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"Vers une monnaie commune"


Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Journal Sud Ouest, jeudi 17 novembre 2011.


"Vers une monnaie commune"
Un accord avant le premier tour avec François Hollande est-il envisageable?
Jean-Pierre Chevènement:
J'apprécierai le moment venu. Tout candidat peut, par définition, se retirer. Y compris François Hollande s'il devait par exemple être moins bien placé que moi (sourire).

Nous entrons dans une période de crise majeure. Il faut donner un sens à tout cela. Or l'horizon de Nicolas Sarkozy se limite au maintien du triple A. Et François Hollande peine à s'évader de cette logique purement budgétaire. D'où mon engagement. Il sera difficile de me faire entendre. On m'attaque déjà sur le 21 avril 2002, mon appartement… Cela ne m'effraie pas.

Que pensez-vous de l'accord entre le PS et EELV sur le nucléaire?
Infaisable. Cela revient à mettre 250 milliards d'euros en l'air. Et suppose de revenir aux chaudières à gaz et à charbon alors que les émissions de CO2 explosent. Le fameux audit sur l'EPR de Flamanville n'ira pas loin. François Hollande a conclu un accord politique qu'il nuancera s'il est élu avec une majorité élargie. Il a montré une fermeté certaine sur l'EPR. Il ne pouvait faire moins, tant celui-ci est vital pour nos exportations.

Entre ce qu'elle nous rapporte à l'export et les économies qu'elle nous procure, la filière nucléaire pèse 12 milliards d'euros par an. Ce n'est pas sérieux de vouloir la démanteler quand le problème numéro un du pays est le déficit de 75 milliards de la balance commerciale.

Il y a urgence à réindustrialiser le pays. J'avais démissionné de mon poste de ministre de l'Industrie en 1983 parce que le gouvernement n'allait pas dans ce sens. Aujourd'hui, cette idée s'impose.

Comment voyez-vous l'avenir de la zone euro?
Si Nicolas Sarkozy était parvenu à convaincre à temps Angela Merkel de transformer la Banque centrale européenne en moteur, on aurait pu garder la monnaie unique avec un gouvernement économique européen. Et en faisant un petit pas vers le fédéralisme. Cela aurait été la meilleure solution. Mais l'Allemagne avance trop lentement vers cela. Et les événements se précipitent. L'arbre grec cachait la forêt italienne. Si l'Italie tombe malade, la contagion à la France sera immédiate.

Je pense que nous serons contraints d'appliquer tôt ou tard le plan B. À savoir une mutation organisée de l'euro de son statut actuel de monnaie unique vers celui de monnaie commune. L'euro servant aux grands échanges internationaux et chaque pays revenant en interne à une monnaie propre, fluctuante et renégociée chaque année au niveau européen.

Derrière cette situation se pose le problème majeur de la souveraineté et de la démocratie. Va-t-on construire une Europe post-démocratique, où les dirigeants seront désignés par l'urgence budgétaire comme c'est déjà le cas en Italie et en Grèce ? Jean-Claude Trichet est-il le futur Premier ministre de la France ? (sourire) Se dirige-t-on vers un fédéralisme coercitif, imposant à la France la fin de sa souveraineté, de sa force de dissuasion, de la gestion de son budget et de ses impôts ?

Quelles sont vos solutions?
Une monnaie moins chère, une mobilisation pour faire redécoller la croissance en réindustrialisant le pays, un retour à la souveraineté nationale et la mise en place d'une Europe réaliste. Le pire pour la France serait de rester collée à une mini-zone européenne à l'euro fort. En réalité, au mark.

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Source : Sud Ouest


Rédigé par Chevenement.fr le Jeudi 17 Novembre 2011 à 09:59 | Lu 3160 fois



1.Posté par Guillaume DELYE le 17/11/2011 10:44
Le plan B passe par la création d'un Euro Bis et non d'une monnaie commune

Pour que l'euro, monnaie commune, garde une certaine liquidité dans les échanges internationaux, il faudrait que les dettes souveraines soient toujours libellées dans cette monnaie. Autrement, cet 'euro, ne tarderait pas à devenir, à l'image de l'ECU de naguère, une monnaie marginale qu'une poignée d'entreprises ou pays comme l'Allemagne garderaient par pur fétichisme. Or, si les dettes des Etats restaient libellées en euros (A vrai dire, il n'y aurait pas d'autre choix sur le plan juridique), cela réduirait à néant l'intérêt de toute dévaluation puisque le surcroît de compétitivité du commerce extérieur serait entièrement absorbé par l'appréciation de la dette en euro.

La situation de coexistence de monnaies nationales avec une monnaie commune nous ramène au fonctionnement du SME tel qu'il existait avant l'euro. Or, le diktat des marchés se faisait déjà sentir, quand par trois fois en 1981/1982, un certain Gouvernement socialiste avait été contraint de dévaluer le franc français et se convertir l'année suivante à la rigueur monétaire. Notre pays avait déjà perdu à cette époque toute forme réelle de souveraineté économique du fait de l'intégration européenne déjà à l'oeuvre. L'on ne ferait ici que changer la nature de la spéculation qui, au lieu d'être budgétaire, redeviendrait monétaire et sans que cela ne donne le moindre levier d'action aux Etats.

Je pense que la préférence de certains pour un retour aux monnaies nationales plutôt qu'à la création d'une seconde monnaie européenne provient de la volonté de réhabiliter l'idée de Nation dans la cadre même de la Nation alors qu'il serait préférable, à cinq ou six pays, de créer une Europe des Nations qui soit capable de dégager les moyens nécessaire à une renaissance des nations dans un cadre supranational mais sur la base d'idéaux partagés.

Il nous reste à imaginer le monde de demain par un débat démocratique aussi large que possible car l'avenir ne peut se réduire ni au statu quo ni à un retour aux recettes du passé,

2.Posté par Edwige BRUN le 17/11/2011 10:46
La dette publique est une catastrophe pour les Etats mais une affaire très rentable pour les détenteurs de dettes, les banques privées et les marchés financiers. Les Etats doivent leur payer des intérêts énormes, c'est le service de la dette qui est énorme et illégitime. Les banques centrales et la BCE n'ont pas le droit de financer les Etats gratuitement depuis les traités européens. Le pouvoir politique ne peut plus "battre monnaie" pour l'essentiel, il est soumis aux marchés financiers. Il faut rendre ce 4ème pouvoir à l'Etat pour sortir de la dette et pour une société plus juste.Une monnaie commune ne modifiera pas l'engrenage de la dette.
Il ne suffit pas de mettre la tutelle sur les banques, il faut que l'Etat se libère des banques pour financer les services publiques sinon, ils seront à leur tour privatisés.
Qu'en pense votre parti?

3.Posté par Guillaume DELYE le 17/11/2011 12:42
Je pense que l'informatisation du scrutin informatique que dénonce Dona Ferentes est en effet un danger pour la démocratie (Bush Junior avait été élu d'extrême justesse en 2000 du fait qu'un certain nombre d'électeurs avaient perforé leur bulletin de vote au mauvais endroit pour des raisons techniques). Vous avez donc raison de dire que les responsables politiques de gauche devraient alerter sur les dérives possibles de ces nouvelles machines à voter et prendre l'engagement de revenir à de véritables élections.
En attendant, je pense qu'il faut malgré tout voter car si ces machines à voter donnaient lieu à des fraudes, l'écart entre le score affiché et le score réel constituerait la mauvaise conscience du parti fraudeur. Il ne faut pas négliger cette dimension psychologique.
A brève échéance, la seule parade possible serait d'envisager un vote par procuration dans une petite commune.

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