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"Peut-on faire confiance à Moscovici pour rebattre à Bruxelles des arguments qui ont longtemps été les siens ?"


Jean-Pierre Chevènement était l'invité de PolitiqueS sur LCP, samedi 11 octobre 2014. Il répondait aux questions de Serge Moati.


Verbatim express :

  • J'ai été élu député du Territoire de Belfort en mars 1973, il y a 41 ans. Le département était entièrement à droite en 1972, avant que je ne sois élu, et il se retrouve aujourd'hui de nouveau entièrement à droite. Que s'est-il passé ? 40 années, c'est le temps nécessaire pour hausser une ville à un niveau où elle n'était pas, avec une université, un TGV, une organisation qui a beaucoup changé, mais il se trouve le Parti Socialiste belfortain, à force de vouloir éradiquer le chevènementisme, s'est de la sorte éradiqué lui-même, de sorte que la droite est devenue maîtresse du terrain.
  • Il est très difficile de se faire élire en France contre le PS et l'UMP, sauf à ces sénatoriales de 2008 qui m'ont amusé, puisque j'ai été élu contre un candidat UMP et contre un candidat PS, bien que ce dernier se soit maintenu contre moi au second tour.
  • Ma vie politique a été pleine, et j'ai fait ce que j'ai voulu. J'ai d'abord contribué à l'Union de la gauche, j'ai été un des créateurs du Parti Socialiste d'Epinay, je l'ai fortement influencé à travers ses deux programmes, j'ai été quatre fois ministres. Mais il y a quand même une césure car, si j'ai été un acteur essentiel, j'ai été aussi un témoin privilégié du grand retournement du PS et de son ralliement au libéralisme.

  • Tournant libéral de 1983, Acte Unique, traité de Maastricht, euro, libération des mouvements de capitaux y compris vis-à-vis de pays tiers : il n'y a pas que l'alliance des multinationales américaines avec le PC chinois, l'implosion de l'URSS, qui expliquent la situation actuelle. Un certain nombre de Français, notamment des socialistes comme Jacques Delors et son équipe, ont joué un rôle majeur dans ce que j'appelle très avec gentillesse un grand retournement, en fait une conversion au néolibéralisme.
  • Quant à moi, depuis 1983, je dis autre chose : il était possible de faire une conversion républicaine. On était pas obligé d'abandonner l'Etat-stratège, de codifier à l'échelle mondiale la libération des capitaux, d'abandonner l'idée de faire des grands plans technologiques, d'abandonner l'universalisme français... on pouvait conserver un certain degré de contrôle sur un capitalisme financier devenu fou. Or nous l'avons accompagné, et même, nous l'avons précédé.
  • La France était un grand pays universaliste, qui avait un message à dire au monde, et elle a oublié de le faire. Ce qui explique la crise actuelle, le désamour pour la France elle-même, des citoyens mais aussi de ceux autrefois s’agrégeaient à elle, crise de l'intégration, ou de l'assimilation. Pour que des gens veuillent devenir Français, il faut d'abord s'aimer assez soi-même pour avoir envie de donner le désir de devenir Français.
  • Je continuerai à proposer mes remèdes, à la tête de mon parti ou à travers la Fondation que je préside, ou à travers des livres, ou dans les médias.
  • François Hollande a hérité d'une situation très difficile. Mais ce n'est pas nouveau. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? La monnaie unique unique n'a pas tenue ses promesses. Au lieu de conduire à des convergences, elle a conduit a des divergences. Savez-vous par exemple que l'écart de revenu entre la Grèce et l'Allemagne a doublé depuis 1999 ? Même entre la France et l'Allemagne, nous avions à peu près le même niveau de vie par habitant. Aujourd'hui, l'Allemand a un niveau de vie supérieur de 13%. Nos coûts ont dérapé, et notre balance extérieure est largement déficitaire. D'autres pays européens en crise ont réussi à réduire leur déficit commercial, mais en diminuant leurs importations. Est-ce vraiment un modèle ?
  • Le problème n'est-il pas aussi le traité budgétaire européen, dit TSCG, qui a obligé tous les pays européens à réduire ensemble leurs déficits, ce qui produit un effet boule de neige. Si tout le monde fait la même chose, il s'ensuit une dépression, un ralentissement des rentrées fiscales, donc le déficit budgétaire est augmenté au lieu d'être diminué. Il faut aujourd'hui sortir de ce cercle vicieux.
  • Le budget de la France risque d'être retoqué à Bruxelles du fait du TSCG. Peut-on fait confiance à Moscovici pour rebattre à Bruxelles des arguments qui ont longtemps été les siens ?
  • Je souhaite que François Hollande tape du poing sur la table, et mette un peu de pragmatisme dans la politique européenne. L'action de Mario Draghi à la tête de la BCE ne suffira pas.

  • Il est paradoxal que tous les pays qui étaient attaqué par l'Occident aient été d'anciens pays dits progressistes, laïques, même dégénérés : l'Irak, la Libye, la Syrie, le Yémen. Ce sont ces pays qui ont « bénéficié » du fameux droit d'ingérence. Il est vrai que la situation initiale n'était pas brillante, mais d'autres pays dans le monde arabe ne sont pas beaucoup plus brillants, notamment certaines monarchies pétrolières qui ne sont pas des parangons de progressisme.
  • Au départ, le choix de la guerre était erroné. Il était possible en 1991 d'obtenir l'évacuation du Koweït par la voix diplomatique. Mais les Américains voulaient aller à la guerre. Cette guerre a entraîné des bouleversements considérables que nous payons encore : l'embargo, puis la deuxième guerre d'Irak. On a cassé un pays qui était le verrou du monde arabe face à l'Iran, qui est devenu une sorte de protectorat iranien dominé par les chiites, mais en même temps les sunnites ont été maltraité, et s'est produit une radicalisation à travers le Califat islamique.
  • Il faut trouver le moyen de dissocier les tributs sunnites du Califat islamique et reconstruire un Irak digne de ce nom, si possible laïque. Essayons de promouvoir les éléments de modernité dans le monde arabe et musulman.
  • L'Iran est évidemment la grande puissance de la région. Ce pays doit accepter un certain nombre de règles, notamment en matière nucléaire, mais en même temps personne ne fera que l'Iran, qui a 80 millions d'habitants, ne soit pas la grande puissance de la région. Il y en a une autre, c'est la Turquie. Donc il faut penser un équilibre.
  • On ne fait pas de la politique sous le coup de l'émotion, mais quand on a une vision et quand on en réunit les moyens.


le Mercredi 15 Octobre 2014 à 18:11 | Lu 4898 fois



1.Posté par Jacques Redonnet le 25/10/2014 16:56
Jean Pierre,merci d"avoir gardé le cap.

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