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Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Parisien : «Les erreurs succèdent aux erreurs»


Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Parisien.fr, propos recueillis par Eric Hacquemand, édition du 27 août 2008.


Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Parisien : «Les erreurs succèdent aux erreurs»
Sur le dossier afghan, Jean-Pierre Chevènement reproche à Nicolas Sarkozy d'avoir «cédé à la pression de l'administration américaine». L'ancien ministre de la Défense, président du Mouvement républicain et citoyen (MRC), se prononce en faveur d'un désengagement progressif, mené en concertation avec la communauté internationale dans le cadre de l'ONU.

La mort de dix soldats français marque-t-elle l'échec de la politique suivie par Nicolas Sarkozy en Afghanistan ?
Jean-Pierre-Chevènement.
Je compatis d'abord à la douleur des familles. Depuis huit ans, les erreurs succèdent aux erreurs. L'administration de George Bush a pollué le dossier afghan dès le départ. D'abord en consacrant l'essentiel de ses forces, 140 000 hommes, à l'invasion de l'Irak et seulement 8 000 en Afghanistan. Et d'autre part en créant les conditions d'un conflit de civilisations. Son concept de «guerre contre la terreur» est beaucoup trop flou. Il confond Al-Qaïda et l'ethnie pachtoune dominante en Afghanistan. Or, Nicolas Sarkozy a cédé à la pression de l'administration américaine. Son alignement l'a conduit à renforcer notre contingent militaire au détriment de notre sécurité globale.

La responsabilité du commandement militaire dans la préparation de cette patrouille est-elle en cause ?
Un général français, le général Stollsteiner, a déploré un excès de confiance. La protection de nos soldats a été gravement déficiente. La clarté doit être faite.

Etes vous favorable au retrait des militaires français ?
Dans l'immédiat, nos troupes devraient être cantonnées dans un rôle d'instruction de l'armée afghane. Notre rôle est seulement d'aider l'Afghanistan à devenir un Etat indépendant. Le désengagement dépend d'une équation plus générale qui inclut le Pakistan aujourd'hui gravement déstabilisé. Ce retrait progressif mérite une concertation internationale approfondie dans le cadre de l'ONU, y compris avec la Russie et la Chine.

Le ministre de la Défense, Hervé Morin, se dit prêt à envoyer des troupes spéciales pour améliorer le renseignement...
Cela signifierait un engagement toujours plus prononcé de la France sur le terrain militaire. Le contraire de ce que je préconise.

Même si, comme le dit Nicolas Sarkozy, cela signifie «laisser les barbares triompher» ?
On n'exporte pas nos valeurs à la pointe des baïonnettes ! On ne fait pas passer l'Afghanistan du Moyen-Age au XXIe siècle à coups de bombes téléguidées. Faut-il rappeler que les Russes, les Britanniques, puis les Soviétiques se sont cassés les dents dans cette partie du monde ? Seul le dialogue des cultures et des civilisations fonctionne. Même si cela exige de la patience.

La gauche doit-elle s'unir sur la question du retrait ?
Sur la base d'un désengagement progressif menée en concertation, la gauche gouvernementale pourrait parler d'une même voix. Pour cela, le PS doit rapidement clarifier sa position.

Lire l'entretien sur le site du Parisien.


Rédigé par Chevenement.fr le Mardi 26 Août 2008 à 22:13 | Lu 3852 fois



1.Posté par furaxauboulot le 27/08/2008 19:38
Lumineux comme toujours. JPC nous revient de congés avec sa parfaite connaissance des enjeux stratégiques et des conclusions à en tirer au cas par cas . Nul doute que le prochain billet sera consacré aux évènements de Géorgie .
Puisqu'il est question de l'Afghanistan , nonobstant le mandat de l'ONU , on peut légitimement se poser la question de l'opportunité de notre présence sur cette partie du globe qui n'a jamais fait partie de notre sphère d'influence.Je ne veux évidemment pas sanctifier a contrario un quelconque néo-colonialisme. Concrètement et trés froidement , quels sont nos intérêts là-bas ? Qui est le principal bénéficiaire de la présence militaire ? Je regrette qu'un précédent avis de ma part datant de quelques jours ait été visiblement censuré sur ce site. Volontairement provocateur , je posais la question : " Faut-il mourir pour Kaboul ?". M'aurait-on pris pour un fils spirituel de Marcel Déat ? Toujours est-il que cette présence Française a plus valeur de symbole qu'autre chose mais cela vaut-il la peau de nos soldats ? On peut aisément concevoir l'immense émotion suscitée par le 11 Septembre aux Etats-Unis. La riposte a été la présence U.S. en Afghanistan et au nom d'une solidarité du monde libre (?) une participation militaire d'autres nation présumées cibles potentielles elles-aussi.
A ce jour , la situation , comme en Irak , ressemble étrangement à un engrenage. Cette guerre n'est à mon sens pas la notre.Quant aux méthodes de combat auxquelles nous avons à faire face , elles ressemblent étrangement à celles de la guerre d'Algérie. Aurions-nous encore une fois une guerre de retard ? Un bémol quand même quant à l'opportunité d'un retrait immédiat : Ce serait reconnaitre que nous cédons à la terreur sans rendre les coups reçus.

