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"Seul le message de la République permettra de remonter le courant"


Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Parisien, dimanche 25 mars 2012.


"Seul le message de la République permettra de remonter le courant"
Ancien ministre de l’Intérieur de Lionel Jospin, Jean-Pierre Chevènement, sénateur du Territoire de Belfort et président du MRC, soutient François Hollande pour la présidentielle. Il livre son analyse sur la séquence dramatique de Montauban et de Toulouse.

Les tueries de Toulouse et de Montauban auraient-elles pu être évitées ?
Jean-Pierre Chevènement.
Il y a toujours, comme l’a dit M. Juppé, l’hypothèse d’une faille. Mais en même temps, il est très difficile de prévenir les crimes d’un forcené. On peut seulement observer que celui-ci, ayant fait deux voyages au Pakistan et en Afghanistan, était fiché par la DCRI. Il est certain que l’alibi touristique fourni par Merah aux policiers de la DCRI ne tenait guère la route. Contrairement à ce que dit Bernard Squarcini, on aurait pu mieux situer Merah dans son environnement familial et social. Cela exigera à l’avenir que l’on donne à la DCRI plus de moyens humains et que son action soit mieux orientée vers les filières jihadistes, comme je l’avais demandé il y a plus de dix ans. On peut s’interroger aussi sur le délai qui sépare l’apparition des premiers indices et le moment où la police est intervenue.

Croyez-vous à une dérive individuelle de ce jeune ?
Pas vraiment. Ces voyages au Pakistan et en Afghanistan ne s’organisent pas facilement. Ces armes, il fallait bien les acheter. La thèse du jeune loup solitaire me laisse dubitatif. Elle est même dangereuse car elle ne correspond vraisemblablement pas à la réalité. La DCRI devrait changer ses « radars ».

Pensez-vous qu’une organisation terroriste puisse être derrière ces tueries ?
C’est une hypothèse assez probable. Il y a certainement sur le territoire national des cellules dormantes. Elles sont franchisées, elles se créent d’elles-mêmes. Pour les démasquer, encore faut-il avoir des moyens d’investigation et de suivi.

Pour François Fillon, il n’y avait « aucun élément permettant d’appréhender Mohamed Merah ». Etes-vous d’accord ?
Ce n’est pas ce qui correspond aux déclarations du procureur de la République qui donne des dates précises sur le parcours de Merah. Il semble bien qu’il était possible d’agir plus vite contre lui. Autant il y a des zones d’ombre sur le travail de la DCRI, autant je n’incrimine absolument pas le Raid qui a été placé devant une situation extrêmement difficile. Il faut rendre hommage à ces policiers. Evidemment, il eût été préférable que le tueur soit attrapé vivant, comme Nicolas Sarkozy en avait donné la consigne. Nous en saurions plus sur le risque d’attentats analogues.

Certaines voix à gauche, comme celle de Julien Dray, ont parlé de « show hollywoodien »…
Je ne suis pas d’accord. Dans son appartement, Merah ne donnait plus signe de vie. Il était donc légitime que les policiers aient voulu en savoir plus. Merah a fait irruption en tenant deux armes à la main. La police s’est trouvée dans une situation qui était clairement celle de la légitime défense. Je ne joins pas ma voix à ceux qui critiquent l’exécution. L’exécution est toujours difficile. S’il y a une faille, elle est dans la conception.

Y a-t-il un risque que cette exécution retransmise en direct ait des conséquences, notamment en banlieue ?
Non. L’immense majorité des jeunes qui aspirent à réussir leur vie ne peut pas trouver un exemple dans ce tueur sanguinaire qui filmait l’horreur. C’est un personnage qui représente une forme de dérive désespérée qui fait mal au cœur. Je ne dis pas qu’il n’y ait pas dans certains quartiers un endoctrinement jihadiste ou la tentative de constituer des filières. Il y a longtemps que j’ai pointé ce risque, qui était d’origine GIA, il y a une quinzaine d’années, et qui a glissé vers le jihadisme en connexion avec des camps d’entraînement des talibans dans les zones tribales du Pakistan, là où Merah a reçu son entraînement. Mais cela ne concerne qu’une infime minorité de personnes. C’est justement le travail de la DCRI de les repérer.

Que faut-il faire pour éviter toute propagation ?
La seule manière d’agir, c’est de reconquérir ces territoires difficiles. Tous les moyens d’ordre public sont nécessaires mais ne sont pas suffisants : on ne peut pas mettre un policier derrière chaque personne. Donc chaque citoyen doit respecter et faire respecter la loi républicaine. Evidemment, pour organiser cette reconquête, il faut remédier à la crise de la démocratie en faisant reculer les inégalités, le chômage de masse, etc. Seuls le message et l’action de la République permettront de remonter le courant. François Hollande l’a très bien dit : c’est le patriotisme qui en faisant aimer la France la fera reconnaître par tous ses enfants.

