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"François Hollande doit aller très loin dans la voie d'un véritable changement de politique"


Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Radio Télévision Suisse, mardi 12 novembre 2013. Il répondait aux questions de Simon Matthey-Doret.


"François Hollande doit aller très loin dans la voie d'un véritable changement de politique"
le_journal_du_matin_20131112_standard_l_invite_du_journal_787049f1_0054_4a3b_a22e_a97908a4961e_128k.mp3 Radio Télévision Suisse - L'invité  (21.05 Mo)

L'entretien est podcasté sur le blog ci-dessus.

Verbatim express :

A propos du 11 novembre
  • Les personnes qui ont hué le Président de la République le 11 novembre ont démontré leur incivisme. Le 11 novembre est un moment de recueillement. Il n'y a pas de place pour les hués.
  • La Première Guerre mondiale a été le début d'une guerre de trente ans, qui ne s'est véritablement achevée qu'en 1945.

    Critique des institutions européennes
  • La nation est le cadre de la démocratie. Elle est par conséquent le ressort du politique. Et je constate que si l'Europe a beaucoup déclinée au cours du siècle passé, ce n'est pas seulement du fait des deux guerres mondiales, mais aussi d'un mécanisme de décision totalement aboulique.
  • Les institutions européennes nous privent de toute politique cohérente en matière commerciale, industrielle, monétaire. Nous avons une monnaie tout à fait surévaluée. Le citoyen se trouve dépourvu de toute prise sur les décisions que prennent la Commission européenne, la Banque centrale, etc. Nous sommes en pilotage automatique.
  • Les marges de manœuvre des gouvernements se sont tellement réduites qu'ils ne peuvent plus rien faire, sinon peut-être faire la guerre.

Sur les négociations pour le marché transatlantique
  • La France a imposé la prise en compte de l'exception culturelle dans les négociations transatlantiques. Mais aussitôt M. Barroso a déclaré que cette position était réactionnaire. Nous sommes aux mains d'institutions ultralibérales, qui veulent détruire, par exemple, les normes qui protègent l'Europe.
  • Il y a lieu d'être préoccupé quand nous voyons qu'en réalité, l'Europe n'est qu'une construction à l'ombre de la tutelle américaine.
  • Je suis européen mais je ne suis pas européiste. L'européisme consiste à faire un grand marché, et pour ce qui est des questions militaires ou diplomatiques, on s'en remet pour l'essentiel aux États-Unis. C'est aussi le cas pour les questions économiques, pour les réglementations environnementales, sanitaires.
  • Je mets en cause cette conception de l'Europe, et je pense qu'une autre Europe, fondée sur la réalité des nations, permettrait de mieux définir ce que nous avons en commun, et de mieux définir les efforts que nous avons à faire pour exister dans un XXIe siècle qui sera dominé par les États-Unis et la Chine.

    De la monnaie unique à la monnaie commune
  • La monnaie unique s'applique à des pays dont la structure économique est extrêmement différente. Sans même prendre la Grèce, il y a beaucoup de différences entre l'Allemagne et l'Italie, par exemple. L'Allemagne a un tissu dense de moyennes entreprises compétitives et exportatrices. La France a tout sacrifié à la constitution de grands groupes de taille mondiale. Mais cela a beaucoup d'inconvénients, car ces grands groupent investissent et font leurs profits à l'étranger, et oublient un peu la France.
  • Nous sommes dans une situation où, du point de vue monétaire, une monnaie forte convient très bien à l'industrie allemande. Mais cette monnaie écrase l'industrie française, qui est sensible à la concurrence par les prix. On calcule que l'Allemagne peut s’accommoder d'un euro à 1,80$ tandis que la France souffre au dessus de 1,24$.
  • Il faut un système où une monnaie commune chapeaute des monnaies nationales reconstituées, mais qui fluctuent dans d'étroites bandes fixées par négociation en fonction de la compétitivité de chaque pays. On pourrait imaginer une circulation parallèle des deux monnaies, l'euro étant réservé aux transactions internationales. On pourrait aussi imaginer des travelers cheques en euro.
  • Cette monnaie commune permettrait de faire l'économie de déflations internes très douloureuses. Une dévaluation monétaire serait beaucoup moins douloureuse que les dévaluations internes pratiquées en Grèce ou en Espagne.
  • Quand on a fait une erreur, et la monnaie unique est une erreur, il faut être capable de la corriger.

    Sur le FN
  • Le mot eurosceptique me laisse perplexe. Il y a des gens qui critiquent la construction européenne pour des raisons assez différentes. Il ne faut pas tout mélanger : le FN, le FdG, le MRC, le mouvement de M. Dupont-Aignan. Ce sont des gens différents, comme il y a des gens différents parmi les fanatiques de la monnaie unique à droite et à gauche.
  • Il y a des campagnes du FN qui prétendent que d'ex-MRC rejoignent le FN. Il y a un dirigeant du FN qui déclare avoir soutenu ma candidature en 2002. Moi je ne l'ai jamais rencontré. Si c'est vrai, il a pu ensuite se radicaliser.
  • Le FN a développé son audience sur la base d'une politique gravement erronée, celles menées par des gouvernements de droite et de gauche.
  • C'est en 1983 que les socialistes acceptent la « parenthèse libérale », ce sacrifice des politiques nationales dont on disposait jusque-là. Le FN apparaît ensuite aux municipales à Dreux puis aux européennes en 1984. Donc il y a une étroite corrélation entre cette politique pseudo-européenne, en fait néolibérale, et la montée de ce parti démagogique, venu de l'extrême-droite et qui, aujourd'hui, essaye de revêtir une tenue camouflée.