2.Posté par BA le 28/08/2008 09:22
Depuis l'arrivée de l'OTAN en Afghanistan en novembre 2001, la réalité montre quoi ?

Après sept ans de guerre, les talibans obtiennent de plus en plus de soutiens dans la population afghane.

Après sept ans de guerre, les talibans contrôlent de plus en plus de provinces en Afghanistan.

Lisez cet article paru dans Le Figaro :

" Une à une, les provinces basculent du côté de la rébellion.

Les erreurs de la coalition occidentale et l'impéritie de l'administration Karzaï ont poussé les Pachtounes dans les bras des talibans.

On le savait, les spécialistes le savaient, mais personne ne le disait jamais vraiment dans des états-majors de l'Otan. L'Afghanistan est en guerre, les insurgés afghans sont des adversaires sérieux, qui n'opèrent plus seulement dans les lointaines provinces du Sud pachtoune, mais sont maintenant aux portes de Kaboul.

Les insurgés, dont les talibans ne représentent qu'une fraction dominante, ne se sont pas forcément déplacés, même s'ils franchissent régulièrement la non-frontière pakistanaise pour se ravitailler. Les anciens étudiants en religion et leurs alliés n'ont pas repris de terrain en l'occupant.

C'est surtout leur idéologie qui a regagné au cours des deux dernières années les clans et les tribus pachtounes des provinces voisines de la capitale : Parwan et Kapissa au nord de la ville, le Laghman et le Loghar à l'est, le Wardak et le Nangarhar au sud ont toutes, petit à petit, basculé du côté de l'insurrection.

Les routes sont devenues d'abord dangereuses, puis impraticables. Les insurgés organisant à présent des points de contrôle en plein jour.

Les talibans ont ainsi réussi en quelques années, par un mélange classique de propagande habile et d'intimidation, à se remettre à flot politiquement, en se présentant comme des patriotes afghans luttant contre un envahisseur étranger, thème efficace dans ce pays jaloux de son indépendance.

Les bavures de l'aviation de l'Otan, les erreurs et l'impéritie de l'administration de Hamid Karzaï ont fait le reste. Ils disputent à présent les provinces pachtounes du Sud et de l'Est au gouvernement.

Sarobi est le parfait exemple de ce basculement idéologique de provinces entières. Cette région, en majorité pachtoune, est un fief du Hezb-Islami, le parti de Goulbouddine Hekmatyar, l'ancien rival du commandant Massoud. Ce vétéran du djihad contre les Soviétiques n'avait jamais été allié aux talibans. Leur rapprochement s'est effectué après 2001, à la faveur de la nouvelle guerre contre l'Otan. L'est de la province de Kapissa et le district de Sarobi ont ainsi basculé dans l'insurrection.

http://www.lefigaro.fr/international/2008/08/20/01003-20080820ARTFIG00011-les-provinces-basculent-du-cote-de-la-rebellion-.php

