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"Ce qui est en jeu, c’est l’avenir de nos concitoyens de tradition musulmane dans la République française"


Jean-Pierre Chevènement était l'invité d'Europe 1 Matin, mardi 16 août 2016, il répondait aux questions de Samuel Etienne.


Verbatim :

Nous vivons un temps d’épreuves. Je n’ai pas besoin de vous le rappeler, les attentats de Nice, c’était il y a un mois.
Face à ces épreuves, les pouvoirs publics et l’ensemble de nos concitoyens ont un certain nombre de devoirs. D’abord, comprendre ce que signifie la présence en France de quatre millions cent mille musulmans, ce sont les statistiques de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) qui sont pour la plupart français, et il y a un gros effort à faire, non seulement pour les accepter, les comprendre et faire qu’ils puissent bénéficier de tous les droits dont disposent les citoyens français.

La Fondation pour l’Islam de France sera reconnue d’intérêt public, qui n’interviendra pas dans le domaine du cultuel mais par exemple dans la formation profane des imams.

[Quand serez-vous à sa tête ? ] quand le conseil d’administration se sera réuni et m’aura désigné, s’il veut bien me désigner. Personnellement, je ne suis pas candidat, je suis disponible. J’ai dit que je ne me déroberai pas à cette demande parce que je crois qu’elle répond à un grand intérêt public.

Ce qui est important pour promouvoir cette fondation qui n’aura que des objectifs profanes, c’est-à-dire la formation des imams aux principes généraux du droit ou bien encore une meilleure connaissance de la civilisation musulmane, le financement d’un institut profane en islamologie, la promotion de projets culturels ou éducatifs par des associations de jeunes - prenons l’exemple des scouts musulmans. Disons que beaucoup de choses sont à faire pour créer des ponts entre nos concitoyens, qui ne sont pas toujours musulmans, de tradition musulmane, mais dont certains sont de confession musulmane, ils doivent pouvoir pratiquer librement leur culte. J’avais pris des initiatives à ce titre en 1999. C’est, j’imagine, ce qui a déterminé M. Cazeneuve à faire appel à mes services.

[Sur le burkini] C’est une question dont je ne devrai pas avoir à m’occuper, parce que la Fondation a un tout autre objet. Disons que les gens sont libres de prendre leur bain, costumés ou non. Il y en a même qui le prennent entièrement nus. Ma position, c’est la liberté, sauf nécessité d’ordre public. Je pense que quand il y a la possibilité de heurts, comme il a pu s’en produire à Cisco en Corse, le maire de Cisco, comme le maire de Cannes, sont fondés à prendre des arrêtés, cela fait partie des pouvoirs des maires qui sont chargés d’assurer la tranquillité publique. Il ne faut pas flatter les communautarismes, les exaspérer, pour les dresser les uns contre les autres. Il faut dans la société française plus d’amitié civique.

Avant de me laisser entraîner dans une polémique subalterne et stupide, je voudrais rappeler qu’en 1999, j’ai lancé une consultation de toutes les sensibilités de l’Islam, qui a abouti à la rédaction d’un texte, « Principes régissant les rapports entre la puissance publique et le culte musulman », et que sur cette base, nous avons travaillé, des hauts fonctionnaires des finances, de l’Intérieur, des autorités musulmanes, et nous avons dégagé un certain nombre de pistes, par exemple celle des baux emphytéotiques, qui ont été largement utilisés, et qui ont permis de combler de graves lacunes qui existaient à cette époque-là, et il en existe encore. Je voudrai montrer que la république a déjà agi.

Maintenant vous m’interrogez sur la « discrétion », je ne vais pas me dérober à cette question. Nous sommes une république laïque, cela veut dire que nous distinguons un espace public, qui est un espace laïque, dans lequel les citoyens, à égalité, sans qu’il soit question de leur origine ou de leur religion, débattent. Si possible avec des arguments raisonnables, à la lumière de la raison naturelle, pour définir ce qui est l’interêt général de la République. Et puis, il y a l’espace religieux, où chacun est libre. La laïcité a pour but d’épanouir la spiritualité, elle n’est pas dirigée contre la religion, elle est mal comprise aujourd’hui. Par conséquent, la spiritualité est une chose, elle peut se développer librement, et chacun peut y trouver des motivations pour son engagement, mais dans l’espace public, on s’efforce d’avoir recours à des arguments raisonnables. J’ai repris l’expression employée par le recteur de la mosquée de Bordeaux, Tareq Obrou, qui a dit à mon avis à juste titre que naturellement les musulmans seraient bien inspirés de faire preuve d’une certaine discrétion, comme d’ailleurs tous les autres qui le font.