    Sur la situation en Bretagne
  • Je ne soutiens pas la révolte des Bonnets rouges, qui s'en prend essentiellement aux portiques et aux symboles de l’État, parce que je considère qu'un dialogue doit exister entre les travailleurs concernés, dont je comprends la réaction – que les choses soient claires – et le gouvernement.
  • Il y a des choses à faire. La crise résulte très largement de la concurrence à monnaie surévaluée : le Brésil par exemple ici. Il y a l'action du gouvernement précédent, dont le ministre de l'Agriculture Bruno le Maire, que l'on entend guère s'exprimer, avait prévu d'arrêter les restitutions. Enfin, il y a une directive européenne qui permet l'emploi à très bas coûts de travailleurs des pays de l'Europe centrale et orientale en Allemagne, pays sans salaire minimum.
  • J'exprime ma sympathie aux travailleurs bretons qui sont frappés par les effets d'une politique qui vient de très loin, et qui n'est pas simplement le fait des choix du gouvernement actuel.

    Pour un véritable changement de politique
  • Il y a une tendance, peut-être française, à critiquer les personnes plutôt que le fond des politiques. Je n'attaque jamais les personnes, et j'incite les Français à faire preuve de plus de civisme à l'égard d'un Président qu'ils ont élu au suffrage universel pour cinq ans.
  • François Hollande fera le moment venu les choix nécessaires. Je souhaite qu'il aille très loin dans la voie d'un véritable changement de politique.
  • L'Allemagne, par son poids économique et l'ampleur de ses excédents (7%) du PIB, déséquilibre la zone euro. Il faut que ce pays joue le rôle de locomotive de la croissance. La BCE doit se comporter comme les autres. Et il faut corriger le vice originel de la monnaie unique et pour négocier un système qui soit viable dans la longue durée.

    Sur la Russie
  • Ce qui se dit sur la Russie de Poutine est souvent excessif. Poutine a été élu conformément à la Constitution, qui a d'ailleurs vingt ans, il dispose incontestablement d'une majorité. L'opposition est divisée. Je ne dis pas que tout ce que fait Poutine est bien et que j'y adhère. Non. Mais ce qui est dit est tout à fait exagéré.

    Sur les affaires militaires et diplomatiques
  • Cette décennie ne doit pas être celle du déclassement militaire français. Je pense que la loi de programmation est calibrée au plus juste. Aucun programme majeur n'a été sacrifié, ils ont simplement été étalés dans le temps. Et nous espérons tous que la France sorte de la stagnation prolongée dans laquelle elle se trouve, et qui est très largement due au système de la monnaie unique tel que nous le connaissons.
  • La Libye n'était peut-être pas une intervention parfaitement opportune. En tout cas, l'opération est allée très au-delà de ce qui était prévu dans la résolution 1973 de l'ONU, qui ne visait pas au changement de régime. Aujourd'hui, le pays est aux mains de milices islamistes : il faudrait quand même faire des analyses a posteriori.
  • S'agissant du Mali, l'intervention était tout à fait justifiée et a évité que ce pays devienne un sanctuaire d'Aqmi. Pour autant tant que la concorde ne sera pas restaurée entre les populations du Sud et du Nord, je ne serai pas rassuré sur les perspectives d'éradication du terrorisme dans ce pays.
  • Nous avons une armée qui exerce pleinement sa fonction de protection du territoire national et des Français, sa fonction de dissuasion (nous avons la seule dissuasion réellement autonome en Europe, ne dépendant que d'elle-même), une capacité de projection que tous les pays européens peuvent encore nous envier.

    Sur la Suisse
  • En étant en dehors de l'Union Européenne, la Suisse en recueille tous les avantages et aucun des inconvénients. Franchement, je trouve que vous avez bien joué. J'admire la Suisse moi-même, me sentant un peu Suisse puisque mes racines viennent du canton de Fribourg et même de sa partie germanophone.
  • La Suisse a réussi à faire une belle synthèse démocratique entre trois peuples. Mais vous jouez un certain jeu dans la mondialisation que tout le monde ne pourrait pas se permettre !
  • Je crois que l'Europe doit se faire avec les nations, avec la Suisse si son peuple le décidait, avec l'Angleterre, avec la Russie, et même un jour avec les pays du Maghreb, qui appartiennent à l'espace méditerranéen, et que nous avons, à mon avis, intérêt à ancrer au développement du Nord, c'est à dire de l'Europe tout entière.

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    Découvrez le nouveau livre de Jean-Pierre Chevènement 1914-2014 : l'Europe sortie de l'histoire? (éditions Fayard)


le Mercredi 13 Novembre 2013 à 22:05 | Lu 4267 fois



1.Posté par Claude DOYENNEL le 14/11/2013 21:37
doyennel
["François Hollande fera le moment venu les choix nécessaires. Je souhaite qu'il aille très loin dans la voie d'un véritable changement de politique" dit Jean-Pierre Chevènement.
Or, si l'on s'entient à la Constitution, c'est tout le contraire qu'il devrait faire.
Car, selon la dite Constitution, article 20, la politique de la Nation doit être définie et conduite par le gouvernement . Et non pas par le président..]url:http://doyennel.blogspot.com

2.Posté par Carl GOMES le 15/11/2013 23:56
Le secteur industriel dans une phase de déclin irréversible, l'agriculture se débat et les services commencent à fermer.
Face à tout ça, Mr Hollande, qui parait venu du 18ième siècle, agit en fonctionnaire des impôts. Pas difficile de savoir comment tout ça va finir!

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