Les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy vont-elles dans le bon sens ?
Une seule me paraît digne d’être retenue : celle d’une réflexion approfondie sur la propagation des dérives jihadistes en milieu carcéral. Il y a très longtemps que Nicolas Sarkozy aurait dû la mettre en pratique. Mais pour le reste, ses propositions sont vagues, floues et potentiellement dangereuses. Des délits pénaux pour réprimer l’apologie d’idéologies extrémistes ? Mais le Code pénal contient déjà tout ce qu’il faut pour réprimer cela. Punir pénalement les personnes qui consultent des sites Internet d’extrémistes ? Cela exigerait des moyens hors de portée si on ne veut pas porter atteinte à des libertés fondamentales. Ces mesures sont inappropriées et inefficaces. Nicolas Sarkozy croit toujours régler les problèmes en renforçant l’arsenal légis-latif. Sa politique sécuritaire est un cimetière de textes, qui, les statistiques le montrent, n’ont pas fait reculer les violences contre les personnes, bien au contraire!

Ces derniers jours, François Hollande s’est-il comporté en chef d’Etat ?
Oui, il a manifesté beaucoup de sang-froid, de maîtrise. Il a parlé avec la hauteur de vue, la retenue qui convenait à un chef d’Etat. Il a montré les qualités d’intelligence et de retenue dans l’expression qui doivent caractériser un président de la République.

Ses adversaires parlent de mollesse face à l’insécurité…
François Hollande est un humaniste mais ne peut pas être rangé dans le camp des laxistes. Face à la délinquance, il est partisan de la fermeté. C’est un républicain d’ordre. Il est convaincu que la République est un régime de droit mais pas de faiblesse. C’est exactement ce que je pense depuis toujours. Le procès que ses adversaires lui font pour des raisons électoralistes est injuste. Sur ces questions, depuis des années, il ne tient pas un discours de mollesse. J’en ai été le témoin. Il était premier secrétaire du Parti socialiste quand j’étais ministre de l’Intérieur : François Hollande n’était pas parmi ceux qui me critiquaient sans mesure. Il n’a jamais été parmi ceux qui, voulant faire l’ange, font plus souvent la bête.

Propos recueillis par Éric Hacquemand

Source: LeParisien.fr


Rédigé par Chevenement.fr le Dimanche 25 Mars 2012 à 10:38 | Lu 4680 fois



1.Posté par Alexis Martinez le 27/03/2012 02:21
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M. Chevènement, j'aimerais que vous nous donniez à nous, citoyens de la République française, votre appréciation des atteintes à l'unité et à l'indivisibilité de la République que le candidat que vous soutenez désormais, M. François Hollande, entend commettre s'il est élu président de la République.

Outre qu'il s'était déjà il y a quelques mois déclaré dans un entretien avec le journal Le Monde favorable à ce que le contrat soit désormais supérieur à la convention collective et à la loi, outre que quelques jours seulement après votre soutien à son endroit il s'est déclaré favorable à la ratification par la France de la Charte des Langues Régionales, ratification qui nécessite une réforme constitutionnelle supprimant le principe d'égalité individuelle devant la loi, voilà qu'à l'occasion de sa visite de campagne à Ajaccio, M. Hollande a jugé bon d'annoncer qu'il entendait, s'il était élu, confier aux régions un pouvoir réglementaire.
Je ne peux croire que le patriote que vous êtes n'est pas gêné par ces prises de position, qui prennent radicalement le contre-pied de nombre de vos combats. Je ne peux oublier que c'est sur la question du statut de la Corse que vous aviez autrefois manifesté une ligne de désaccord profond avec Lionel Jospin et le Parti Socialiste, au point de démissionner du gouvernement et de vous être présenté à l'élection présidentielle.

Le désaccord manifeste du candidat du PS avec les vues que vous défendez avec rigueur et courage depuis tant d'années me semble être bien plus important aujourd'hui qu'hier. Je crains que l'accord politique conclu entre le PS et le MRC ne soit qu'un marché de dupes pour ce dernier, qui voit le candidat du PS adopter au fur et à mesure que la campagne avance des positions qui remettent fondamentalement en cause ledit accord.
Vous ne pouvez rester sans réagir à ces atteintes. Vous décevriez alors l'estime que nous sommes nombreux de tous bords à vous porter.

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