Je vous rappelle qu’on a demandé aux catholiques, aux juifs et aux protestants aussi de faire preuve d’une certaine discrétion, parce que dans l’espace public, c’est l’argumentation raisonnée qui l’emporte.

Je pense que les hommes politiques ont un certain devoir de responsabilité. Toutes les vagues antérieures de l’immigration en France, si l’on prend les immigrés venant de l’Europe centrale, polonais, ukrainiens, russes, arméniens, juifs, ou encore venant de l’Asie du Sud Est, ont fait quelques efforts pour adopter nos us et coutumes. Je pense que ce même effort est requis de tous. Il faut que chacun cherche à s’intégrer à la société française. L’intégration, ce n’est pas un gros mot, cela veut dire avoir accès aux codes sociaux qui permettent l’exercice des libertés, notamment des libertés civiques.

Tout le monde doit faire cet effort. Beaucoup le font, et le font sans peine, parce que cela ne les empêche pas du tout de garder leur quant à soi, leurs croyances, et leurs manières de faire.

L’identité française est mouvante, elle s’enrichit de leurs apports, mais chacun doit faire un effort pour que dans le cadre de la république laïque, ce soit la paix civile qui l’emporte. Et je ne me range pas du côté de tous ceux qui appellent à l’exaspération des communautarismes. Je ne pense pas qu’il faille encourager les provocations de quelque nature qu’elles soient, et je pense que ce qui est en jeu, c’est l’avenir de nos concitoyens de tradition musulmane dans la République française.


le Mardi 16 Août 2016 à 16:49 | Lu 8979 fois



1.Posté par Chantal MIDENET le 17/08/2016 01:38
Madame Laurence Rossignol s'intéresse au Pokémon Go, c'est une passionnée des jeux semble t-il :
http://www.dailymotion.com/video/xyxjm8_la-senatrice-laurence-rossignol-joue-pendant-les-debats_tv
Elle pouvait s'occuper en priorité de cette dame... ça rentre dans ses fonctions :
https://www.francebleu.fr/infos/societe/retraitee-et-handicapee-elle-vit-dans-sa-voiture-dans-l-agglomeration-de-dax-1469204961
Je suis certaine que Monsieur Chevènement s'occupera parfaitement de la Fondation pour l'islam de France, sans jouer.
Quant à moi, que l'on ne me parle pas de religion !!

2.Posté par Emmanuel GILQUIN le 17/08/2016 02:15
Votre légitimité repose essentiellement sur votre démission de 1991 pour refuser de cautionner la première guerre d'Irak. Vous n’êtes pas musulman, mais par ce geste unique en Occident ,vous avez acquis la qualité d'Ami du peuple arabe et donc, en particulier, des musulmans. Il faut que cela se sache, autrement que par les quolibets de Madame Duflot (qui a fait un flop en matière de logement). C'est pourquoi j'espère que vous publierez rapidement vos souvenirs et verbatim sur cette période.
C'est la condition du succès de cette mission.

3.Posté par Yvon GRINDA le 17/08/2016 19:00
Le mot « discrétion » de Jean-Pierre Chevènement a fourni de nombreuses interprétations au point d’être qualifié de propos colonialiste !
Les surenchères appelant d’autres surenchères peut amener à une frontière dangereuse qui peut être franchie en devenant un point de non retour excessivement dangereux pour l’avenir de notre savoir vivre ensemble.
Il serait regrettable de tomber dans le piège de tous les professionnels de la provocation ( quels qu’ils soient ) qui, au cours de l’histoire de notre pays ont toujours essayé subrepticement d’exploiter l’ostracisme ( certes, parfois bien réel ) manifesté à l’égard d’une fraction de la population.
Quand de nombreux accoutrements autour de nous ( même choquants ) sont décrétés « admissibles » il est difficile de faire comprendre qu’un autre ne le soit pas, parce qu’il est sensé se référer à une communauté, une religion : c’est faire beaucoup de cas de cette prétendue référence et la rendre maîtresse d’une victimisation voulue et organisée.

4.Posté par Brahim BOUGHAZI le 18/08/2016 10:38
Effectivement Mr Chevènement ce qui est en jeu c'est l'avenir des musulmans en France.
Je ne nie pas votre bienveillance envers cette religion, votre connaissance de cette culture.
Dans cette actualité très tendue, la France à besoin de l'adhésion de l'ensemble des musulmans pour faire face aux défis des années à venir contre le terrorisme.
A l'instar du CFCM voulu par Mr Sarkozy, la fondation pour l'islam perdra toute légitimité au sein des Français musulmans avec vous a sa tête.
Cette question de l'adhésion des personnes qui forment cette religion est primordiale, si l'on veut redonner un second souffle à cette fondation !

