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Crise de l'euro: la fin de la France ?


Tribune de Jean-Pierre Chevènement parue dans Les Echos, mercredi 16 novembre 2011.


Crise de l'euro: la fin de la France ?
Le sort de la monnaie unique se joue en Italie. Ce pays doit lever 300 milliards d'euros en 2012 à un taux qui dépasse 6 %. Intenable.

Le remplacement d'hommes politiques élus par des technocrates européens non élus, MM. Monti en Italie comme Papadémos en Grèce (à quand M. Trichet à Matignon ?) ne réglera rien.

En effet, les ressources disponibles du Fonds européen de stabilisation financière (FESF), soit 250 milliards d'euros, sont radicalement insuffisantes pour faire face à la montagne de dettes des pays « sous tension » (plus de 3.000 milliards d'euros) et particulièrement au risque d'un défaut italien.

Le fameux « effet de levier » évoqué par le sommet européen de Bruxelles du 24 octobre 2011 pour multiplier les ressources du FESF par cinq a fait long feu : le « véhicule spécial » qui devait embarquer des « émergents » (Chine, Brésil, etc.) pour venir au secours de la monnaie unique est rentré vide du sommet du G20 à Cannes.

Après l'Italie, la France est en première ligne, compte tenu de la forte exposition des banques françaises dans la péninsule.

Le gouvernement français a fait une proposition intéressante : transformer le FESF en banque, pour l'adosser aux ressources théoriquement illimitées de la Banque centrale européenne. C'eût été le seul moyen de casser la spéculation pour, ensuite, relancer la croissance sur notre continent.

Devant le refus allemand, la proposition française a été malheureusement retirée. Ceux qui nous parlent de « saut fédéral » nous dissimulent qu'il débouche sur un espace disciplinaire et une mise sous tutelle que les peuples n'accepteront pas, car les technocrates européens ne pourront pas supprimer les élections En fait, nul ne veut voir que le vice constitutif de la monnaie unique est d'avoir méconnu les réalités nationales : on ne peut pas transférer la souveraineté monétaire de dix-sept pays si différents par leurs structures économiques, politiques et mentales à une Banque centrale indépendante calquée sur le modèle de la Bundesbank allemande. Là est le péché contre l'esprit. Et tant qu'on n'aura pas pris en compte les réalités nationales on ne résoudra pas durablement la crise de l'euro.

Il n'y a aujourd'hui que deux chemins : soit on change l'architecture de la monnaie unique en étendant les prérogatives de la Banque centrale, soit on essaie de rectifier l'erreur initiale en revenant à l'idée de monnaie commune autrefois prônée par Pierre Bérégovoy.

Si la position du gouvernement allemand sur le rôle de la Banque centrale demeure inchangée, nous allons vers une dissociation de la zone euro à laquelle il vaudrait mieux se préparer pour en limiter les effets négatifs et ainsi préserver l'unité du marché européen. C'est le sens de la proposition que j'ai faite d'une mutation de l'euro de monnaie unique en monnaie commune. L'euro redeviendrait ce qu'était l'ECU, c'est-à-dire un panier de monnaies nationales dont les parités seraient périodiquement négociées pour tenir compte des écarts de compétitivité entre les pays. L'euro resterait la monnaie de transaction pour les échanges extérieurs. Les monnaies nationales seraient réservées aux échanges internes. Ainsi, un pôle européen respectueux des nations prendrait forme entre les Etats-Unis et la Chine. Le cours de l'euro serait fixé par les marchés. Il serait sans doute moins surévalué qu'aujourd'hui : cela redonnerait de l'air à la croissance et à l'investissement en Europe.

Le risque majeur pour la France, si l'Italie et l'Espagne devaient reprendre leur liberté monétaire, serait de rester collée à l'Allemagne dans une petite zone euro réduite à un noyau dur - Allemagne, Benelux, Autriche, France, comme le proposaient, en 1994, MM. Schäuble et Lammers.

