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"Notre meilleure protection serait une monnaie faible"


Intervention de Jean-Pierre Chevènement au colloque "Protéger les intérêts économiques de la France : quelles propositions ?" du 14 septembre 2011 organisé par l'association Pour un débat sur le libre-échange


Verbatim

  • Sur l'adoption de mesures protectionnistes : L'Europe, l'Europe... ça a des limites. Moi je crois plus à des mesures nationales, ciblées.
    • Ce sera quand même très difficile compte tenu de notre insertion profonde dans l'Union Européenne avec ses règles, sa jurisprudence, la vigilance de la commission européenne toute entière acquise au libre-échangisme. De même celui-ci imprègne-t-il la cour de justice européenne. Donc il faut savoir que nos marges sont devenues très étroites.
    • J'en suis venu depuis longtemps à l'idée que notre meilleure protection serait une monnaie faible.
    • Le choix de la monnaie forte, il faut bien le comprendre, c'était déjà le choix de la monnaie unique.
    • L'hérésie étant évidemment le vice constitutif qui a consisté à mettre ensemble 17 pays hétérogènes par la structure économique, industrielle, les orientations politiques, les repères linguistiques et culturels.
  • On a fait quelque chose qui témoigne d'ailleurs de la puissance idéologique de la vision de Jean Monnet, qui voulait faire l'Europe à partir du marché, contre les nations, en réduisant les nations à un simple rôle d'exécution.
  • C'est cette Europe sans les nations, voire contre les nations, qui a présidé aux desseins européens depuis le départ.
  • La monnaie unique n'a pas amené les convergences supposées. Elle a accru les divergences : elle a renforcé les forts, elle a affaibli les faibles, elle a creusé l'écart entre notamment l'Allemagne et tous les autres.

  • Sur l'Allemagne : Elle vise la compétitivité externe, elle veut jouer dans la cour des grands à l'échelle mondiale, et en même temps elle déséquilibre la zone euro par sa puissance et par sa politique de déflation salariale.
  • On ne voit pas comment la Grèce pourra rembourser les dettes qu'elle contracte. C'est ça la fragilité du problème posé par la Grèce, mais celui-ci n'est que l'arbre qui cache la forêt. La forêt c'est l'euro, parce que derrière la Grèce il y a le Portugal, il y a l'Espagne, il y a l'Italie.
  • J'ai écrit au président Sarkozy au début du mois d'Août pour lui dire qu'il n'y a qu'une seule solution actuellement : c'est de permettre à la banque centrale d'acheter largement des titres de dette italiens et espagnols pour desserrer l'étreinte que les marchés financiers font peser sur ces pays.
  • Il m'a dit : "C'est très bien, c'est très intéressant, on a commencé d'ailleurs, mais on ne peut pas le dire publiquement parce que ça gênerait madame Merkel".
  • Je crois très sincèrement que l'Allemagne, au fond, ne sait pas très bien ce qu'elle veut.
  • L'opinion publique a payé pour les länder de l'Est, elle n'a pas envie de payer pour le Péloponnèse, la Calabre, l'Algarve, le Connemara. Je pense que l'opinion publique allemande n'a pas envie d'ajouter aux 2000 milliards de dette allemande les 3400 milliards de dette des pays sous tension.
  • Quand j'entends parler d'eurobonds ou de doublement des ressources du fonds de stabilisation, je me demande si les contribuables seront d'accord en Allemagne et accessoirement en France. Mais en France, on ne dit rien, on paye. Probablement pas par générosité, mais par ignorance. Les allemands ont compris que eux devaient payer. Les français, rien que pour la Grèce, doivent mettre 40 milliards de plus mais ils ne semblent pas s'en être aperçu.
  • La situation est très difficile parce que je pense que l'Allemagne n'est pas prête à réviser le traité de Maastricht et à dire qu'on donne à la banque centrale les prérogatives du Federal Reserve Board américain. Et pourtant, je crois que si on voulait sauver la zone euro, ce serait le bon sens.
  • La difficulté de l'Europe c'est que jamais, il faut le comprendre, la solidarité européenne ne remplacera la solidarité nationale.
  • Ce n'est pas la Grèce qui va accepter de se laisser mettre sous tutelle, comme l'a dit à la télévision Jean-Pierre Jouyet. Mettre la Grèce sous tutelle, le pays qui a fait les Thermopyles, qui a inventé la démocratie, qui a résisté au fascisme italien, au nazisme allemand, courageusement, héroïquement...
  • Une Europe qui débouche sur ce déni de démocratie, c'est au fond ce qu'il y a derrière la fameuse règle d'or, que j'appelle règle d'airain, c'est à dire la dépossession des Parlements de la souveraineté budgétaire. Je ne crois pas que ce soit la bonne voie.
  • L'euro comme monnaie politique conduisant au fédéralisme, c'est comme ça que ça a été vu dès le départ.
  • Jamais les élites ne confessent leurs erreurs. (...) Il faut leur faciliter le travail et à mon avis, si on pouvait garder le mot euro, ce serait bien. Mais euro comme toit commun, monnaie commune.
  • On pourrait s'en servir dans les transactions internationales mais à l'intérieur on aurait ressuscité des monnaies nationales à usage interne dont le cours pourrait fluctuer dans une étroite bande de fluctuation, on a connu ça dans le passé, et tout cela serait renégocié tous les ans ou tous les deux ans.
    • On aurait de cette manière là le système souple dont on a besoin, le système qui aboutirait à abaisser le niveau de l'euro, qui conduirait à une monnaie beaucoup plus faible, qui redoperait la croissance en Europe, qui permettrait aux pays endettés de rembourser leur dette et qui nous donnerait un système à longue allée, un système sécurisant pour tout le monde parce qu'on saurait que ce système là est durable, et comme on dit "soutenable", alors que le système de la monnaie unique n'est pas soutenable.
    • Un système qui n'est pas sûr sur le plan monétaire, il faut prévoir sa mutation. Plutôt que de l'abandon ou de l'éclatement dont on entend parler, je préfère parler de mutation, parce que je tiens compte de la psychologie.
    • Pour tenir compte de leur psychologie, qui est une chose très importante, je propose de garder le mot "euro" mais de lui donner un contenu différent.

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    Crédits vidéo : Seb Musset


Rédigé par Chevenement.fr le Lundi 19 Septembre 2011 à 11:30 | Lu 3516 fois



1.Posté par Robert Alric le 19/09/2011 22:36
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L'euro "fédérant" des monnaies nationales, ça paraît être une intéressante solution intermédiaire. Et les solutions intermédiaires ont toujours raison.

2.Posté par Pascal CHAROULET le 20/09/2011 10:09
La crise de l'euro peut être imagée par un élastique qu'on étire par les deux bouts, d'un côté l'Allemagne et les pays performants du nord, de l'autre les pays en difficulté, au milieu la France !

Quand l'élastique casse, en un seul point, reste deux parties, et il n'est pas facile de prédire à quel point la rupture va s'opérer. Dand quelle "partie de l'élastique" la France se trouvera-t-elle ? Car, oui, à force tirer les deux bouts, ça va casser !

L'analyse de JP Chevènement me paraît, pour l'essentiel, fondée et raisonnable. Reste à la faire entendre à une majorité de Français, et ça c'est autre paire de manches, vu la cacophonie médiatique ambiante où il ne semble plus y avoir de place que pour les insupportables feuilletons commis par les éléphants du PS, y compris sa désormais "star mondiale"... Vous avez compris à qui je fais allusion !

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