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"Les revendications des nationalistes auraient pour conséquence de faire sortir la Corse du cadre républicain"


Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Parisien, samedi 2 janvier 2016, propos recueillis par Jannick Alimi.


"Les revendications des nationalistes auraient pour conséquence de faire sortir la Corse du cadre républicain"
Le Parisien: Est-ce que la victoire des nationalistes aux régionales vous inquiète ?
Jean-Pierre Chevènement: D’abord, je ne suis pas hostile au nationalisme corse : je défends avant tout l’Etat républicain, tant sur l’île que sur le continent. Je reste attaché à ce que l’Etat soit reconnu comme l’émanation de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de couleur de peau ou de religion. Bien sûr, la Corse a son histoire, incarnée au XVIII e siècle par Pascal Paoli. Mais depuis le 14 juillet 1790, fête de la Fédération, la page est tournée. La Corse, qui y était représentée, fait partie intégrante de la nation et du Peuple français.

Les nationalistes à la tête de la région ne revendiquent pas l’indépendance…
La plupart de leurs revendications auraient pour conséquence de faire sortir la Corse du cadre républicain. La reconnaissance de la nation corse, la co-officialité de la langue corse avec le français, le statut de résident fiscal qui remettrait en cause le principe de l’égalité de tous les citoyens devant l’impôt, sont des revendications inacceptables. La Corse est la collectivité la plus décentralisée de France. Sur certains sujets comme l’investissement, les liaisons entre l’île et le continent, il est normal de débattre. Mais il faut maintenir le principe de la souveraineté du Peuple français et d’une République une et indivisible.

Mais, depuis 2014, le FNLC a abandonné la lutte armée...
La dérive du nationalisme corse vers le grand banditisme est ancienne. Elle a été très bien décrite par François Santoni, en 2000, dans un livre intitulé « Pour solde de tous comptes » (NDLR : Editions Denoël). Alain Orsoni, qui fut l’un des chefs historiques du nationalisme corse, a été assassiné quelques mois après. Cette dérive a nourri une longue suite d’assassinats qui ne fut interrompue que faute de combattants. La police et la justice ont fait leur travail et mis sous les verrous les criminels qui ne s’étaient pas entre-tués. Mais dès qu’ils en verront l’opportunité, les nationalistes peuvent reprendre leurs actes de violence. C’est après l’une de ces trêves que le préfet Erignac avait été assassiné. Je reste donc prudent et extrêmement circonspect.

Vous êtes opposé à l’amnistie des détenus corses ?
On ne peut oublier l’assassinat du préfet Erignac ni aucun autre. Les détenus dont les nationalistes demandent la libération ne sont pas des prisonniers politiques mais ont été condamnés par la justice pour meurtre.

Les récentes manifestations xénophobes ont un lien avec le nationalisme corse ?
Les attentats du 13 novembre n’ont déclenché nulle part ailleurs en France de telles manifestations xénophobes. Le nationalisme corse est par définition un nationalisme ethnique qui exclut tout ce qui n’est pas corse. Il y a un mot dans l’île, les « pinsut », pour désigner les continentaux.

Etes-vous préoccupé par l’évolution politique sur l’île ?
Les propos de Manuel Valls sont ceux qu’on peut attendre d’un Premier ministre de la République. Bernard Cazeneuve, avec le verbe précis qui le caractérise, a montré le souci de faire ce qu’il est possible dans le cadre démocratique. Ce qui me préoccupe, c’est l’avenir de la France dans la période troublée qui s’annonce. Les attentats jihadistes ne vont pas cesser comme par miracle. Il faut que l’Etat soit solidement caréné pour faire face au terrorisme jihadiste.

Quel est le rapport avec la Corse ?
La France ne doit pas se laisser entraîner dans l’engrenage de la violence, du ressentiment, de la haine, comme ce qui s’est passé à Ajaccio a pu en donner l’avant-goût. Après les attentats de novembre, le Peuple français s’est resserré autour de la nation, de la République, et de leurs symboles, « la Marseillaise » et le drapeau tricolore. Notre Peuple fait preuve de beaucoup de sang-froid et de maturité. Le grand défi qui est devant nous est l’intégration des jeunes issus de l’immigration. Leur avenir est en France. L’Etat doit faire entendre une parole à la fois ferme et généreuse. Ferme, car la nation française doit se faire respecter. Généreuse, car cette intégration ne sera réussie que si elle répond aux problèmes de l’emploi, de l’école et du logement.