3.Posté par henri 34 le 02/09/2008 10:51
A Furax je ferai remarquer qu'il ne faut jamais baisser les bras sur la notion de "sphére d'influence".En A-Stan nous avons eu longtemps un lycée français,ycompris pour les filles.L'investissement culturel permet de mieux faire entendre notre petite musique quand le gouvernement joue autre chose que la partition de la pensée unique du mondialisme (ce n'est pas le cas actuellement).
On ne peut écrire "nonobstant un mandat de l'ONU" même si l'erreur a été de tout déléguer à l'OTAN.En tant que membre du Conseil de Sécurité notre pays doit participer à la mise en oeuvre des résolutions.Celà ne donne que plus de poids à des positions courageuses comme celle n'approuvant pas l'intervention américaine en Irak.Comme l'avait souligné JPC,la France n'avait pas à intervenir militairement au Kosovo puisque le mandat ONU n'existait pas sur ce probléme.On peut voir le résultat aujourd'hui avec l'effet domino en Géorgie.Beaucoup oublient que les parachutistes russes sont arrivés à Pristina avant les US et leurs alliés et qu'on a échappé alors de peu à une confrontation.
L'erreur de Sarkosy est énorme car notre renforcement militaire en A-Stan était déconseillé par l'état major.
Il est maintenant difficile de se désengager à court terme aprés la déculottée de l'embuscade.
En revanche notre coopération civilo miltaire ne doit pas être abandonnée car elle permet de développer l'influence culturelle(un instructeur français ne se comportant pas comme son homologue GI) et permet de garder un oeil.En ce sens la présence de notre aviation me paraît indispensable nos pilotes n'ayant pas l'état d'esprit de leurs collégues américains pour qui la notion de bavure existe bien peu.
L'interrogation demeure évidemment dans la position de 3 puissances:Russie, Chine et Iran à priori bien plus concernées car limitrophes ou trés proches.
Avec le mandat de l'ONU la France doit montrer aux Afghans que les occidentaux ne sont pas monolithiques dans leurs perceptions du probléme et leurs procédés pour le résoudre.Kaboul doit comprendre qu'à l'Ouest il y a aussi des différerences disons tribales.
Pour conserver ce particularisme il est évident que le combat républicain à mener est l'opposition à la réintégration dans l'OTAN.

4.Posté par furaxauboulot le 02/09/2008 18:33
Oui mais il me semble que notre influence sur place est marginale et que dans la balance , la vie de nos soldats pèse plus lourd qu'une 'hypothétique spécificité Française reconnue par les Afghans. Ne pensez-vous pas que tous les occidentaux sont mis dans le même sac ? Quitte à prendre des risques , il me semble que nous sommes plus utiles au Liban et dans les Balkans. J'ajoute qu'à l'égard du Monde Arabo-Musulman , notre présence à Kaboul n'est probablement pas bien perçue alors qu'il y a un vrai enjeu stratégique dans cette partie du Monde pour la France.

5.Posté par furaxauboulot le 02/09/2008 18:44
« La visite précipitée de Nicolas Sarkozy à Kaboul a fait apparaître les Français comme des faibles aux yeux des Talibans »

Bakchich a également rencontré un officier français spécialiste de l’Afghanistan qui souhaite conserver l’anonymat. Il revient de ce pays où des combattants talibans lui ont raconté comment ils perçoivent les troupes françaises et leurs bombardements.

Comment les Talibans voient-ils les troupes étrangères présentes en Afghanistan dans le cadre de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) ?

Les Talibans se considèrent du côté du bien et estiment que les forces étrangères se comportent en barbares. Surtout les Américains. Par exemple, ils ne comprennent pas que ces derniers ne procèdent pas à des échanges de prisonniers, ce que les Talibans avaient l’habitude de faire dans le passé. La doctrine de guerre de l’administration Bush les considère en effet comme des terroristes et non comme des soldats. Les Talibans se plaignent aussi que les Américains torturent leurs prisonniers alors qu’eux-mêmes affirment qu’au nom de l’Islam, ils n’ont pas – et ne peuvent pas avoir – recours à ces pratiques. Enfin, ils perçoivent avec le plus grand mépris les bombardements de ce qu’ils appellent les « forces occupantes ». Pour eux, le combat d’homme à homme est une vertu masculine. Le bombardement qui tue sans discernement est considéré comme une pratique injuste.

Justement, l’armée française bombarde régulièrement leurs positions. Quel impact cela a-t-il sur la perception qu’ont les Talibans des soldats français ?

La seule chose que les Talibans disent des Français est : « ils bombardent ». Ce qui, à leurs yeux, nous place moralement du mauvais côté. On est donc loin de l’image des Français qui nous est restituée par les grands médias nationaux faisant l’éloge de la « French touch » et du comportement humain des soldats sur le terrain ainsi que dans les villages afghans. Aujourd’hui, les Talibans ne font plus aucune différence entre les Français présents en Afghanistan avec des armes et ceux présents sans armes, comme les humanitaires. Ils se disent que dans les deux cas de figure ce sont des étrangers qui les occupent.

Selon vous, comment a été interprétée la visite de Nicolas Sarkozy en Afghanistan après le décès de dix militaires français au cours d’une attaque talibane le 18 août dernier ?

La visite précipitée de Nicolas Sarkozy à Kaboul leur a fait apparaître les Français comme les faibles ou le ventre mou de la coalition internationale présente en Afghanistan. Ce qui ne peut que les inciter à concentrer désormais sur eux leurs attaques.

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