5.Posté par Carl GOMES le 18/08/2016 23:52
Je suis totalement en accord avec l'expression de "discrétion" choisie par Mr Chevènement. La moindre des choses que l'on puisse demander en ce moment aux musulmans qui ont choisi de vivre en France est de faire preuve de discrétion, à défaut d'intégration...
Pour une fois, la décision de Hollande de nommer une personnalité de la sphère publique qui ne soit pas un responsable religieux, et qui puisse être un référent en matière de laïcité, à la tête du Conseil français du Culte Musulman est une bonne décision, car la situation devient urgente et le sujet est épineux. La tâche confiée à Mr Chevènement est donc très difficile !
D'une part, je rappelle le contexte actuel: depuis novembre 2015, plus de 200 Français "de la rue" ont perdu la vie, parfois de manière barbare, victimes d'attentats terroristes commis de manière continue; d'autre part ces attentats ont été commis au nom d'Allah, et ont tous été revendiqués par l'Etat Islamique.
Ces attentats ont tous été commis par des Français ou des Belges appartenant à l'Union européenne.
Des tensions apparaissent, comme l'événement qui s'est produit récemment en Corse. Le problème de la place de l'islam au sein de la République française se pose.
La solution proposée par Mme Vallaud-Belkacem, et plus largement derrière elle l'éducation nationale et le parti socialiste appelée "vivre ensemble" est une mauvaise solution. Le modèle français adopté jusque-là suite aux mouvements migratoires n'est pas celui de l'adjonction de communautés, mais celui de l'intégration. Ce n’est pas le cas des Etats-Unis ou de l’Angleterre ; mais il est très difficile d’acquérir la nationalité américaine et les Anglais semblent vouloir bloquer les migrants actuels (provenant d’Irak, de Libye et de Syrie) à Calais.
Or, à mon avis, il y a un problème d’intégration avec les musulmans. S’intégrer, ça ne veut pas dire « s’inviter ». C’est d’abord apprendre une langue, le français, une culture, une histoire (« Nos ancêtres les Gaulois »), afin de s’assimiler…
Face à cela un triple phénomène : d’une part l’augmentation très importante de musulmans depuis ces 10 dernières années qui a rendu l’assimilation quasi-impossible (on ne connait pas même pas le nombre de musulman, même approximatif, les statistiques ethniques ayant été interdites !…). D’autre part l’échec de l’éducation nationale, en particulier dans les banlieues (mais nos dirigeants politiques ayant leurs enfants à Louis le Grand ou à l’ESSEC ne peuvent pas s’en rendre compte).
Enfin l’Union Européenne, qui n’a de cesse de discréditer les états et de mettre en avant les régionalismes. On n’aurait jamais cru possible une scission entre l’Ecosse et Angleterre ou la Catalogne et l’Espagne possible.
Et pour terminer (j’y tiens !), la terrible médiocrité de nos responsables politiques – disons depuis environ 50 ans-, imbus de pouvoir et d’argent, ayant contribué à affaiblir l’état, qui aurait dû et devrait montrer le « modèle d’intégration », mais qui n’ont eu de cesse que de vanter ou copier ce qui se fait ailleurs, ont décidé la fin de l’indépendance de la France sur plan international (avec l’appartenance à l’OTAN), approuvé et accompagné la vente de nos grandes entreprises notamment dans l’industrie, sali l’histoire de France(repentance perpétuelle) …

6.Posté par Emmanuel GILQUIN le 19/08/2016 03:00
Vers un observatoire de l'islamophilie
Mon instituteur de CM1 en 1954, à Calais, était Horace Galler, pionnier de l'informatique appliquée à la dentelle (métier Rachel). En fin de journée il arrêtait les cours pour nous lire les Mille et une nuits, le nombre de minutes dépendait des bonnes réponses. Il nous parlait du khalife Haroun al Rachid, qui se promenait le soir dans les rues de Bagdad avec le seul Mesrour, chef de ses gardes ( on ne dit pas eunuques pour ne pas choquer les enfants, ni contredire Madame Taubira) .Nous souhaitions tous imiter la générosité d'Haroun al Rachid, qui offrit à son ami Charlemagne un jeu d'échecs et un éléphant. La sculpturale Zubeida, épouse du calife, toute habillée de mousseline transparente(tissée à Mossoul) hantait nos rêves d'enfant. Je ne crois pas que le burkini ait le même effet aujourd'hui....
Aujourd'hui, en Iran les jeunes femmes d'Ispahan concilient la tradition islamique avec des voiles de mousseline qui tombent d'une coiffure très haute et mettent en valeur des yeux incroyablement séduisants. Cet islam moderne et sympathique convertirait même les François (pape ou président).

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