Mots-clés : corse, terrorisme
le Samedi 2 Janvier 2016 à 12:50 | Lu 3637 fois



1.Posté par Fabien Schang le 02/01/2016 16:40
Une France "généreuse" et "ferme". Certes, monsieur le ministre. Mais au nom de quoi, et avec quel objectif commun pour notre pays?
Aussi longtemps que les institutions de l'Etat (l'école, en particulier) ne seront pas respectées, l'incivisme perdurera et ne fera que refléter le désamour général des Français pour ce que leur Etat incarne. Ce qui vaut pour l'école vaut d'ailleurs pour les forces régaliennes, toutes associées à des images de corruption ou d'injustice. Cherchez l'erreur.
Le respect se gagne, il ne se décrète pas. Vous le savez, et nous savons que vous le savez.
Il est temps d'agir, quand bien même la perdue serait déjà perdue pour notre "vieil" Etat-nation.
"Vive la France"?

2.Posté par Josee Buisson le 03/01/2016 10:59
Vous commettez une erreur en citant Alain Orsoni comme auteur du livre «  Pour solde de tout compte » et assassiné par la suite.

Alain Orsoni est vivant, c’est son frère qui a été assassiné par l’état français.
Les preuves de mon assertion sont données par Aimé-Blanc ,commissaire divisionnaire dans son ouvrage « l’indic et le commissaire » paru aux éditions Plon en 2006.

Les auteurs de «  Pour solde de tout compte » sont Rossi et Santoni assassinés par la suite.



3.Posté par Dumè2b le 03/01/2016 11:19
@Josee Buisson / JP Chevènement fait, certes, une confusion avec l'ouvrage de JM Rossi et F Santoni mais ses propos sur la Corse sont tout-à-fait réalistes.
Et ce n'est pas l'état "français" qui fait assassiner Guy Orsoni mais la mafia Corse sur fond de trafic de drogue. Une simple recherche sur Wikipédia de Guy Orsoni vous donnera tous les détails.

4.Posté par Josee Buisson le 03/01/2016 14:43
Désolé Dumè2b.

Voici un extrait de l'ouvrage d'Aimé Blanc(pas tartampion nationaliste mais commissaire de la république française) page 158.


"Le plan que nous avons élaboré a reçu pour le momment non seulement un accord de principe du ministère de l'interieur,mais aussi de certains politiques.Nous pouvons compter sur M Biaggi,sur Hubert Bassot,député de l'Orne et conseiller de l'Elysée,et nous sommes en train de sonder Alain Griotteray et d'autres amis.Il n'est pas question bien entendu que des policiers soient directement melés à ces exécutions.L'astuce consistera à faire du contre-terrorisme en utilisant des hommes du milieu que nous rémunérons."

L'article de wikipedia dit à peut pres la meme chose de façon plus sibylline.

Je cite:

Les voyous sont dirigés par Jean-Marc Leccia, un chimiste de la drogue qui a travaillé pour les Frères Zemour mais aussi pour les plus grandes familles mafieuses italo-américaines. Ami de Félix Rosso, le beau-frère du commissaire Pellegrini, lui-même membre de la cellule élyséenne de sécurité, il aurait cherché à obtenir les faveurs des services de l’État afin de faciliter le transport de plusieurs centaines de kilos de morphine base vers Phoenix (Arizona) afin de les transformer en héroïne. Jean-Marc Leccia aurait rencontré un haut fonctionnaire de Haute-Corse qui lui aurait fait comprendre que des informations sur le FLNC pourraient lui valoir cette mansuétude du ministère de l'Intérieur..

5.Posté par PRATAVO le 03/01/2016 21:35
Ayant croisé ALAIN ORSONI a l'aeroport il y a deux jours je n'imaginais pas qu'il avait eté assasssiné il y plusieurs annees si' javais su je lui aurais presenté mes condoleances pour lui meme...

6.Posté par Emmanuel GILQUIN le 06/01/2016 18:16
Les autonomistes corses ont sauvé les paysages de l’île de Beauté. Comparons avec le Haut Pays d'Artois hérissé d'éoliennes ! Erasme, Bernanos et Pialat qui admiraient cette rude région ne la reconnaîtraient plus.

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