Ce qui reste de l'industrie française ne résisterait pas à une nouvelle surévaluation de l'euro, conjuguée avec la dévaluation compétitive des pays du Sud. Or, malheureusement, les discours du président de la République (« il faut en tout point imiter l'Allemagne ») aussi bien que le tropisme des européistes benêts au sein du Parti socialiste nous enfermeraient dans ce cul-de-sac historique : la France, ayant abandonné sa base productive, deviendrait un parc d'attractions à l'extrémité du continent eurasiatique, où viendraient se reposer des guerriers économiques fatigués, allemands, chinois, japonais, américains, etc. Elle sortirait de l'Histoire. Je demande fermement que les candidats qui ambitionnent d'exercer la plus haute charge de l'Etat refusent clairement la perspective de cette petite zone euro qui serait tout simplement la fin de la France.

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Source : LesEchos.fr


Rédigé par Jean Pierre Chevenement le Mercredi 16 Novembre 2011 à 08:14 | Lu 4634 fois



1.Posté par Gilbert RIBES le 16/11/2011 11:13
Le financement des déficits publics par la BCE est incontournable pour "sauver" l'euro.
Les dirigeants allemands finiront par s'en rendre compte.
Espérons qu'il ne sera pas trop tard.
Mais ils n'accepteront jamais cette solution si de strictes limites ne sont pas fixées.
Limites dans le temps et limites quant aux montants des financements autorisés.
Pour que les allemands l'acceptent cette solution doit être indissociable d'un impératif de retour à l'équilibre budgétaire de tous les comptes publics (Etat, collectivités territoriales, protection sociale), dans un délai suffisamment long pour ne pas entraver la croissance et la diminution du chômage.Un délai de 5 ans (2011-2017) paraît raisonnable pour la plupart des pays de l'Eurozone.
Le retour à l’équilibre budgétaire ferait l’objet d’engagements de réduction annuelle des déficits.Des mesures correctives automatiques, prévues dès l’origine, seraient appliquées en cas de non-respect de ces engagements.
Une simulation, basée sur une diminution des dépenses publiques de 1% par an et une augmentation des recettes publiques de 1% par an, à euros et PIB constants, montre que le cumul des déficits publics annuels des pays de l’Euroland diminuerait de 550 milliards d’euros en 2011 à 28 milliards d’euros en 2016(59 milliards d’excédents en 2017) et que les déficits accumulés de 2011 à 2016 s’élèveraient à 1479 milliards d’euros.
Le plafond des autorisations données à la BCE pourrait donc être fixé à 1500 milliards d’euros,avec un échéancier annuel décroissant de 500 milliards d’euros en 2012 à 50 milliards d’euros en 2016.
Cette autorisation concrétiserait une solidarité de fait entre les pays de l’Eurozone autour de la valeur de l’euro et constituerait un élément d’une « coopération renforcée ».

2.Posté par J R le 16/11/2011 12:24
Le Guerrier politique Chevènement lui aussi est sans doute fatigué, et il aurait droit à un peu de repos en France, sur les terres noires de l'est qu'il a si longtemps labourées.
Jouer les Cassandre n'est pas son genre. Faire peur aux électeurs en agitant la crise économique et la guerre des monnaies entre dollar, euro et yuan n'est pas un bon programme de rassemblement.
Les compétences de gauche doivent se fédérer et se confronter à gauche autour du candidat de gauche désigné par 5 millions d'électeurs : François Hollande.
Convaincre la gauche pour vaincre la droite devrait être votre projet.

3.Posté par Jeremy Vedder le 16/11/2011 12:55
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Le clivage droite gauche est dépassé , un ticket avec NDA serait gagnant sincèrement, la France ne peut plus attendre

4.Posté par J R le 16/11/2011 14:58
Un peuple debout, sans toit ni nourriture est vite un peuple à genoux. Et toutes les incantations du monde n'y changeront rien. La France a déjà coupé des têtes voici 3 siècles, mais il a bien fallu ensuite se remettre au travail dans une économie réelle.
L'art de la politique est donc de satisfaire à la fois les besoins primaires tout en préparant un projet de développement soutenable.
Le souverainisme peut également se chanter sur tous les tons, mais il vaut mieux fabriquer du pain; cela nourrit mieux son homme.

