif extérieur commun ou de protections commerciales ? Il me semble que les esprits sont aujourd'hui mûr pour entendre cette thèse. Alors, attachez vous au but plus qu'au moyens techniques pour l'atteindre. Si je peux me permettre un conseil, cher JPC, dans cette campagne, faîtes vous comprendre par l'électorat populaire qui souffre des délocalisations et n'intellectualisez pas trop votre propos ! Pensez aussi au niveau moyen des journalistes. S'ils ne comprennent pas, ils ne risquent pas de vous reprendre ... Encore une fois, personne ne comprend rien aux questions monétaires ...

8.Posté par Josée le 17/11/2006 14:47
Qu'est-ce qu'une économie mondiale plus ou moins régionalisée ?

A quel niveau ? La France est-elle une région ? La Catalogne ?Le pays de Montbéliard ?

Etes-vous pour une économie mondiale et une économie locale, très locale, au plus près du citoyen ?

9.Posté par Thierry le 17/11/2006 15:06
Par "économie mondiale plus ou moins régionalisée", je pense qu'il considérer le niveau continental (Europe, Afrique, Amérique du nord, Asie, ...) afin de constituer des ensembles au sein desquels il n'y a pas de grandes différences de salaires et conditions de travail.

10.Posté par Plot le 17/11/2006 16:25
Monsieur Chevènement,

Vous êtes le seul candidat en lice qui est compris la gravité de la situation que subit notre pays au niveau économique et institutionnel. Vos réponses sont claires et sans détour. Elles tranchent avec le "consensu mou" et le suivisme de vos concurrents. Vous êtes, de plus, le seul candidat dénonçant le système qui propose des solutions républicaines et censées bien loi du populisme et de la posture. Je souhaite que vos idées soient reprises partout et que l'évidence apparaisse: le seul vote UTILE pour la République contre les dérives que nous subissons, c'est de voter pour vous!

11.Posté par Bachir.Bach le 17/11/2006 21:37
Monsieur Jean-Pierre Chevènement,
Cher concitoyen,

D'un côté: l'hystérie médiatique pour les uns ou les unes; de l'autre: l'omerta puis la cabale pour un seul. Oui, seul contre tous, le Che! Il ne s'agit pas là de se vautrer dans une lénifiante imagerie d'Epinal; l'affaire est trop grave. Le Che, c'est le rebelle, celui qui va jusqu'au bout de ses convictions sans rien concéder. Oui! citoyen, tu as raison! La France fout le camp! Tu es le seul à le crier haut et fort dans ce désert aux mirages euphorisants, de démagogie et de populisme, qui se substitue au champs des idées et des valeurs républicaines originelles. Oui! la patrie est en danger! La mondialisation capitaliste ultralibérale, ourdie par les oligarchies financières internationales, précipite le monde vers l'apocalypse. Non! ce n'est pas du mysticisme halluciné que de le dire; c'est la fatale vérité. Tu es le seul, dans tout ce tintamarre abrutissant, à le dénoncer et à expliquer intelligiblement les rouages de cette mafia. Tu es le seul à énoncer les vrais moyens, les vraies réformes qu'il faut appliquer au plus vite, inexorablement. Oui, citoyen, tu es le seul aujourd'hui, en France, à posséder la stature présidentielle. Tu es le seul à porter les espoirs de tous les républicains démocrates de gauche, antilibéraux. Tu es le seul à pouvoir rallier tous les citoyens, désemparés, qui votent Le Pen par désespoir et ressentiment.Tu es le seul à incarner les valeurs de la République Française démocratique et laïque qui font ma fierté d'être Français. Tiens bon! ne concède rien, à personne! tu es le dernier rempart contre la destruction de notre société. Rendez-vous devant les urnes et, au delà, après la victoire!

12.Posté par jaurand le 19/11/2006 18:01
Je trouve JP CHEVENEMENT aussi compétent que SEGOLENE . Sur les problèmes européens , la candidate socialiste botte en touche . Pendant la campagne référendaire , elle avait déclarée aux électeurs de gauche " si vous dites NON à la constitution " le PS ne s'en remettra pas . Drole de réponse . Je ne suis pas tellement convainçu , non plus , de l'augmentation rapide du SMIC proposé par notre pauvre L . FABIUS . Pour ètre concurrenciel il faut d'abord lutter contre l'europe bien trop libérale . Hervé

13.Posté par les réactionnels de gauche le 19/11/2006 18:14
Bravo pour ta candidature, JP. Nous sommes nombreux à te soutenir, à nous souvenir que malgré les railleries tu avais raison avant les autres.

C'est d'ailleurs pour cela qu'ils te haïssent tant.

B. Borghésio-Ruff,
adhréent MRC au lendemain de ta déclaration de candidature.

14.Posté par Virginie le 20/11/2006 13:34
Bon à savoir, une réalité différente de la propagande du libéralisme économique et de certains ignorants.

La durée moyenne du travail pour l'ensemble des personnes ayant un emploi (salarié ou non, temps plein / temps partiel) est de :
- 36,3 h en France
- 36,2 h en Italie (12,7% de temps partiel)
- 35,1 h au Danemark (21,6% de temps partiel - durée officielle du temps de travail : 37H)
- 33,6 h en Allemagne
- 33,2 h en Espagne (35,5 h pour le temps plein - 16,4 h pour le temps partiel avec un taux de 12,4%)
- 31,7 h en Grande-Bretagne (37,2 h pour le temps plein - 15,7 h pour le temps partiel avec un taux de 25,5%)
- 30,1 h en Suède (36,1 h pour ceux "au travail" - taux de temps partiel à 20,3%)
- 29,2 h aux Pays-Bas (36,9 h pour le temps plein - 18,9 h pour le temps partiel avec un taux de 44% - durée officielle du temps de travail : 38H)
- 33,8 h aux Etats-Unis

La durée des congés payés est à peu près identique dans tous ces pays, sauf aux USA (deux semaines de moins).

http://travail-chomage.site.voila.fr/emploi/duree_travail.htm://

article basé sur les statistiques officielles de ces pays.

Voir aussi le site

http://travail-chomage.site.voila.fr/index2.htm://

de bonnes informations et analyses sur le travail et le chômage (comme son nom l'indique).



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