5.Posté par Michel PILLIER le 16/11/2011 15:48
Le culot ne fait pas peur à JR, qui amalgame les deux tours de la primaire socialiste pour en conclure que M. Hollande aurait été désigné par 5 millions d'électeurs ! La vérité est qu'il a été choisi par 1 million et demi seulement. Certes, ce n'est pas si mal. Mais si on rapproche ce chiffre des 9 millions et demi d'électeurs qui avaient voté pour Mme Royal au premier tour de la présidentielle 2007 avant qu'elle ne perde au second avec 17 millions de voix, M. Hollande est encore loin d'être le fédérateur de la gauche qu'on veut bien nous décrire.
D'autres candidatures de gauche sont donc parfaitement légitimes, et particulièrement celle de J-P Chevènement qui apporte manifestement des éléments réalistes à "un projet de développement soutenable" que JR appelle par ailleurs de ses voeux. Projet qui n'est pas "souverainiste" (JPC ne s'est jamais reconnu dans ce terme) mais fondamentalement républicain.

6.Posté par Bernard DECOME le 16/11/2011 22:29
Accords PS-VERTS : Quelle boulette! En donnant son accord sur la fin de la production du combustible MOX , le PS s'est tiré plusieurs balles dans le pied.
1- Le MOX est un mélange d'oxydes UO2 (oxyde d'uranium) + PuO2 (oxyde de plutonium).
Il faut savoir que l'EPR est prévu pour fonctionner au MOX;
2- Le plutonium provient du retraitement sur le centre de La Hague des combustibles irradiés
sortis des réacteurs nucléaires. Il est évident que la fin du MOX entraine la fin de l'EPR.
3- Si on ne produit plus de MOX la production du plutonium, devient inutile et le centre de la Hague perd de son intérêt .
Chez les verts, il y a de fins stratèges, bien meilleurs qu'au PS; Eva Joly pouvait faire la fine bouche pour faire monter les enchères sur le nombre de députés; Elle savait qu'elle était gagnante sur tous les tableaux. Espérons que les conseillers en économie du PS soient bien meilleurs que ceux qui ont conseillé F Hollande en matière de production d'énergie.
Le PS devrait se poser la question de savoir s'il vaut mieux gagner l'élection présidentielle avec les verts ou perdre sans eux. En cas de victoire avec les écologistes le PS aurait une législature très difficile.

7.Posté par J R le 17/11/2011 08:20
J'ai une éolienne à côté de chez moi qui produit de l'électricité. Sa durée de vie et de "nuisance" est de l'ordre de 30 ans. Par contre je vois que la durée de demie vie radioactive du plutonium est de 24000 ans. Pour l'uranium, c'est 700 millions d'année. Ne pas sortir du nucléaire, c'est se tirer une balle non pas dans le pied, mais dans la tête.

8.Posté par Michel PILLIER le 17/11/2011 14:08
Réponse à JR : Comparer la demi-vie radioactive du plutonium à la durée de service d'une éolienne n'a rigoureusement aucun sens. Et puisque vous avez paraît-il une éolienne à côté de chez vous "qui produit de l'électricité", dites-vous bien qu'elle n'en produira plus quand le vent sera tombé. Et c'est tout le problème : l'éolien et le solaire sont des sources intermittentes. Elles ne peuvent donc pas se substituer aux énergies fossiles ou nucléaire. Dans ce contexte, la fameuse "sortie du nucléaire" ne laisse le choix qu'entre augmenter la part des énergies fossiles (et donc du CO émis dans l'atmosphère) ou manquer d'électricité.

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